Amale Samie
Vous connaissez Hamid Chabat? C’est le Terminator de l’Istiqlal et de l’UGTM. Son ascension patiente et sûre d’une fabrique de joints métalliques et de bicyclettes jusqu’à la tête du parti le plus vermoulu du Maroc et du syndicat oblique qui en émane est un cas d’école. Il a dégommé Abbas El Fassi, dit Bébé Cadum quand il était encore rose et joufflu, et s’est tranquillement posé sur son siège en faisant des ronds de fumée. Puis, en déplacement à Kétama, il fit une déclaration hallucinante en direct aux paysans médusés: «Les travailleurs du kif sont les bienvenus à l’UGTM»! Personne n’aurait pu faire ça, alors, je me suis demandé ce qu’il fumait. Je vous en parle après un coup de poing au ventre dès le lever: une info à vous pourrir la journée, en gros titre: «Trafic transnational de stupéfiants: Plus de neuf tonnes de résine de cannabis saisies au large du Maroc». C’est les autorités qui l’ont annoncé. Elles auraient mieux fait de ne rien annoncer du tout, l’ennemi nous en veut, il ne va pas nous lâcher.
Ensuite, 9 tonnes, ça fait quand même une perte sèche de 4 millions et demi de joints pour les fumeurs européens. Sur le marché du cannabis, la concurrence est impitoyable, mais les Rifains sont d’excellents ambassadeurs de cette partie de notre culture qui vient d’être élevée au rang de patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Pour mieux comprendre, lisez “Pollens”, de Mahi Binebine. Selon cet hurluberlu, et néanmoins écrivain de talent, qui fait pas suer la planète: à Kétama, tout le monde est complètement défoncé, fumeurs et non fumeurs, de tous sexes et tous âges. Quand vient le printemps, le vent transporte le pollen sur des dizaines de kilomètres des champs de cannabis à la stratosphère. Ces petits polissons lubriques de grains de pollen, qui contiennent les cellules reproductrices mâles, se ruent sur les ovules pour les féconder.
Mais, en route, les Rifains en respirent la moitié alors ils se mettent à rire et à danser comme des imbéciles heureux, alors qu’il faut être sérieux dans la vie. Enfin, normalement!
Le commissariat principal de Nouakchott, par exemple, a connu des heures aussi joyeuses que saugrenues après une saisie de 100 kg de cannabis marocain dans les années 80. Au moment de présenter les trafiquants au tribunal, l’objet du délit s’était évaporé! En fait, les flics amateurs des Pink Floyd avaient fumé la moitié du haschisch et dealé le reste. Hop! Coffrés!
Cet usage récréatif du benjoin du Rif n’a donc pas été découvert dans l’État américain du Colorado.
Personnellement, je penche pour la “théorie suisse”. Dès la fin des années 70, dans un laboratoire dépendant du Bureau de lutte contre la drogue, on s’aperçut que des scientifiques en blouse blanche demandaient un peu trop de cannabis pour poursuivre leurs recherches! Après enquête, on comprit: les laborantins avaient mis leur corps à la disposition de la science et s’administraient à eux-mêmes 10 fois plus de “draugue” qu’aux lapins! Toutefois, l’usage du cannabis peut rendre les routes plus sûres.
Ainsi, un jour qu’on avait pris un taxi blanc pour faire un trajet de 400 km, on a été épouvantés par la conduite du chauffeur. On aurait dit qu’il avait l’intention de revenir à sa base en deux heures. Comme j’étais pâle de terreur, mon copain me fit un coup d’oeil rassurant, du genre: je vais régler ça. Il roula soigneusement un joint et l’habitacle se remplit très vite de fumée dirigée soigneusement vers les narines du taximan, qui réduisit très vite sa vitesse à 80 km/h.
Moi, personnellement, je ferai peut-être l’expérience un jour quand un pharmacien me le délivrera sur ordonnance. Enfin, s’il a les yeux en face des trous. A la vôtre, hein, mes amis!
En continu