CRISE ÉGYPTE-SOMALIE-ÉTHIOPIE

La goutte d’eau de mer Rouge qui peut faire déborder le vase

Entre l’Éthiopie et ses voisins proches ou lointains, dont l’Égypte, rien ne semble s’arranger. La récente livraison d’armes égyptiennes à la Somalie complique encore davantage la donne.


Le pre?sident e?gyptien Abdel Fattah al-Sissi accueillant le pre?sident
somalien Hassan Cheikh Mohamoud, le 21 janvier 2024.


Regain de tension dans la Corne de l’Afrique. En Éthiopie, on ne semble pas vraiment goûter la récente livraison par l’Égypte d’armes à la Somalie, à la suite de l’accord militaire signé au cours de la visite effectuée le 14 août 2024 par le président somalien, Hassan Sheikh Mohamoud, au Caire. La livraison a été effectuée dans la matinée du 27 août 2024, par le biais de deux avions Lockheed C-130 Hercules spécialement affrétés par l’état-major de l’armée égyptienne.

On ne connaît pas le type exact des armes en question, mais il est clair que du point de vue éthiopien, ils sont susceptibles de nuire au cas où une guerre se déclencherait avec Mogadiscio. Un scénario qui n’est pas si inenvisageable que cela: depuis le tournant de l’année 2024, les relations entre les deux voisins est-africains s’inscrivent dans une logique d’escalade, consécutive à la signature par l’Éthiopie d’un accord avec le Somaliland en vue de bénéficier d’un accès direct à la mer Rouge, dont rappelons-le elle ne dispose plus depuis l’indépendance de l’Érythrée en mai 1993.

Lequel Somaliland fait partie, du point de vue du droit international, à la Somalie (il correspond à l’ancienne Somalie britannique, dissoute en juin 1960), l’accord avec l’Éthiopie constituant donc, de fait, une violation de l’intégrité territoriale somalienne. S’ajoute à cela l’inimitié de plusieurs années qu’il y a entre l’Égypte et l’Éthiopie, due au projet éthiopien du grand barrage de la Renaissance, qui, pour Le Caire, constitue une menace à son approvisionnement en eau, étant donné que le projet s’appuie sur le Nil bleu, un des deux affluents du Nil égyptien avec le Nil blanc.


L’Éthiopie prise en étau
Le différend égypto-éthiopien est, à ce propos, il faut le dire, si grave qu’en octobre 2020, le président américain, Donald Trump, avait évoqué la possibilité que l’Égypte bombarde le grand barrage de la Renaissance au cas où il n’y aurait pas de règlement diplomatique au bout. En plus de constituer deux membres de la Ligue arabe, l’Égypte et la Somalie se retrouvent, par conséquent, à faire figure d’alliés objectifs, et pour l’Éthiopie, le rapprochement en cours entre les deux pays est extrêmement intolérable, d’autant plus que l’accord militaire dont il a été fait mention plus haut prévoit le déploiement de 5.000 soldats égyptiens sur le territoire somalien, dans le cadre de la future mission de l’Union africaine (UA). En même temps, les quelque 3.000 soldats éthiopiens déjà présents en Somalie au titre de la même mission pourraient être retirés, selon une annonce faite par le premier ministre somalien, Hamza Abdi Barre, le 22 août 2024.

Si, en apparence, le Maroc semble ne pas être concerné, du fait de son éloignement géographique, il n’en reste pas moins que les récentes évolutions pourraient impacter le déploiement diplomatique auquel il tente depuis un certain temps de procéder dans la Corne de l’Afrique, illustré par la visite de cinq jours, du 25 au 29 août 2024, du chef d’état-major de l’armée éthiopienne, le maréchal Birhanu Jula, au Maroc. Sur le plan strictement militaire, un accord de défense avait même été évoqué, mais cela pourrait désormais miner ses relations avec l’Égypte surtout, avec qui les relations se sont beaucoup raffermies depuis le froid de l’hiver 2015, sans compter que c’est une question d’intégrité territoriale dont il s’agit; un point qu’il ne peut que prendre en considération eu égard au dossier relatif à son propre Sahara.

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