Quelle lecture faites-vous de la stratégie africaine du Maroc étant donné que vous êtes co-auteur du Policy Paper intitulé «Stratégie économique du Maroc en Afrique : le modèle Chérifien de co-développement» ?
La stratégie du Maroc en Afrique reflète un engagement ferme du Maroc en faveur du développement commun du continent. Elle s’inspire des liens historiques solides sur les plans humains, culturels, économiques et politiques entre le Royaume et les autres nations du continent. Aujourd’hui, et au regard des nouveaux défis et enjeux géoéconomiques et géopolitiques internationaux, la stratégie marocaine prend une forme plus ambitieuse.
Elle est guidée par des convictions fermes telles que la maximisation de la valeur créée au sein du continent, la nécessité de penser le développement de l’Afrique dans une approche de développement durable ou encore l’optimisation de la connectivité des infrastructures majeures. Concrètement, cette stratégie se matérialise dans plusieurs projets dans des domaines clés (agriculture, énergie, infrastructures, services), financés par des mécanismes innovants, selon une approche de valorisation du capital humain et avec un engagement du Maroc dans la conception et la mise en oeuvre des instances et des mécanismes de gouvernance économique, financière et monétaire.
Peut-on résumer la diplomatie économique africaine du Maroc par l’engagement du Royaume aux côtés des pays africains ou bien s’agit-il vraiment d’une stratégie de co-développement où les intérêts se croisent ?
L’action du Maroc en Afrique n’est pas une opération diplomatique de conjoncture. C’est une transformation de fond qui va s’étaler sur plusieurs décennies et qui traduit finalement un changement de perception de notre espace stratégique et de nos rapports avec nos voisins régionaux et nos partenaires économiques. C’est donc bien une logique de co-développement qui règne, c’est à dire, des terrains de jeu où nous avons tous quelque chose à gagner. C’est tout l’inverse de la logique de l’aide au développement où un pays riche vient « aider » un pays pauvre. Plus que le croisement, c’est la « convergence» des intérêts des pays africains qui garantit la pérennité de ce modèle de co-développement.
L’initiative du Roi Mohammed VI d’accès des pays du Sahel à l’Atlantique obéit-elle à la même vision ?
Complètement. Le Roi Mohammed VI a un agenda clair et ambitieux pour l’Afrique et notamment pour sa façade atlantique. Le Souverain souhaite faire passer à l’économie régionale un nouveau cap d’intégration. Cette initiative présente également de nouvelles opportunités de complémentarité entre les opérateurs économiques des différents pays de la région. Des opportunités qui contribueraient significativement à créer de la valeur et donc de la richesse pour les économies de ces pays. Un Sahel fortement et densément intégré à Afrique de l’Ouest et à la façade atlantique africaine est plus attractif du point de vue des investisseurs internationaux.
Inversement, une façade atlantique connectée au Sahel par un réseau d’infrastructures routières, ferroviaires et logistiques aux normes internationales est également plus attractive pour les IDE. C’est donc là une démonstration parfaite de la philosophie du co-développement qui guide le modèle marocain. Dans un contexte où la zone de libre échange africaine ZLECAF est en cours de mise en oeuvre, cette initiative vient apporter une modification de fond des schémas économiques et commerciaux de cette sous-région restés figés depuis plusieurs années.