Les hommes de la Benkiranie

Le PJD a un nouveau secrétariat général

Pour revamper le PJD, l’ancien secrétaire général s’est entouré de nombreuses personnalités qui sont connues pour lui être particulièrement proches. Florilège.

Abdelilah Benkirane peut-il nier l’existence d’un courant Abdelilah Benkirane au sein du Parti de la justice et du développement (PJD)? Difficilement, au vu, en tout cas, des noms qu’il a choisis pour prendre part au nouveau secrétariat général. Car fort de la déroute de la formation islamiste aux élections tenues le 8 septembre 2021, M. Benkirane, arrivé en sauveur -“j’ai senti [que le parti] avait besoin de moi,” a-t-il déclaré dans son discours de victoire-, n’a pas manqué d’en profiter pour installer ses hommes (et ses femmes) à ses côtés.

On peut d’abord penser à son ancien ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement dont il a eu la charge de janvier 2012 à avril 2017, Mustapha El Khalfi. Ce dernier, dans lequel il voit, de son propre aveu, quasiment “un fils”, avait, ainsi, été un des deux seuls responsables ministériels du cabinet PJD de Saâd Eddine El Othmani à continuer de lui rendre visite après qu’il ait dû rendre son tablier de secrétaire général en décembre 2017 -l’autre étant le ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle, Mohamed Yatim.

C’est qu’en même temps M. El Khalfi doit beaucoup dans son ascension politique à M. Benkirane, puisque c’est celui-ci qui l’avait placé en décembre 2007 à la tête d’Attajdid, le quotidien du Mouvement unicité et réforme (MUR), le bras prosélyte du PJD. Avant donc de le “gouvernementaliser”. Autre figure “benkiranienne” en vue dans le nouveau secrétariat général, l’ex-députée Amina Mae El Aïnine. Voix critique de M. El Othmani, qui, en contrepartie, l’avait privée d’accréditation pour le scrutin du 8 septembre 2021, elle est toujours restée fidèle à M. Benkirane, qui l’a donc récompensée.

Elle devrait, de fait, retrouver le statut de pasionaria du PJD, qui en a fait une des figures les plus populaires du parti de ces dernières années. En outre, on note aussi la présence de l’ancien secrétaire général de la Jeunesse, Khalid El Boukarai, qui après le départ de M. Benkirane avait tout de même toujours continué d’offrir à ce dernier une tribune dont il ne manquait jamais d’user pour faire passer ses messages à l’encontre notamment de M. El Othmani.

Mais fin politique qu’il est, M. Benkirane a aussi cherché à s’attacher les autres courants animant le PJD. Il s’est, par exemple, adjoint l’ancien ministre chargé des Relations avec le Parlement et la Société civile et ancien président de la région de Drâa-Tafilalet, El Habib Choubani, ou l’ancien ambassadeur du Maroc à Kuala Lumpur, Mohamed Reda Benkhaldoun -que le ministère des Affaires étrangères avait démis de ses fonctions, en janvier 2020, suite à sa rencontre avec une délégation de l’organisation islamiste d’Al-Adl Wal Ihsane dans la capitale malaisienne.

De même, d’aucuns n’ont pas manqué de souligner la présence dans le nouveau secrétariat général de Jihad Rabbah, fille de l’ancien ministre et ancien maire de Kénitra, Aziz Rabbah, avec qui M. Benkirane n’a, comme chacun le sait, jamais été en bons termes -il lui avait notamment reproché, lors d’un meeting en juillet dans la ville d’Agadir en juillet 2016, son ambition et notamment le fait qu’il ait proposé en novembre 2014 dans le quotidien Assabah de s’ouvrir au Parti authenticité et modernité (PAM).

Un fin politique
Mais en même temps, il n’est pas allé jusqu’à directement proposer le nom du même M. Rabbah ou de ses adversaires publics tels les autres anciens ministres Mustapha Ramid, Lahcen Daoudi et Mohamed Rabbah, avec qui il avait publiquement rompu en mars 2021 en raison de l’adoption par le gouvernement El Othmani du projet de loi portant usage légal du cannabis, ou encore Mohamed Najib Boulif et Bassima Hakkaoui ainsi que l’ancien député Reda Bouguemazi, ces trois derniers ayant ouvertement voté au congrès pour l’ancien maire de Casablanca, Abdelaziz El Omari, finalement installé vice-président du conseil national.

Et à la présidence de ce conseil national justement, on trouve désormais l’ancien maire de Salé, Jamaâ El Moâtassim, qui malgré son passage à la tête du cabinet de M. El Othmani à la primature à partir d’avril 2017 est toujours resté proche de M. Benkirane.

C’est dire si le PJD semble donc en bonne voie de se (re)benkiraniser. À noter que M. Benkirane a toutefois été incapable d’imposer au sein du secrétariat général Halima Chouika, Hassan Hamourou et Mohamed Idaâmar, qui sont des personnalités proches de lui et qu’il a dû remplacer par Younès Daoudi, Saïd Khairoun et Mnina Mouden, et que de nombreuses sources assurent que c’est contre son gré que Abdelali Hamiddine s’est trouvé écarté du même organe.

Qui plus est, sa propre fille, Soumaya Benkirane, a menacé de démissionner, n’étant pas d’accord avec la composition de la nouvelle direction. Preuve que sa prise sur le parti n’est tout de même pas (encore) totale.

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