Gazoduc Afrique Atlantique: Le coup de génie Maroco-Nigérian

C’est plusieurs objectifs que Rabat et Lagos, mais aussi d’autres capitales alliées, réussiront à atteindre une fois leur projet de gazoduc bilatéral parvenu à bout.

Comme nous l’écrivions dans le Maroc Hebdo au quotidien de ce 15 juin 2021, le projet de gazoduc Afrique Atlantique, qui doit relier le Nigeria au Maroc et de là à l’Europe en passant par onze autres pays d’Afrique de l’Ouest, devrait enfin pouvoir voir le jour, à en croire en tout cas le directeur général de la compagnie pétrolière nationale nigériane Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), Yusuf Usman.

Ce dernier en a fait la confidence dans un article publié le 14 juin 2021 dans le média électronique Nigeria News Direct, en en parlant comme du “genre de vision qui est nécessaire pour sortir l’Afrique de l’image qu’on a” d’elle, en ce sens qu’elle mobilise les différentes synergies des pays du continent. “[Le gazoduc] ralliera beaucoup de pays africains. Certains de ces pays africains ont du gaz qu’ils injecteront dans les gazoducs tandis que d’autres n’en ont pas mais peuvent prendre le gaz pour le développement, s’ils ne peuvent pas payer le gaz, ils peuvent avoir l’électricité,” a étayé M. Usman.

Apports socioéconomiques
Mais ce sur quoi le responsable nigérian ne s’est pas attardé, c’est une dimension encore plus importante du projet, puisque si les apports socioéconomiques de ce dernier ne sont bien sûr pas à négliger, il n’en reste pas moins un projet qui est aussi dans le fond éminemment géopolitique. Pour le Nigéria d’abord, qui pourra de fait agrandir son influence au sein de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont on sait qu’il s’y voit comme la locomotive -à raison, dans la mesure où il en est la première puissance économique, tout en étant par ailleurs la première puissance économique africaine tout court.

Et ceci est, bien évidemment, aussi pour expliquer pourquoi après quelques années d’hésitation, il a fini par privilégier Afrique Atlantique au Transsaharien pour lequel un accord avait été signé début juillet 2009 avec l’Algérie et qui, lui, ne devait passer que par le Niger.

Ensuite, côté marocain, un aspect régional est également à souligner, dans la mesure où il faut rappeler que l’idée du projet avait été soumise en décembre 2016 par le roi Mohammed VI au président nigérian Muhammadu Buhari presqu’en concomitance avec la demande d’adhésion du Maroc à la CEDEAO, survenue quelque deux mois plus tard.

Mais c’est aussi, en même temps, pour couper les ailes à la junte algérienne, qui par le biais de plusieurs gazoducs, dont notamment le Maghreb-Europe qui traverse le Royaume vers l’Espagne depuis le site de Hassi R’mel, essaie de garder en sa main une carte pour pouvoir à tout moment faire pression sur les instances du Vieux Continent -comme on la voit justement pour faire avancer le dossier de la séparation du Sahara marocain.

Une stratégie dont, par ailleurs, use aussi une certaine Russie, avec principalement le fameux Nord Stream par le truchement duquel elle dessert l’Allemagne, et ceci fait que de nombreuses chancelleries occidentales, à commencer par les États-Unis, verraient d’un bon oeil, selon le bruit qui court, l’avancement d’Afrique Atlantique. Ou quand d’une seule pierre on parvient à faire plusieurs coups.

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