L'hécatombe continue de planer sur le Royaume

DES MALADES MEURENT À CAUSE DE LA PÉNURIE DE SANG

Dans tout le Maroc, les réserves de sang sont proches de zéro. La situation est catastrophique dans les plus grandes villes du pays. Les Marocains ne donnent plus leur sang dans les circonstances sanitaires actuelles, marquées par la pandémie du Covid-19. En parallèle, des malades meurent à cause de cette pénurie.

Le sang demeure toujours cette denrée rarissime dans notre pays. Elle s’est encore plus raréfiée avec la pandémie du Covid- 19. Du coup, les malades qui en ont besoin souffrent, pour ne pas dire meurent. Les scènes de désordre et de files d’attente interminables devant les centres régionaux de transfusion sanguine dans les différentes villes du Royaume tournent en boucle sur les réseaux sociaux.

A Casablanca, une vidéo filmant une centaine de personnes criant devant la porte du centre sanguin est décrite comme l’une des plus violentes dans l’histoire du don de sang dans notre pays. Ne trouvant pas le sang pour lequel elles se sont déplacées, souvent de très loin, les familles des malades ont perdu leur sang froid et ont commencé à insulter les fonctionnaires du centre, qui ne savent pas comment gérer ce genre de situation.

Un stock de sécurité très limité
Chaque jour, quand ils viennent au travail, ces pauvres fonctionnaires ont la peur au ventre, craignant des débordements pouvant conduire à d’éventuelles scènes de crime. Dans les faits, la situation est intenable. Voire incontrôlable. Depuis l’éclatement de la pandémie, les réserves de sang sont proches de zéro. A Rabat, le stock de sécurité ne couvre que trois jours. Or, l’Organisation mondiale de la santé recommande un stock de sécurité de minimum 7 jours.

Docteur Khadija Lahjouji, directrice par intérim du Centre national de transfusion et d’hématologie, évoque un niveau très bas auquel sont confrontés tous les centres du pays, qui font face chaque jour à des demandes importantes émanant des familles marocaines. «Nous arrivons à recueillir entre 400 et 500 poches de sang par jour mais elles ressortent tout de suite, ce qui nous empêche de constituer un stock de sécurité pour l’avenir», se désole cette médecin qui vient d’être reconduite, le jeudi 14 janvier 2021, à la présidence de l’instance arabe des services de transfusion sanguine. La situation est beaucoup plus grave dans les autres villes, notamment Casablanca, Agadir, Marrakech, Fès et Tanger.

Dans la métropole économique, où la demande est très forte, les stocks ne couvrent qu’une seule journée, loin du niveau de Rabat. Or, Casablanca, qui concentre plus de 60% des malades dans notre pays, a besoin chaque jour de plus de 600 poches de sang pour répondre à la demande des malades.

Cette quantité est loin d’être atteinte. Avec le Covid-19, les mesures restrictives imposées par le gouvernement et la peur des Casablancais de se faire contaminer, le don de sang est devenu le dernier souci des citoyens.

«Malgré nos appels incessants au don de sang sur les réseaux sociaux tout particulièrement, mais également dans les médias, les Marocains ont décidé de boycotter ce noble geste», constate, avec amertume, Docteur Amal Darid Ibenlfarouk, directrice du Centre régional de transfusion sanguine à Casablanca.

Une peur injustifiée
Or, au-delà des mesures restrictives et de cette peur de se faire contaminer, les centres régionaux ont pris toutes les mesures nécessaires de prévention et de sécurité sanitaire qui consistent à protéger les donneurs contre toute contamination. Une manière de rasséréner ces derniers que donner son sang n’expose pas forcément à la contamination. «Nous faisons appel à des sociétés spécialisées qui procèdent tous les jours à la désinfection des lieux, la prise des températures et au respect strict des gestes barrières dont la distanciation sociale, le port de masque et la distribution de gels hydro alcooliques», explique Dr Amal Darid. Celle-ci affirme que le Maroc a besoin de plus de 1.000 dons de sang par jour pour sécuriser légèrement le niveau des réserves.

Ce millier de donneurs pourrait constituer 3.000 poches de sang, ce qui pourraient sauver autant de vies humaines. Or, sur le terrain, force est de constater qu’avec la progression de la pandémie et la crainte de tomber malade avec l’apparition de nouvelles variantes du Coronavirus, l’objectif d’atteindre ce niveau s’éloigne de plus en plus. Les Marocains constatent aussi une absence totale de l’engagement du ministère de la santé dans ce domaine. Il est vrai que ce département est fortement mobilisé pour le Covid-19, mais l’appel au don de sang doit être désormais inscrit parmi ses priorités.

Car, si on ne meurt pas du Covid-19, on peut mourir de l’absence du sang. Un problème majeur de santé publique qui se complexifie dans les circonstances actuelles. Pour les médecins, le ministère de la santé est obligé de lancer et relancer les campagnes d’appel au don, lesquelles ont complètement disparu du paysage médiatique national.

Et pourtant, ces campagnes ne coûtent absolument rien et connaissent toujours l’adhésion des médias nationaux publics et privés. L’urgence d’agir est plus que jamais forte face à une situation chaotique qui risque de provoquer une émeute sociale si les choses ne sont pas prises au sérieux.

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