Sous la présidence du premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachguar, l’Organisation des femmes ittihadies (OFI) a consacré le 10 novembre 2023 une réunion au chantier actuellement en cours de la réforme de la Moudawana, dans lequel le parti de la rose espère sans doute bien peser. Secrétaire nationale de l’OFI, Hanane Rihhab nous en dit plus.
Sur quoi portent vos propositions de réforme de la Moudawana?
Nous avons rassemblé nos propositions dans un mémorandum qui sera remis à la commission chargée d’élaborer la vision initiale des amendements proposés. Un ensemble de principes encadrent nos propositions, dont essentiellement l’alignement des articles de la Moudawana sur le texte de la Constitution qui prévoit l’égalité complète entre les hommes et les femmes et en alignant aussi la Moudawana sur les accords et conventions internationaux ratifiés par le Maroc, notamment en ce qui concerne les droits de la femme et les droits de l’enfant, devenus partie intégrante du droit national. Le code doit également être compatible avec la jurisprudence religieuse contemporaine, qui a une dimension éclairante.
C’est-à-dire?
Nous exigeons par exemple la prévention et la criminalisation du mariage des mineurs, hommes et femmes, avec un texte explicite qui n’accepte aucune interprétation. Nous appelons aussi à interdire la polygamie, car il n’est pas possible de résoudre le problème d’un homme au détriment des intérêts du reste des membres de la famille, y compris les fils et la femme. Nous demandons de rendre la tutelle des enfants après le divorce partagée entre la mère et le père, et l’un d’eux ne peut y renoncer ou être déchu de ce droit que par décision judiciaire. Nous proposons de repenser le système successoral de manière à parvenir à l’équité.
Quid de la question de l’héritage qui, comme vous le savez, reste à bien des égards problématique?
Concernant la question de l’héritage, qui est une question qui nécessite beaucoup de prudence, les conservateurs présentent les mouvements féministes et les démocrates en général comme s’ils voulaient modifier les dispositions contenues dans le Saint-Coran. Or, nous appelons à l’élaboration d’une jurisprudence religieuse contemporaine qui considère que le système de succession, tel qu’il existe actuellement, est devenu obsolète. Il crée des situations d’injustice touchant certains héritiers, ce qui est contraire à l’esprit de l’Islam qui repose avant tout sur la justice. Cependant, la réforme de l’héritage doit passer forcément par l’ijtihad dans l’interprétation des textes explicites, conformément aux objectifs religieux visant la justice et l’égalité.
Une des raisons qui motivent la réforme actuelle, le vrai fossé entre le texte de loi et la pratique quotidienne. Que faire pour régler ce problème?
C’est un problème qui accompagne tous les textes juridiques, pas seulement le Code de la famille, et c’est pourquoi dans nos revendications nous exigeons que le texte juridique soit clair et précis, ne permettant pas de nombreuses interprétations, afin qu’il ne soit pas soumis à l’autorité du juge, de sorte qu’il soit possible de contenir les décisions judiciaires qui ont élargi les cas de mariage de mineurs ou d’autorisation de la polygamie.
On espère d’abord que la commission en charge travaille selon la méthodologie proposée par Sa Majesté le Roi. Nous continuerons à accompagner ce chantier en plaidant, en expliquant et en défendant nos revendications. Car, il faut bien le dire, ce projet est un projet de société et concerne toutes les couches de la population. Et ce sont les femmes des montagnes et des milieux défavorisées qui sont les plus touchées par les formes les plus criardes d’inégalité et d’injustice.