Entretien avec Hind Laïdi, présidente de l'association Jood

"Il faut ouvrir des centres d’accueil pour les sans-abris"

En 2017, il existait 7.200 SDF au Maroc, d’après un rapport publié par le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Vous confirmez ces statistiques?
Ces chiffres sont très loin de la réalité que nous constatons sur le terrain. Juste à titre d’exemple, la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima comptait à cette époque presque 8.000 sans-abris. Nous avions équipé le camion-douche d’une machine à reconnaissance digitale liée à un logiciel de recensement avec énormément de données bien précises.

Nous avons constaté que 2% des SDF vivaient en milieu rural. Malheureusement, nous avons dû arrêter le déploiement de ce camion dès le début de la crise sanitaire pour éviter d’éventuelles contaminations.

Jood mène aussi des activités à Marrakech, Tanger, El Jadida et Rabat. Quelle est la situation dans ces localités?
Il y en a tout autant dans ces villes. La concentration à Tanger est alarmante, des sans-abris, notamment des enfants, font usage de drogues plus dures, comme l’héroine, que celles utilisées dans les autres villes.

Vous prévoyez de lancer de futurs projets en faveur de ces SDF. De quoi s’agit-il concrètement?
Notre association travaille sur différents projets pour assurer une meilleure prise en charge des sans-abris. Nous prévoyons de lancer courant 2021 un réseau social solidaire dénommé «Jood Tag» pour impliquer les citoyens marocains dans ce combat en les incitant à parrainer des sans-abris.

Des centres d’accueil et d’orientation «Jood refuge» permettront de réconcilier certains d’entre eux avec leurs familles, de placer des enfants dans les orphelinats et des personnes âgées dans les maisons de retraite, de trouver du travail pour ceux qui ont du potentiel ou qui disposent d’un bon niveau d’études, etc.

Enfin, les centres «Jood espoir», dédiés aux adolescents, qui vivent dans la rue depuis le bas-âge. Ils y seront internés dans le cadre d’un programme d’une durée de six mois, durant lesquels ils seront sevrés des drogues par les psychiatres, nous leur faciliterons aussi l’obtention de pièces d’identité à travers le service juridique.

Ces jeunes bénéficieront aussi de formations en développement personnel pour leur permettre de retrouver confiance en eux et des métiers qui ne nécessitent pas une formation poussée. Nous envisageons de démarrer ces projets d’ici 2022.

Quelles sont selon vous les actions prioritaires à mettre en place pour une meilleure prise en charge des sans-abris?
C’est l’ouverture de centres d’accueil pour les sans-abris. Le gouvernement en avait ouvert à Casablanca, Oujda, Agadir, Inzegane, Rabat, et Kénitra pour éviter la propagation du Covid-19 et assurer leur protection avant de les fermer à cause du manque d’espace.

Aujourd’hui, seules les autorités locales d’El Jadida les ont maintenus et y accueillent 200 sans-abris qui sont logés et nourris. D’ailleurs, il n’existe plus de SDF dans la ville.

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