Cela fait plusieurs années qu’il en rêvait. Prendre les rênes de l’équipe du Maroc de football et rééditer au moins les succès qui ont fait de lui un des entraîneurs les plus cotés en Afrique, à défaut de l’être (encore?) dans le monde entier.
En le nommant, mardi 16 février 2016, sélectionneur, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) exauce un voeu cher à Hervé Renard, tout sourire à l’occasion de sa présentation aux médias nationaux dans la capitale, Rabat. Dentition “Colgate”, cheveux au vent, teint hâlé, celui qui pourrait tout aussi bien faire mannequin que diriger un banc de touche affiche de grandes ambitions pour les Lions de l’Atlas. Si tout se passe bien pour lui, il devrait les cornaquer en tout cas au moins jusqu’en 2018. “Le premier objectif c’est la qualification à la CAN (Coupe d’Afrique des nations) 2017”, a-t-il déclaré.
De grandes ambitions
M. Renard verrait alors ses émoluments passer de 600.000 à 800.000 dirhams par mois. C’est que la FRMF a dû mettre les moyens pour l’attirer; bien que, il faut le reconnaître, le Français n’a pas été excessivement exigeant, eu égard à son statut d’entraîneur en vogue. Car il faut dire que les propositions étaient beaucoup plus alléchantes ailleurs, surtout en provenance des pays du Golfe arabo-persique.
Le Cameroun et le Nigéria, deux puissances continentales, étaient également en pôle. “C’est vrai que j’ai eu beaucoup de sollicitations, mais il me semble, et j’espère que je ne me trompe pas, que le projet de la fédération marocaine est un projet ambitieux, mais tout à fait réalisable pour pouvoir obtenir dans un laps de temps à moyen terme de très bons résultats”, a-t-il révélé. L’attachement du nouveau sélectionneur et de sa nouvelle épouse, Viviane Awa Dièye, une Sénégalaise, au Maroc d’après leur proche entourage semble également avoir pesé dans la balance. En outre, M. Renard a un agent marocain, Youssef Haijoub.
Celui-ci était déjà en discussion avancée en 2014 avec la FRMF, comme il l’avait reconnu à l’époque à l’agence de presse française Agence France-Presse (AFP), avant que le choix du président de la fédération, Fouzi Lekjaâ, nouvellement élu alors, ne se porte finalement sur le national Badou Zaki, pour des raisons plus politiques que véritablement sportives (lire Maroc Hebdo n°1071, du 9 au 15 mai 2014).
Une affaire d’Etat Pour autant, M. Renard n’a pas galvaudé sa valeur sur le marché et devrait toucher dans un premier temps 600.000 dirhams par mois. Une somme qui devrait faire frémir les défenseurs des deniers publics, prompts quelques années auparavant à dénoncer le salaire d’Eric Gerets. Le Belge, qui avait dirigé la sélection de 2010 à 2012, aurait touché 2,5 millions de dirhams par mois, et son contrat, gardé au jour d’aujourd’hui secret, était devenu une affaire d’Etat, au point que le Parlement avait mis sur pied une commission d’enquête pour en révéler les clauses.
Mais sans doute le prix consenti à M. Renard est-il celui d’hypothétiques “trophée(s)”, lui qui a exigé avant de prendre en charge les Lions d’avoir également la responsabilité de l’équipe nationale locale ainsi que la supervision de la sélection olympique.
Il devrait agir en coordination avec le directeur technique national Nasser Larguet, que M. Renard dit connaître “depuis longtemps”. Les deux hommes sont tous deux passés par l’AS Cannes, en France; le premier en tant que joueur, le second en tant que directeur du centre de formation. “Je suis convaincu qu’il mettra ses compétences au service du football marocain, pour que l’équipe A et locale soient composées de jeunes joueurs avec d’énormes qualités”, a déclaré M. Renard à propos de M. Larguet.
La bourde de la FIFA
Pour prendre la direction de l’équipe nationale, d’autres entraîneurs internationaux étaient également pressentis. Il s’agit principalement de l’Italien Giovanni Trapattoni, qui avait déjà reçu une offre “sérieuse” en 2014 de la part de la FRMF et s’était même déplacé à Rabat pour présenter son projet à la fédération, et de l’Egyptien Hassan Shehata. Les médias nationaux ont également sorti les noms de l’Italien Fabio Capello et du Tunisien Faouzi Benzarti, qui a laissé de bon souvenirs au Maroc après son passage au club du Raja de Casablanca, qu’il avait mené en finale de la Coupe du monde des clubs de 2013, accueillie par le Royaume. Mais la nomination M. Renard était, semble-t-il, déjà actée, comme l’avait révélé, le 31 janvier 2016, le quotidien français L’Equipe. A telle enseigne que le site web de la Fédération internationale de football association (FIFA) s’était empressé, samedi 13 février 2016, de mettre le nom du Français, sur la page réservée à la FRMF, en tant qu’entraîneur de la sélection masculine.
Une bourde pour laquelle s’est excusée la FIFA et aussitôt rectifiée, mais pour quelques heures seulement, puisque M. Renard devenait effectivement dans la foulée le nouveau sélectionneur. Ce dernier se serait même trouvé au Maroc depuis le 9 février 2016, logeant notamment à l’hôtel L’Amphitrite , de la ville de Skhirat, où se déroulait l’assemblée générale ordinaire (AGO) annuelle de la FRMF. C’est à cette occasion qu’avait été entérinée la destitution de M. Zaki, bien que dans la forme il s’agisse d’une séparation “à l’amiable”, selon les termes du communiqué de la fédération, rendu public le lendemain de l’AGO, le 10 février 2016. M. Zaki se verrait en effet verser une indemnité de 1,5 million de dirhams (MDH), équivalent à trois mois de salaire -500.000 dirhams par mois, à peine 100.000 de moins que M. Renard- et synonyme d’un licenciement plutôt que d’un départ volontaire.
Un rapport au vitriol
Une décision que la FRMF a expliquée par “les choix inconstants” de l’ancien gardien de but et capitaine de la sélection dans les années 1980 et 1990 “ainsi que les résultats mitigés des rencontres amicales et officielles” et qui était tout compte fait attendue. En novembre 2015, le deuxième vice-président et président de la commission des équipes nationales à la fédération, Nour Eddine El Bouchehati, avait en effet, dans un rapport au vitriol, demandé son débarquement. C’était à l’issue du match retour du deuxième tour des éliminatoires de la Coupe du monde, perdu (0-1) en Guinée équatoriale. Le Maroc n’avait alors dû sa qualification au troisième tour qu’au bénéfice de sa victoire (2-0) à l’aller dans la ville d’Agadir. Annoncé comme le messie, encore auréolé de sa finale de la CAN en 2004 en tant que sélectionneur national, M. Zaki semble avoir perdu de sa superbe. Il paie aussi ses mauvaises relations avec son staff technique, principalement son adjoint Mustapha Hadji, ce dont le communiqué de la FRMF fait également mention, sans toutefois nommer l’ancien international.
MM. Zaki et Hadji en étaient arrivés à s’accrocher à l’issue du nul (1-1) face à la Guinée en octobre 2015. M. Zaki aurait notamment reproché à son adjoint d’avoir accepté sans en avoir discuté avec lui une demande du Bayern Munich de garder à sa disposition le défenseur Mehdi Benatia, capitaine par ailleurs de la sélection. La décision de maintenir M. Hadji dans le staff constitue assurément une manifestation de soutien à son égard de M. Lekjaâ, dont on le dit très proche.
L’ancien Ballon d’or africain 1998 entretient également de bons rapports avec les cadres de la sélection, notamment M. Benatia. Tout le contraire de M. Zaki qui depuis son entrée en fonction en 2014 avait écarté pour des raisons personnelles plus que professionnelles beaucoup de joueurs, à l’instar d’Adel Taârabt, Abdelhamid El Kaoutari, Sofiane Boufal et autres.
Manifestation de soutien
On se souvient qu’au cours de son premier mandat entre 2002 et 2005, il s’était déjà clashé avec certains Lions à l’instar du capitaine de l’époque Noureddine Naybet; conduisant alors à une deuxième non qualification d’affilée en Coupe du monde. “Avec Mustapha Hadji, qui est une figure emblématique du football marocain, je gagnerais beaucoup de temps avec son expérience et son oeil avisé sur le football marocain”, a confié M. Renard. Comme toujours, M. Renard sera accompagné de son fidèle adjoint, Patrice Beaumelle. Ce dernier était de l’aventure lors des deux victoires du Français en CAN en 2012 et 2015, respectivement avec la Zambie et la Côte d’Ivoire. M. Renard l’a qualifié en conférence de “quelqu’un qui a énormément de compétence et qui apportera aussi beaucoup à cette équipe nationale du Maroc”.
Un cinquième Mondial ?
Si M. Renard refuse de promettre “monts et merveilles”, il dit penser “qu’il y a assez de bons joueurs pour pouvoir rivaliser avec les meilleures équipes en Afrique”. Il aurait déclaré pendant son entretien d’embauche qu’il ne pouvait pas assurer de double victoire face au Cap-Vert lors des matchs prévus, en éliminatoires de la CAN, face aux “Tubarões Azuis” (les Requins bleus, en portugais, langue officielle du Cap-Vert) les 23, à l’extérieur, et 27 mars 2016, à domicile, mais qu’il ferait de son mieux. “J’espère que tout le monde sera derrière cette équipe nationale et j’espère qu’il y aura une grande unité nationale pour croire à ce projet”, aspire-t-il. “Winner” devant l’éternel, nul doute que M. Renard fera tout pour y parvenir. Et peut-être, fin 2017, qualifier le Maroc pour sa cinquième Coupe du monde, la première depuis vingt ans. D’ici là, il tentera d’abord de faire retrouver aux Lions une couronne continentale qu’ils n’ont plus étrennée depuis 1976, seul et unique sacre africain.