Quand la fiscalité encourage l’économie souterraine

COMMENT TIRER PROFIT DE L’INFORMEL

Pression fiscale, lourdeurs administratives, difficultés pour accéder aux crédits bancaires… Autant de facteurs qui contribuent à l’essor de l’informel au Maroc. D’où la nécessité d’assouplir les procédures et de mettre en place des mesures incitatives pour tirer profit de cette économie souterraine.

Elles sont presque partout et font presque du touche-à-tout. Au Maroc, les entreprises informelles ont pignon sur rue et recèlent un important gisement économique. L’inondation d’un atelier textile clandestin à Tanger, qui a causé 29 morts, remet au goût du jour l’ampleur de cette économie de l’ombre. Son poids est estimé à 170 milliards de dirhams par an, soit 20% du PIB hors secteur primaire, selon une étude publiée par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) en avril 2018.

Le secteur du commerce représente 31,6% de cette économie de l’ombre, soit 54 milliards de dirhams, suivi de la restauration, de l’hôtellerie et des services personnels avec 16,4%. Les activités industrielles et artisanales, comme le travail du bois ou le travail des métaux (14%), figurent aussi dans ce lot, de même que le BTP (12,94%).

L’impact de l’informel est également perceptible dans les importations avec une part de 40 milliards de dirhams, dont 36 milliards issus de la sous-facturation et 4 milliards de dirhams pour la contrebande. D’après l’étude, le secteur emploie plus de 2,3 millions des personnes, dont plus de 90% travaillent dans des unités de productions industrielles (UPI). Une autre étude de Bank Al-Maghrib indiquait que cette activité représentait 31,1% du PIB entre 2006 et 2017. Un rapport publié par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) avait déjà alerté sur l’omniprésence de cette activité, qui représentait, selon lui, 410 milliards de dirhams en 2013.

Comment tirer profit de cette économie «grise», dont 30 milliards de dirhams échappent chaque année au Trésor public, selon la CGEM? Une équation à multiples inconnues. Première piste de solution, l’allègement de la fiscalité. En effet, les taux d’imposition très élevés appliqués aux entreprises marocaines dissuadent ces acteurs, qui préfèrent dissimuler leurs revenus pour ne pas plomber leurs activités.

Alléger la fiscalité
Cette pression fiscale, soit la totalité des recettes fiscales rapportée au PIB, est estimée à 26% au Maroc, contre 19% en Turquie, d’après Mohamed Berrada, président du comité scientifique des 3e Assises nationales de la fiscalité, qui se sont déroulées en mai 2019 à Skhirate. A en croire l’ancien ministre des Finances, 80% des recettes relatives à l’impôt sur les sociétés (IS) proviennent de 0,8% des entreprises, et seules 15% des sociétés s’acquiteraient de l’impôt sur le revenu (IR).

Le Royaume fait partie des pays africains qui pratiquent les taux d’imposition les plus élevés avec un pourcentage de 49,3%, selon le rapport «Paying Taxes 2017» du cabinet PwC, plus que la moyenne continentale, estimée à 47,1%. L’assouplissement des lourdeurs administratives et l’accès aux crédits bancaires pourraient aussi convaincre les sceptiques. En 2017, il fallait 211 heures pour effectuer ces obligations fiscales au Maroc, précise l’étude.

Le Chili et la Turquie constituent deux cas d’école. Ils ont réussi à baisser respectivement de 10% et 20% le poids de cette économie souterraine en 10 ans en activant notamment ces deux leviers sus-énumérés, d’après la CGEM. Deux benchmarks qui pourraient inspirer le Maroc.

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