Le parquet de Paris accuse le patron de la police de torture
PROVOCATION. Après quatorze mois d’enquête préliminaire, le Parquet parisien a transmis une «dénonciation officielle aux fins de poursuites» aux autorités judiciaires marocaines dans le cadre de “l’affaire Hammouchi”. Pourquoi maintenant ?
Ils ne désarment donc pas! Pas de “break”! Les voilà en effet qui de plus belle réchauffent la vieille soupe, celle-là même qui avait conduit pratiquement tout au long de l’année 2014 à une crise entre Paris et Rabat. C’est le Parquet de Paris qui se distingue dans cette nouvelle série. Le lundi 18 mai 2015, il fait “fuiter” en direction de l’AFP la notification qu’il a faite à la justice marocaine pour des faits présumés de torture visant le même Hammouchi. A la base de cette procédure, des faits connus, un certain Zakaria Moumni, franco-marocain, ancien boxeur. Condamné au Maroc à la suite d’une affaire d’escroquerie, il allègue qu’il a été contraint de signer ses aveux sous la torture. Il met en cause le patron de la DGST, qu’il accuse même d’avoir été présent lors des sévices qu’il a subis. En février 2014, il porte plainte à Paris. Après quatorze mois d’enquête préliminaire, le Parquet parisien fait, en date du 27 mars 2015, une «dénonciation officielle aux fins de poursuites» aux autorités judiciaires marocaines. Il a estimé que les faits étaient suffisamment sérieux pour fonder cette procédure.
Mise en état du dossier
Quelle suite va lui être donnée? Cette notion de “dénonciation officielle” appelle une clarification. Elle vaut pratiquement instruction à charge mais pas à décharge puisque le mis en cause, M. Hammouchi, n’a pas été entendu par le Parquet de Paris. Sa qualification s’apparente à une pré-inculpation en attendant que toutes les étapes de la procédure pénale soient diligentées à leur terme. En saisissant la justice marocaine, on attend donc de celle-ci qu’elle poursuive l’avancement des investigations et des auditions jusqu’à la mise en état du dossier, avant un jugement éventuel.
Il a fallu la suspension de la convention judiciaire décidée par le Maroc, le 26 février 2014, pour qu’un amendement soit apporté à ce texte bilatéral, le 31 janvier 2015, à Paris, à l’issue de deux journées de négociations entre Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, et son homologue française, Christiane Taubira. Aux termes de cet accord, quoi de neuf? En l’espèce, il a été décidé que chacun des pays informe immédiatement l’autre des procédures relatives à des faits pénalement punissables commis par ses ressortissants et qui sont susceptibles d’engager leur responsabilité.
Des faits jugés sérieux
En l’occurrence, Moumni et l’ACAT (Association des chrétiens pour l’abolition de la torture) –partie civile– dans leur procédure commune vont voir appliquer à celle-ci les modifications apportées à la convention d’entraide judiciaire alors en vigueur. Leurs plaintes, engagées auprès du Parquet de Paris, qui ont fait l’objet d’une enquête préliminaire de plus d’un an, doivent être transférées à la justice marocaine pour complément d’instruction. Ce n’est qu’après l’accomplissement de ce dernier acte que la juridiction française saisie tranchera. Comme c’est parti, il y a fort à parier qu’il ne faut pas attendre un non-lieu puisque le même Parquet parisien a retenu des faits qu’il a jugés sérieux.
Cela dit, comment vont réagir les autorités judiciaires marocaines? Pour l’heure, en tout cas, elles n’ont rien reçu, mais, sur le papier, le cas échéant, plusieurs cas de figure existent. Ce peut être l’absence de réponse ou encore l’inertie, celleci se distinguant par une lenteur qui n’en finit pas et des actes d’instruction marqués au coin de la même position. Ce peut être aussi une réponse circonstanciée, point par point, sur la base de PV d’auditions et d’investigation en bonne et due forme. Dans cette situation, tout sera mis en oeuvre pour démonter les allégations des plaignants ainsi que la construction faite de celles-ci par le Parquet de Paris pour “monter” un tel dossier.
Reste d’autres interrogations qui traduisent toute l’instrumentalisation de cette affaire. Au moment où l’Assemblée nationale française est saisie du projet de loi amendant la convention judiciaire entre les deux pays –et dans le cadre de l’ordre du jour prioritaire– que voit-on? La mobilisation de réseaux “activistes”, les mêmes depuis longtemps, se dépensant sans compter pour peser sur le vote des parlementaires français. Une opération relayée par Amnesty International, qui a présenté son rapport partial sur la torture au Maroc. Une scénarisation grossière d’une campagne qui ne trompera personne. On en a vu d’autre, non? Et d’une autre dimension. Toutes ont fini par faire “pschiiit”!...