Flambée des prix de l'énergie et difficulté d'approvisionnement en gaz naturel

LA CRISE

Le Maroc éprouve des difficultés pour s’approvisionner en gaz naturel. En 2011, nos responsables ont jugé ‘’précoce’’ le fait de lancer la construction de terminaux dédiés au gaz naturel liquéfié (GNL). Ils ont décidé de reporter ce projet à 2028. Pourquoi ? Pas la moindre idée.

Mardi 15 février 2022, le Wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, était l’invité de la Commission des Finances de la première chambre du Parlement pour parler, à huis clos, des anomalies que connaît l’investissement public dans notre pays. Saisissant sa présence, le député du parti de l’opposition PJD, Abdellah Bouanou, lui a posé une question d’actualité “chaude” liée aux répercussions de la crise ukrainienne, avec ce qu’elle a entraîné comme inflation vertigineuse des prix du gaz sur le marché international, sur l’économie nationale. «Il n’a pas répondu à ma question», nous confie Abdellah Bouanou.

Connu pourtant pour son franc-parler, il est étonnant que M. Jouahri évite de parler de cette question. Sauf si le sujet est sensible du fait de ses incidences directes et fâcheuses sur les finances publiques et les réserves de devises. La loi de finances au titre de l’exercice 2022 a été élaborée sur la base des hypothèses d’une récolte céréalière moyenne de 80 millions de quintaux (Mq), d’un prix moyen du gaz butane de 450 dollars la tonne et un prix moyen du baril de pétrole de 80 dollars.

Or, la sécheresse laisse présager le scénario d’une mauvaise campagne agricole qui ne sera pas sans conséquence sur la croissance économique. A cela s’ajoute le fait que sur les marchés mondiaux, les prix des céréales et des hydrocarbures connaissent une flambée des prix au gré des déclarations autour des tensions entre Kiev et Moscou notamment. Sur le terrain, l’inflation n’est pas que théorique. Elle est perceptible et réelle.

Le gouvernement peut creuser le déficit budgétaire pour financer la différence entre le prix prévisionnel et le prix réel. Encore faut-il qu’il annonce dans quel poste budgétaire il va puiser car généralement, c’est dans le budget de l’investissement public qu’on pompe de l’argent pour compenser les frais engendrés par de telles hausses imprévues. Mais, au-delà de l’aspect économique ou financier, c’est une crise de gouvernance. Le Maroc éprouve des difficultés pour s’approvisionner en gaz naturel. Depuis que le régime algérien, dont la volonté de faire plier économiquement le Maroc est avérée, a décidé, le 1er novembre 2021, de couper l’approvisionnement du Royaume en gaz naturel via le gazoduc Maghreb-Europe.

Près de quatre mois après, que sait-on des dispositions prises par le gouvernement pour parer à ce manque, mis à part le contrat conclu début décembre 2021 entre l’ONEE et la société Sound Energy relatif à la production et la distribution du gaz naturel sur dix ans? Pour l’heure, aucune information sur un accord ou une convention signés.

L’approvisionnement en hydrocarbures et en gaz naturel est une question hautement stratégique. Le Maroc n’a, certes, pas mille solutions pour s’en approvisionner. Car ce qu’il recevait depuis le pipeline GME constituait une bonne partie de ses importations en gaz. Le Royaume peut exploiter la partie du même gazoduc le reliant à l’Espagne.

Mais le voisin ibérique est interdit d’exporter une partie de ses importations algériennes. L’Espagne a déclaré qu’elle peut traiter dans ses ports le gaz que le Maroc achètera sur le marché international avant de l’acheminer au Royaume via le gazoduc Maghreb-Europe. Mais à quel coût? Le prix est aussi stratégique que la question de l’approvisionnement, notamment pour l’économie marocaine par les temps qui courent.

Et puis, pourquoi liquéfier le gaz importé en Espagne alors que le Maroc pouvait le faire lui-même. En 2011, nos responsables ont jugé “précoce” le fait de lancer la construction de terminaux dédiés au gaz naturel liquéfié (GNL), ce gaz que sa forme liquide rend transportable par bateau. Ils ont décidé de reporter ce projet à 2028. Pourquoi? Pas la moindre idée. Et les ministres de l’énergie qui ont assumé la responsabilité de ce département depuis n’ont jamais réactivé le dossier quand bien même les menaces d’Alger de mettre fin à l’accord Sonatrach-ONEE devenaient claires. C’est la principale facette de la crise.

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