LA FOIRE D’EMPOIGNE

Othmani et Akhannouch se provoquent allègrement

Moins de deux jours après le discours de S.M. le Roi devant le Parlement, où le Souverain appelle au dépassement “des vaines querelles” partisanes, la polémique stérile reprend de plus belle.

L’art de la politique est également celui du choix et de la maîtrise des mots constitutifs d’une langue. S.M. le Roi en a donné, une fois encore, un parfait exemple lors du discours d’ouverture de l’actuelle session parlementaire. Une sorte de ligne droite, quelque peu allongée, d’une législature qui touche à sa fin. Tant il est vrai que le temps politique a une cadence différente des autres activités humaines. Entre autres problèmes mis en évidence et solutions suggérées, le Souverain a ainsi appelé à «transcender les vaines querelles et enrayer toute perte de temps et d’énergie...». Il n’a pas fallu plus d’une journée et demi pour que les partis interpellés fassent une démonstration à l’inverse des consignes royales. Histoire d’un naturel qui revient au galop.

Nous sommes le vendredi 11 octobre 2019. Dès le lendemain, la polémique stérile a refait surface, comme seuls quelques députés et autres ministres, en mal de sensation publicitaire, en ont le secret. Deux gros calibres de ce qui nous sert de classe politique. Saâd Eddine El Othmani, Chef du gouvernement, et Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, entre autres, se sont échangé des gentillesses de bas étage politique, sur fond de réflexes politiciens. C’est Saâd Eddine El Othmani qui a ouvert les hostilités. Il a affirmé, avec un air de moquerie et sur un ton faussement désolé, lors d’une rencontre partisane, le samedi 12 octobre 2019, que le RNI, sans le nommer, «avait promis d’intégrer les jeunes dans le gouvernement. Il n’en a rien été». Alors que le PJD, son propre parti, dit-il, a soutenu et permis la désignation de Mohamed Amkraz comme ministre du Travail. Pour le mentor du nouveau promu, c’est un «hommage rendu à la jeunesse du PJD».

Les temps actuels sont au jeunisme effréné, pourquoi ne pas se servir? Dans la course à la primauté sur l’échelle hiérarchisante des partis qui meublent la carte politique, Aziz Akhannouch ne pouvait laisser passer une telle insinuation d’immobilisme de son parti et de son propre leadership parmi les rnistes. Une polémique dans les règles exige réaction. Il le fait depuis Francfort, où il tenait, le dimanche 13 octobre, une réunion avec les jeunes du RNI installés en Allemagne. Comme quoi, les vidéo-conférences ont fait que notre cuisine politique intérieure devienne transfrontalière; alors qu’il n’y pas longtemps, la consigne était de n’en piper mot en dehors du territoire. De quoi réjouir nos RME, à condition de ne pas les décevoir par des conflits interpersonnels excessivement intéressés.

Là où le torchon brûle ouvertement, c’est à propos de la confiance du Roi. M. El Othmani aurait affirmé que dans l’Exécutif actuel, qu’il est censé diriger, un ministre en particulier, aurait toute la confiance du Roi. Sous entendu, plus que les autres. Même à titre de supposition, celle-ci est suffisamment discriminatoire pour être relevée. C’est ce que Aziz Akhannouch a fait dès le lendemain avec l’interpellation publique de Saâd Eddine El Othmani, à qui il a demandé ce qu’il en est des autres membres du gouvernement. N’ont-ils pas, eux aussi, la «confiance du Roi»?

En suivant à la trace cette répartie hautement politicienne, on se retrouve loin, très loin du contenu du dernier discours royal. Les mots sont forts par leur signification et leur poids dans le contexte actuel. S.M. le Roi a appelé à «une implication unanime», à «une confiance redoublée », à «une volonté ferme», à «un esprit de collaboration», à «une mobilisation vigilante». En gros et sans vraiment coller à la lettre, le Souverain demande un positionnement d’engagement sur le moment, sur la durée et non une posture de circonstance, au gré des conjonctures politiciennes. Serait-ce trop demander à des structures où les rapports relèvent plus d’un clientélisme intéressé que d’une conviction intime d’intérêt général? Il n’est pas question de taper encore plus sur les partis. Ces pratiques sous l’ancien règne sont révolues, même si le doute persiste dans certains cas d’espèce.

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