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La cupidité de deux généraux tue

Le Soudan en proie à une guerre civile


Dans ce pays arabo-musulman aux richesses souterraines incommensurables, le bilan des affrontements s’alourdit de jour en jour. Les hostilités entre les deux factions armées sont alimentées par les intérêts divergents des puissances régionales frontalières et les convoitises étrangères.

Au Soudan, chaque jour est un nouvel épisode sanglant d’une tragédie humaine avec son cortège de morts. Depuis le 15 avril 2023, en dépit des trêves conclues sous l’égide des Nations-Unies ou de l’Arabie saoudite, les violents affrontements entre les éléments de l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) se poursuivent et se ressemblent. Le bilan s’alourdit de jour en jour, des centaines de morts et des milliers de blessés. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’attend à beaucoup plus de décès dus aux épidémies, au manque d’accès à l’eau et à la nourriture et aux perturbations des services de santé essentiels.

Les nombreuses tentatives de faire taire les armes ont échoué entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, et les redoutés paramilitaires FSR du général Mohamed Hamdane Dogolo, dit «Hemedti ». Des avions militaires survolent la banlieue nord de Khartoum et la région de Darfour. Entre les troupes des deux généraux ayant fait front commun lors du coup d’État de 2019 qui a évincé le dictateur Omar Al-Bachir, un échange sans discontinue de tirs à la mitrailleuse et à l’arme lourde. Pillages, meurtres et incendies de maisons, le pays de 45 millions d’habitants, est en proie au chaos total.

Le général al-Burhan avait en ligne de mire les élections de 2024, promises par le Conseil de transition, qu’il dirige depuis 2021. Pour neutraliser son opposant Mohamed Hamdan Dogolo, le numéro 2 du pouvoir, al-Burhan comptait intégrer les Forces d’intervention rapide au sein de l’armée. Ce qui a amené Dogolo à enclencher les hostilités. Une forte rivalité oppose les deux généraux soudanais depuis plusieurs années. Chacun de son côté, ils ont développé des alliances à l’international.

Au nord, l’Égypte, soutient l’armée d’al-Burhane», pour préserver sa part d’eau du Nil. Au sud, l’Éthiopie, qui défie Le Caire et Khartoum, à cause justement du partage du débit du Nil, pourrait prendre position en faveur des Forces de Hemedti.

Ce dernier a pour appui certains pays du Golfe comme les Emirats Arabes Unis mais également de la Russie, via la milice privée Wagner. Un soutien qui n’est pas fortuit puisque le général Hemedti contrôle une bonne partie du pays riche en minerais et doté d’un fort potentiel agricole. Pris entre les feux de deux factions armées qui luttent pour le pouvoir et les ressources minières, le Soudan va-t-il connaître le même sort que la Libye, déchiré au gré d’un jeu d’influence international ?

Ce scénario est fort plausible. Les chances d’un apaisement se réduisent au fil des jours. Nombre de pays sont à pied d’oeuvre pour le rapatriement de leurs ressortissants. Le Maroc a réagi tôt en application des hautes instructions du Roi Mohammed VI. Les services de l’ambassade du Royaume au Soudan ont organisé une caravane terrestre à partir de la capitale Khartoum à destination de la ville de Port-Soudan. Ils ont dû quitter leurs domiciles en abandonnant parfois leurs précieux biens et braver les dangers des bombes et des balles avant d’atteindre ce point de rassemblement fixé par l’ambassade du Maroc à Khartoum.

De là, des avions de la Royal Air Maroc ont réussi à évacuer en toute sécurité 293 Marocains sur un total de 400, pour leur majorité des femmes et des enfants, à destination de l’aéroport international Mohammed V de Casablanca. Malgré toute l’horreur qu’ils ont vécue, les rapatriés nourrissent l’espoir d’y revenir bientôt. Mais pour l’heure, la situation sur le terrain dans ce pays arabo-musulman demeure instable et imprévisible. Le manque de visibilité est alimenté par les intérêts divergents des puissances régionales frontalières mais aussi par les convoitises étrangères des richesses incommensurables d’un pays rendu pauvre par la guerre civile.

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