Jusque-là considérés comme tabous, les abus sexuels à caractère pédo-criminel deviennent de plus en plus médiatisés, à la faveur de la pression sur les réseaux sociaux. De l’affaire de Tiflet à ceux impliquant des ressortissants étrangers…
Le 10 juin 2023, les services de la Direction générale de sûreté nationale (DGSN) ont arrêté en flagrant délit d’abus sexuel sur mineur un individu de nationalité saoudienne. Ayant un profil “non connu des autorités”, il aurait abusé d’une dizaine de victimes à Tanger et Marrakech dont la plus jeune aurait 14 ans. Il a été mis en détention provisoire. Un simple fait divers ? Peut-être, sauf que la multiplication des arrestations et des condamnations sont aujourd’hui le reflet d’une politique pénale qui ne badine plus avec ce genre d’infractions.
Outils de prévention
Tout d’abord, rappelons que l’article 486 du code pénal édicte que le viol commis sur la personne d’une mineure de moins de dix-huit ans, d’une incapable, d’une handicapée, d’une personne connue par ses facultés mentales faibles, ou d’une femme enceinte, est puni de la réclusion de dix à vingt ans. En plus des mesures législatives, le Maroc a mis en place des institutions et des programmes visant à prévenir les abus sexuels sur les enfants et à protéger les victimes. Par exemple, le ministère de la Famille, de la solidarité, de l’égalité et du développement social supervise des programmes de sensibilisation et de formation pour informer les parents, les enseignants et les enfants sur les risques de la pédophilie et les moyens de se protéger. Par ailleurs, des organismes non gouvernementaux (ONG) marocains travaillent également activement dans la lutte contre la pédophilie. Ils offrent un soutien aux victimes, fournissent des services de conseil et mènent des campagnes de sensibilisation dans les communautés pour encourager la dénonciation des abus.
Défi complexe
“Il est important de noter que la lutte contre la pédophilie est un défi complexe qui nécessite la collaboration de différents acteurs, y compris le gouvernement, les forces de l’ordre, les ONG, les familles et la société dans son ensemble. La sensibilisation, l’éducation et la création d’un environnement sûr pour les enfants sont des éléments clés dans cette lutte”, nous explique ce magistrat du tribunal correctionnel de Casablanca. Selon lui, il est essentiel que les victimes ou toute personne ayant connaissance d’abus sexuels sur des mineurs signalent ces cas aux autorités compétentes afin que des mesures appropriées puissent être prises pour protéger les enfants et poursuivre les responsables en justice. “La lutte contre la pédophilie est un combat de longue haleine, mais avec des efforts continus et une volonté collective, il est possible de créer une société plus sûre pour les enfants au Maroc”, explique- t-il.
Laxisme et mobilisation
Seulement, plusieurs observateurs indiquaient, à juste titre, un certain laxisme dans la lutte contre la pédo-criminalité. Mais le fait que ces affaires soient aujourd’hui l’objet d’un débat public pousse les services policiers, les procureurs et les magistrats à plus de sévérité. L’affaire de Tiflet, ayant eu lieu en avril dernier, est d’ailleurs symptomatique. Jeune fille de 12 ans, elle fût violée par trois individus âgés d’entre 25 et 27 ans. Ses bourreaux ont reçu la peine de 2 ans de prison, malgré les dispositions législatives citées plus haut. Ce qui a suscité l’indignation générale. En appel, les auteurs du crime ont reçu la peine maximale, après une mobilisation salvatrice des internautes. De suite, les services de la police judiciaire ont arrêté, entre avril et juin 2023, 5 individus, marocains et étrangers, dans le cadre d’affaires similaires, avec des réquisitoires du parquet demandant l’application de la peine maximale.
Seulement, cela n’est guère suffisant. Une réforme en profondeur du code pénal est exigée par les professionnels. Selon Me Sofiane Fkihi, avocat au barreau de Tanger, les peines appliquées au Maroc contre les auteurs de ce crime ne sont guère adaptées à l’atrocité de l’acte et à ses effets sur toute la société, indiquant par ailleurs que c’est l’application des textes juridiques dans les tribunaux qui laisse à désirer. «La pédophilie est un crime grave qui touche à l’intégrité physique et psychique de l’enfant, c’est pour cela qu’il est primordial de créer un code de l’enfant, consacré intégralement à la protection des enfants de tous les dangers, à travers des textes spécifiques», martèle-t-il.
Conventions internationales
Il fait savoir en sus que malgré l’adhésion du Maroc à d’importants instruments internationaux pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, l’harmonisation de la législation nationale avec les standards internationaux reste toujours insuffisante. L’avocat a également insisté sur la nécessité de la non application des circonstances atténuantes pour les cas d’agressions et abus sexuels contre mineurs. «Le législateur marocain doit durcir les peines pour ce genre de crimes, et tout attentat à la pudeur contre un mineur quoiqu’il soit sans violence, doit être condamné à la réclusion à perpétuité », propose Me Fkihi, qui a insisté pour que ce soit l’Etat, et non pas les parents, qui décide de la poursuite du pédophile en justice, quand la victime est mineure.