
Le marché du travail est-il trop rigide ?
EMPLOI. Pour le patronat, réduire le chômage et augmenter la compétitivité nécessite la flexibilité des relations du travail.
Le guide sur la flexibilité du travail que la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) a publié tout récemment ne fait que répéter à l’envi que s’il y a autant de chômage depuis aussi longtemps au Maroc, c’est parce que le marché du travail marocain est trop rigide. Selon Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relations sociales de la CGEM, «seul un modèle de flexibilité responsable en phase avec les nouveaux enjeux de l’économie marocaine et les attentes des opérateurs économiques» est en mesure de «permettre à des populations jusquelà écartées du marché du travail (primo demandeurs, personnes en situation de handicap…) d’y accéder aisément».
Le guide, qui s’intitule “La flexibilité responsable au service de la compétitivité et de l’emploi” s’articule autour de deux axes: la souplesse du marché du travail et la sécurité et employabilité des salariés. Dans le premier, il traite du contrat de travail à temps partiel, le contrat de travail unique, la rupture conventionnelle et le travail temporaire, outil d’employabilité. Dans le deuxième axe, il revient sur l’indemnité pour perte d’emploi, l’accompagnement Anapec et la formation qualifiante. Cette flexibilité encadrée est, selon les représentants du secteur privé, seule à même d’inciter les entreprises à embaucher plus facilement.
Un diagnostic superficiel
Ce refrain repris par les représentants du patronat est désormais bien connu. Il repose pourtant sur un diagnostic superficiel et assez largement erroné.
Car, la réalité du marché du travail au Maroc reste dominée par la précarité de l’emploi, qui touche surtout les plus jeunes. De même, les statistiques officielles du Royaume révèlent un marché moins rigide que ne le prétendent certains représentants du patronat qui ne veulent pas voir la réalité en face. La réalité de ces deux-tiers des 4,5 millions de salariés que compte la pays qui n’ont pas de contrat de travail écrit. En y ajoutant les 5,6% d’employés qui ont un contrat à durée déterminée (CDD), la flexibilité atteint 72%! Le marché du travail au Maroc a-til, alors, davantage de souplesse?
Certes, les défenseurs de cette vision libérale mettent en avant le fait que les rigidités du marché du travail dressent, selon eux, des obstacles réglementaires qui empêchent l’offre et la demande de travail de s’ajuster correctement. Il considèrent, par exemple, que, si le droit du travail interdit aux employeurs de pouvoir licencier facilement et sans frais, alors ceux-ci seront réticents à embaucher autant qu’ils le pourraient. Autant de raisonnements qui paraissent relever du bon sens, mais qui présentent plusieurs fragilités. Ne serait-ce que les règles qui protègent l’emploi sont peutêtre peu incitatives à l’embauche, mais elles sont très favorables aux emplois existants et à ceux qui les occupent.