Le geste qui a étouffé le sentiment de "hogra"

Marouane Kabbaj

C’est un geste symbolique porteur de beaucoup d’humilité et d’enseignements que celui qu’a entrepris le chef de la police marocaine, Abdellatif Hammouchi, en recevant samedi 26 mai 2018, le propriétaire d’un triporteur maltraité par un officier de police jeudi 24 mai, pour lui présenter des excuses au nom de l’ensemble de la DGSN et l’assurer que tous les Marocains sont égaux quels que soient leur métier ou leur condition. S’attendant à tout sauf à cela, le propriétaire du triporteur a exprimé sa grande joie d’être reçu en personne par le patron de la police. Une réception qui lui fera oublier rapidement ses peines.

L’histoire a fait le tour des réseaux sociaux. La vidéo a été publiée vendredi 25 mai, quelques minutes après l’acte d’agression. Dans cette vidéo, le chauffeur informel, propriétaire d’un triporteur, tente de dissuader le chauffeur de la remorque de ne pas saisir son triporteur, sur ordre de l’officier de police. Celui-ci intervient en lui intimant l’ordre de laisser la remorque embarquer le triporteur en question. L’homme supplie, pleure, embrasse la main, puis les pieds de l’officier à la chemise blanche. Il le prie de lui laisser son triporteur, sa seule source de revenus, qui lui rapporte de quoi subsister lui et sa petite famille, surtout durant les longues journées de Ramadan. Le représentant de la police va encore plus loin en maltraitant le conducteur du véhicule. Il le pousse, le gifle, l’insulte, l’invective.

En plein jour, dans la rue, au vu et au su de tous. La scène est criante. Elle est filmée en direct par un badaud puis, sans attendre, diffusée sur les réseaux sociaux. Elle est partagée et vue par des milliers d’internautes marocains en quelques minutes seulement. Et au bout de quelques heures, le choc et l’exaspération atteignent leur zénith et les messages dénonçant la «hogra» pullulent.

Mais la meilleure décision viendra peu de temps après. Samedi matin, un communiqué important est diffusé. Il parle d’une audience accordée au propriétaire du triporteur par le patron de la police, Hammouchi, qui lui présentera des excuses et l’assurera de son soutien et de sa désapprobation profonde des comportements indignes de l’officier de police.

C’est une décision louable et qui témoigne du grand bond en avant que le Maroc a franchi en matière de respect des droits humains et de la démocratisation de ses institutions à l’instar des pays développés et démocratiques. Le directeur général de la sûreté nationale, Abdellatif Hammouchi, a décidé de suspendre un officier de paix principal exerçant à la préfecture de police de Casablanca, et de le déférer devant le conseil disciplinaire pour violation du code déontologique des fonctionnaires de la sûreté nationale, pour manquement au devoir de réserve et pour avoir exposé un individu à une agression verbale et physique.

Depuis sa nomination par S.M le Roi Mohammed VI, M. Hammouchi fait du ménage à l’intérieur de l’institution qu’il gère et véhicule un message clair et sans détours selon lequel l’appartenance au corps de la police nationale n’est pas synonyme de dépassements et d’abus de pouvoir. Ce qui est admirable dans les décisions prises par le patron de la police, c’est qu’il respecte à la lettre les procédures et les réglementations en vigueur. Ainsi, et au lieu de le virer tout bonnement, il soumet le policier mis en cause au conseil disciplinaire qui tranchera dans son cas. Mais c’est aussi un acte qui a permis d’éteindre vite un feu nourri de la colère et des messages d’indignation des Marocains sous le choc.

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