
Le gouvernement Benkirane donne l’impression de naviguer tantôt au gré du vent, tantôt à contre-courant. Miné par des querelles internes interminables, il se donne en spectacle, plus qu’il n’offre de perspective aux attentes du public. Et plus on se rapproche de l’échéance des législatives, plus cette tendance affligeante se confirme et s’accentue. On ne compte plus les dissonances et la cacophonie au sein d’une coalition gouvernementale où chacun joue sa partition en aparté, selon son approche partisane et, évidemment, électorale.
Cette situation donne une image du gouvernement actuel où la perception du public rejoint parfaitement la réalité vraie de son fonctionnement. Une image déplorable. Le public, précisément, pose un regard d’étonnement et de dépit sur une structure censée s’occuper de ses problèmes à lui, alors qu’elle paraît incapable de se gouverner par elle-même.
Il est souvent reproché à la presse d’éprouver un malin plaisir à taper sur les partis politiques et plus particulièrement sur leur émanation gouvernementale. Dans ce cas d’espèce, il est expressément permis d’avoir quelques doutes à tous les registres d’action et d’inaction du gouvernement. Cet Exécutif, à dominante islamiste, est à nul autre pareil parmi ses prédécesseurs. Porté par un contexte inédit dans le monde arabe, il s’est pratiquement imposé comme par effraction sur la scène politique nationale.
L’engouement des peuples électeurs pour une expérience nouvelle, après avoir essayé les autres, y a beaucoup aidé. Après cinq ans d’exercice, presque entièrement consommés, que peut-on mettre à l’actif de ce cartel au pouvoir? Si l’économie nationale semble tenir sur un équilibre instable, c’est essentiellement au détriment du social. Et grâce à un formidable effet de conjoncture favorable. En effet, la chute spectaculaire du prix du pétrole a permis de faire avaler l’amère pilule du démantèlement de la Caisse de compensation.
Le sucre, dernier produit soutenu par la Caisse, est en sursis. Sa décompensation, nécessairement impopulaire, est reportée pour après les élections législatives. Une mesure électoralement préventive. Toujours est-il, qu’avec la défunte caisse, c’est un acquis structurel d’importance primordiale pour la consommation des ménages qui a disparu.
Dans la même logique, d’autres décisions augurent d’un désengagement progressif de l’État dans des secteurs aussi vitaux que stratégiques, tels la Santé et l’Enseignement. Les cliniques sont sommées de s’ouvrir sur le capital privé, quant à l’école publique gratuite, sa fin est annoncée. Les citoyens devront, désormais, mettre la main à la poche pour les études de leurs enfants, du primaire à l’université. Après des soins de santé à la facture, un enseignement à la carte. En somme, aucun gouvernement précédent n’a autant initié et planifié une politique sociale aussi régressive.
Malgré toutes ces reculades socialement pénalisantes, il semble que le pire est à l’avenant. Car, nous nous dirigeons, paraît-il, vers un autre mandat dans la même configuration politique, ou presque. Ce serait pour les mêmes raisons qu’il y a cinq ans, à savoir un environnement à risque qui perdure aux niveaux arabe et régional et qui conduirait les électeurs à vouloir prolonger l’expérience actuelle. Un bis repetita pour un schéma gouvernemental en décomposition avancée. Une perspective pas très engageante.