Général Saïd Chengriha : le fou d’Alger


Nourri par une haine qui ne se dément pas contre le Royaume du Maroc, le patron effectif de la junte algérienne est prêt à mettre son propre pays à genou pour réaliser ses ambitions guerrières.

A l’image du Maroc, l’Ouest algérien se trouve depuis le tournant de l’année 2023 en proie à un froid qui, la nuit tombée, s’avère même parfois glacial. Pas l’idéal pour les ouvriers de l’usine Renault de Oued Tlelat, dans la banlieue d’Oran, eux qui, en d’autres circonstances, auraient bien pu être en train de profiter du chômage technique où ils se trouvent pour se dorer la pilule dans les belles plages de sable fin qui bordent le littoral de la région. Jusqu’à au moins la mi-février 2023, ils doivent, en effet, attendre qu’arrivent du Brésil les fameux kits SKD/CKD qui sont nécessaires pour leur travail de montage et sans lesquels ils se retrouvent donc à littéralement se tourner les pouces depuis plusieurs jours. Plus de trois ans après son commencement, la pandémie de Covid-19 continue, ainsi, d’impacter les chaînes logistiques internationales et par là même le fonctionnement normal de nombreuses industries, y compris celle de l’automobile. 

Sauf qu’en dehors des raisons éminemment systémiques qui sont, in fine, le lot de tous, l’usine Renault de Oued Tlelat pâtit aussi, et surtout, des contre-coups de la décision de la junte algérienne de se priver des produits made in Espagne, sachant que le royaume ibérique est justement connu de par le monde pour la fabrication des kits SKD/CKD: telle est la situation qui, comme chacun le sait, prévaut depuis plusieurs mois et la décision en date du printemps 2022 de Madrid de commencer à considérer l’initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend autour du Sahara marocain; ce qui pour la capitale espagnole était revenu à reconnaître de façon implicite la marocanité de la région. 

Rente mémorielle 

En Algérie, différentes sources locales font, à cet égard, état d’une mobilisation allant jusqu’au top management de Renault lui-même pour faire reculer la junte sur au moins les kits SKD/CKD espagnols. On parle notamment d’une implication personnelle du PDG du groupe français, Luca de Meo; ce qui nous a toutefois été impossible à confirmer, tellement l’omerta semble prévaloir en ce qui s’agit du “fâcheux dossier de Oued Tlelat”, comme d’aucuns le désignent depuis un certain moment déjà dans les milieux concernés. Mais il faut dire que la somme en jeu est de plus de 800 millions d’euros, que Renault avait, du temps du président François Hollande, consenti à mettre sur la table à un moment où l’ancien locataire de l’Élysée aspirait encore à ce qu’il qualifiera dans son discours d’Alger de décembre 2012 de “paix des mémoires” -avant de, soit dit en passant, se rendre compte de l’instrumentalisation par la junte de la rente mémorielle de la colonisation française et de se tourner par la suite après une trentaine de mois de politique diplomatique pro-algérienne vers le Maroc. 

Affrontement direct

 En mai 2021, les autorités françaises avaient, non sans peine, réussi à convaincre leurs homologues algériennes à dédouaner les kits SKD/CKD, après que, déjà, Oued Tlelat a dû à plusieurs reprises à partir d’octobre 2019 se mettre à l’arrêt consécutivement au choix opéré en juillet 2019 de rationaliser leur importation pour limiter le tarissement du matelas national de devises à mettre lui-même sur l’effondrement des prix du pétrole à l’international au cours de la seconde moitié des années 2010. Mais par rapport aux kits SKD/CKD espagnols, l’ancienne puissance coloniale se voit, selon différentes sources consultées par Maroc Hebdo, opposer la même fin de non-recevoir catégorique depuis plusieurs mois, et pour cause: ce serait le chef d’état-major de l’armée algérienne et patron de fait de la junte militaire, à savoir le général Saïd Chengriha, lui-même qui mettrait son véto. Même le risque que les 500 salariés de Oued Tlelat se retrouvent à la rue, après que plusieurs centaines de leurs collègues aient déjà fait l’objet de “plans sociaux” répétés au cours des trois dernières années, ne semble pas trouver grâce aux yeux du concerné. “Il porte en lui davantage la haine du Maroc que l’amour de l’Algérie,” commente une source diplomatique régionale. 

Portion congrue

 Plutôt discret au cours des derniers mois, vraisemblablement en raison de soucis de santé récurrents -certains lui avaient, à un moment, prêté une affection de la prostate, pour laquelle il se serait même fait récemment opérer en Allemagne-, le général Chengriha voit d’ailleurs justement son nom revenir dans l’actualité avec un factuel antimarocain exacerbé, ce qui, en soi-même, constitue un exploit d’envergure quand on repasse le film de ses menées à l’encontre du Maroc depuis qu’il a remplacé le général Ahmed Gaïd Salah à la tête de l’état-major en décembre 2019: d’abord une visite, à partir du 23 janvier 2023 en France, pour, de toute évidence, faire des emplettes auprès de l’industrie de l’armement locale et se renforcer, par conséquent, face au Royaume; et surtout, ensuite, la tenue le 30 janvier 2023 à Alger d’une réunion du haut conseil de sécurité qui, selon des affirmations de la lettre d’informations “Maghreb Intelligence”, aurait en fait constitué un véritable conseil de guerre avec pour objectif principal d’étudier le scénario… d’un affrontement direct! 

Cette dernière information est, certes, à prendre avec des pincettes, bien que l’absence de civils de ladite réunion, à commencer par le premier ministre Aïmene Benabderrahmane lui-même, semble l’étayer, mais on peut toutefois bien croire que le général Chengriha n’a toujours pas renoncé à son vieux rêve d’envahir le Maroc, comme lui-même le professait d’ailleurs ouvertement en mars 2016, à l’époque où il dirigeait la troisième région militaire algérienne: référence est bien sûr là faite aux enregistrements alors divulgués par la chaîne nationale Médi 1 TV où l’on pouvait clairement l’entendre s’adresser, lors d’un raout militaire, à des miliciens du mouvement séparatiste sahraoui du Front Polisario pour les appeler à soi-disant “restaurer la souveraineté du peuple sahraoui frère (sic) sur ses terres injustement spoliées” par le biais d’attaques contre le Royaume. 

Le général Chengriha et, avec lui, le reste de la junte considéreraient-ils que le moment soit actuellement propice pour passer à l’action? Et si oui, sur quelle base concrète? Est-ce vrai que, comme un représentant de la junte et autoproclamé “faucon”, l’avait déclaré en novembre 2021 au quotidien français “L’Opinion”, l’Algérie officielle redouterait que le Maroc ne commence à recueillir les fruits des différents accords militaires passés avec Israël de sorte que dans les trois ans l’armée de la voisine de l’Est se trouverait dépassée? Sur ce dernier point en tout cas, un spécialiste consulté par nos soins nous a averti du fait qu’il ne faille “pas tomber dans le piège de la machine de propagande algérienne qui veut faire croire à l’opinion publique arabe et maghrébine en particulier que nous constitutions désormais un bloc avec Israël et qu’en s’attaquant à nous l’Algérie s’attaquerait en fait à ce bloc”. Et notre interlocuteur de reprendre à son compte la citation du roi Hassan II, à savoir que “des armes, on en trouve partout”, et qu’in fine les achats faits par le Maroc d’armement israélien ne constituent, statistiquement parlant, qu’une portion congrue par rapport au total des sommes dépensées dans l’équipement des Forces armées royales (FAR). 

Échec total 

“Et puis, l’Algérie elle-même a, de notoriété publique, d’ores et déjà mis la main sur des composants électroniques israéliens par le passé, notamment de drones,” poursuit-il. Par rapport à la question du “pourquoi maintenant”, certaines interprétations de différents observateurs voudraient que le général Chengriha soit simplement en train de confirmer une fois encore la fameuse thèse du théoricien allemand Carl von Clausewitz assimilant la guerre à la continuation de la politique par d’autres moyens… laquelle politique s’avère tout bonnement, dans le cas du militaire algérien, un échec total: aspirant visiblement à mettre à genou le Maroc, le général Chengriha a, au vrai, à chaque fois enfoncé l’Algérie, au point que justement la guerre se trouve être logiquement pour lui et pour le régime qu’il représente l’étape à suivre. 

A ce titre, les exemples ne manquent pas: il pousse, à partir d’octobre 2020, les milices du Polisario à couper la route entre le Maroc et la Mauritanie au niveau de la zone tampon de Guergarate, ce qui donne le prétexte parfait pour le Royaume pour sécuriser ladite zone; en novembre 2021, il fait cesser le fonctionnement du gazoduc Maghreb-Europe dans l’objectif avoué d’asphyxier le Maroc, par lequel il passe, et le priver de ressources gazières, mais les conséquences en sont que l’Espagne se retrouve du jour au lendemain moins dépendante au gaz algérien et peut alors, sans craindre l’impact de représailles algériennes, octroyer son soutien officiel au plan d’autonomie; et le cas de l’usine de Oued Tlelat constitue également un cas éloquent, puisqu’en boycottant les kits SKD/CKD espagnols l’Algérie est en train de détruire l’industrie automobile à laquelle elle veut donner naissance chez elle, et c’est encore le Maroc qui en sort gagnant car il apparaît aux yeux des investisseurs internationaux comme une destination plus sûre. 

Or le pire, c’est que l’Algérie n’a même pas les moyens d’un conflit: pariant depuis plusieurs années sur l’armement russe, dont elle était au fur et à mesure devenue la première cliente mondiale, elle semble en fait s’être rendue compte avec l’échec de la Russie en Ukraine depuis près d’un an de la vétusté de cet armement, et ce n’est d’ailleurs sans doute pas un pur hasard du calendrier que le général Chengriha effectue à ce moment précis sa visite en France, ni que le parlement algérien vienne de voter le plus large budget d’équipement de l’armée de l’histoire, d’un montant de 23 milliards de dollars. 

Doctrine militaire

En tout état de cause, il y a désormais bien loin des déclarations cocardières de juin 2021 de M. Tebboune à l’hebdomadaire français “Le Point”, auquel il avait répondu ceci à une question sur le Maroc: “Nous riposterons si nous sommes attaqués. Mais je doute que le Maroc s’y essaie, les rapports de force étant ce qu’ils sont”. De l’autre côté, le Maroc a, depuis plusieurs années, établi une doctrine militaire claire, avec des capacités de projections établies -que l’Algérie n’a pas, étant donné que ce n’est que depuis novembre 2020 qu’elle s’est autorisée par le biais d’un changement de la Constitution à pouvoir intervenir à l’étranger- et, enfin, une alliance stratégique avec la première puissance mondiale qu’est les États-Unis, avec qui elle organise presque chaque année depuis avril 2008 la manoeuvre “African Lion” jusque, désormais, au Sahara marocain. Et au niveau de l’armement en lui-même, le roi Mohammed VI avait, dès mai 2020, procédé au lancement officiel d’“un plan global et intégré qui concerne la prochaine décennie”.

Capacité de nuisance

“Nous avons donné nos hautes orientations pour la mise en œuvre de ce plan qui permettra de finaliser ce qui a été réalisé au cours des deux dernières décennies, afin que nos forces armées demeurent le bouclier protecteur et le rempart infranchissable pour la défense de la nation et de ses valeurs sacrées,” avait alors détaillé le Souverain dans un ordre du jour qu’il avait adressé aux officiers, sous-officiers et militaires de rang à l’occasion du 64ème anniversaire des FAR. 

Ce qui ne veut pas dire que l’Algérie ne dispose d’aucune capacité de nuisance, tant s’en faut: avec le Maroc elle s’accapare depuis plusieurs années justement plus de la moitié des achats d’armements en Afrique. Mais de toute façon, il ne semble aucunement dans l’idée du Maroc de faire la guerre à un pays qu’au-delà de la personnalité du général Chengriha ou autre il continue de considérer comme frère; chose illustrée notamment par la main tendue depuis novembre 2018 de Mohammed VI pour la mise en place d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation. Un observateur aguerri pense que même le peuple algérien ne voudra jamais suivre le général Chengriha et sa bande dans leurs velléités. 

“Cela me rappelle la guerre IranIrak, expose-t-il. Saddam Hussein avait passé des mois à diaboliser les Iraniens, à se réclamer d’une guerre de reconquête de soi-disant terres arabes spoliées par les Perses, mais au final au moment où s’est déclenché le conflit les Irakiens ne l’ont pas suivi, car il se savait au fond du même bord civilisationnelle islamique que les Iraniens. Et je crois foncièrement qu’au-delà des polémiques dont on peut être témoins sur les réseaux sociaux, les peuples marocain et algérien ont, au plus profond de leur âme, conscience d’appartenir à la seule et même communauté de destin”. Des deux bords de l’oued Kiss, ce sont en tout cas les belles températures de février qui devraient dans quelques jours commencer à dominer et dont, si le général Chegriha finit par entendre raison, les ouvriers de l’usine Renault de Oued Tlelat pourraient ne pas avoir à tirer avantage. Connaissant le personnage, difficile néanmoins de croire que son cœur se réchauffe aussi rapidement que le climat du pays oranais. 

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