Heureux qui comme un Marocain...

LE MAROC AU MONDIAL 2022

Vivre les affres d’une crise économique et sanitaire ne peut se faire oublier que par une cure de joie que seul le football et une qualification à la Coupe du monde est à même de procurer.

Qu’on le juge fantastique ou idiot, le constat est le même: peu d’autres événements internationaux suscitent une telle euphorie collective chez la population marocaine que la Coupe du monde de football. Après un sentiment de vide qui a frappé les fans de football marocains à la suite de l’échec de la sélection nationale à la Coupe d’Afrique des Nations, que du bonheur indescriptible a été ressenti mardi soir, 29 mars 2022.

Devant un public surchauffé, le onze national venait de décrocher son ticket de qualification à la Coupe du Monde 2022 après sa victoire (4-1) face à la RD Congo au complexe Mohammed V de Casablanca. Pendant le match, et après chaque but, les cris symptomatiques de cette joie ineffable (parfois hystérique) se faisaient entendre partout, dans les maisons, dans les salons de thé et dans tous les quartiers.

Après le coup de sifflet final, les Lions de l’Atlas ont célébré cette qualification sur la pelouse avant de rejoindre leurs vestiaires. C’était la grande fête.

Passion dévorante
Le coeur battant, ces derniers ont exprimé leurs joies. Coups de klaxons et vivats ont résonné dans les artères de Casablanca mais aussi dans les quatre coins du Royaume. Les exploits des joueurs de l’équipe marocaine alimentent les rêves de plusieurs millions de concitoyens. Chacun sait pertinemment qu’il n’est pas seul à éprouver quelque chose. Ce sentiment de fierté et d’allégresse est encore renforcé par le fait que l’on en parle après avec d’autres.

L’émotion se vit dans l’instant mais se revit dans les discussions. Cette joie a été amplifiée à l’issue du match, lorsque Sa Majesté le Roi Mohammed VI a félicité les membres de l’équipe nationale pour la qualification au Mondial 2022. Le Souverain s’est ainsi entretenu au téléphone avec le président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaa, l’entraîneur de l’équipe nationale, Vahid Halilhodzic, et le capitaine Ghanem Saïss, auxquels le Souverain a exprimé ses sincères félicitations aux joueurs et aux staffs technique et administratif qui ont su donner le meilleur d’eux-mêmes et accomplir un parcours excellent couronné par cette grande réalisation.

Pourquoi un sacre des lions de l’Atlas dans une compétition internationale comme la Coupe du monde provoque-t-il un tel sentiment de grande joie chez des supporters qui, pourtant, ne voient pas leur vie changer si le Maroc gagne ou perd? C’est parce que, tout bonnement, le football est l’«opium du peuple», cette passion qui dévore des supporters hantés par le foot mais pas seulement !

Peu de manifestations d’envergure internationale sont susceptibles de rassembler une telle masse de personnes dans une ferveur générale. La Coupe du monde n’a pas d’égal. C’est un événement mondial où les regards de l’humanité entière sont braqués en même temps sur l’équipe nationale qui représente le drapeau et la nation. C’est l’identification aux couleurs nationales.

La volonté de s’identifier à la nation n’a jamais fléchi. Si dans le domaine politique, par exemple, l’enthousiasme peut gagner une partie de la population seulement, dès qu’il s’agit de sport en général et de foot en particulier, l’union nationale n’est jamais aussi bien affichée et revendiquée. Quand on participe ou gagne une grosse compétition de foot, on sait que le reste du monde va en entendre parler. Ce phénomène de liesse générale est lié, en partie aussi, à la popularité du foot, l’un des rares sports à être à la fois très pratiqué et très médiatisé. De quoi expliquer, aussi, que dans une Coupe du monde, ceux qui sont fâchés avec le foot finissent par se laisser tenter par le plaisir et le désir d’appartenance au pays, tout aussi bien que les autres, passionnés.

Une passion dévorante
C’est dire que l’opium des peuples, le foot, déçoit et irrite comme il peut rendre heureux. Il suffit d’une fois pour que les échecs en série, depuis des années, notamment lors des championnats d’Afrique, soient effacés de la mémoire des Marocains.

Ce qui compte, c’est la victoire. Ni plus ni moins. Cette soif de vaincre est, également, justifiée par le besoin d’oublier, ne serait-ce que momentanément, la crise sanitaire inhérente à la pandémie du Covid, la crise économique avec ses incidences incarnées par des pertes d’emploi et la guerre menée par la Russie en Ukraine qui a eu des répercussions fâcheuses sur l’économie nationale et le pouvoir d’achat des citoyens marocains.

Vivre sous pression ne peut durer longtemps. Vivre les affres d’une crise économique et d’une hausse vertigineuse et généralisée des prix due à une pénurie d’approvisionnement à l’échelle mondiale des matières premières et des hydrocarbures et induite par la guerre en cours en Ukraine, ne peut se faire oublier que par une cure de joie que seul le football et une qualification à la Coupe du monde est à même de procurer.

Il ne faut pas trop chercher à comprendre, c’est l’effet magique du ballon rond. C’est dire aussi le poids politique, social et symbolique de ce sport populaire. Un poids qui a incité depuis longtemps les acteurs du champ politique et sécuritaire à comprendre l’intérêt qu’ils avaient à prendre en compte ces enjeux dans la mobilisation générale et la gouvernance.

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