Évolution. La décision du ministère de l’Intérieur de légaliser douze organisations non gouvernementales séparatistes sahraouies semble appuyer la fin de l’approche sécuritaire dans le règlement du différend autour du Sahara. Si les Etats-Unis semblent avoir joué un rôle dans ce sens, cela ne devrait pas occulter les efforts que poursuit le Maroc de lui-même dans la consolidation des droits et des libertés.
Serait-ce la fin de l’approche sécuritaire au Sahara? Si répondre par l’affirmative serait hâtif, il n’en demeure pas moins que l’administration semble de moins en moins peser dans la politique à l’égard de la région. Sur recommandation du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), le ministère de l’Intérieur vient d’autoriser douze organisations non gouvernementales (ONG) proches des thèses du Front Polisario, réclamant la séparation de la partie occidentale du Sahara, sous souveraineté marocaine. L’on retrouve ainsi entre autres l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’Homme commises par l’Etat marocain (ASVDH), fondée en 2005 et que les autorités n’avaient jusquelà jamais reconnue, et le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’Homme (CODESA), dont la présidente Aminatou Haidar avait fait les grands titres internationaux en 2009 après sa grève de la faim contre son expulsion de l’aéroport international de la ville de Laâyoune Hassan 1er du fait qu’elle avait refusé de déclarer sa citoyenneté marocaine.
Si le président du CNDH, Driss El Yazami, ne manque pas de s’en réjouir, la question se pose néanmoins de savoir s’il ne s’agit pas en vérité d’un changement en trompe-l’oeil dans le mode de gouvernance du Sahara.
Des garanties relatives
Il faut rappeler que le CNDH avait émis sa recommandation la veille du déplacement en 2013 du roi Mohammed VI aux Etats-Unis. D’après des câbles marocains fuités en décembre 2014 sur le site web Twitter par un pro-séparatiste utilisant le pseudonyme de Chris Coleman, l’administration américaine aurait apporté son soutien au plan d’autonomie présenté par le Maroc, qualifié de «sérieux, réaliste et crédible» par le président Barack Obama, en échange de garanties relatives au respect des droits humains au Sahara, parmi lesquelles la reconnaissance des ONG séparatistes.
L’appui de la Maison-Blanche, siège de la présidence américaine, est décisif en ce sens qu’en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) et disposant par conséquent du droit de veto, les Etats-Unis peuvent bloquer l’élargissement de la Mission de l’ONU pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) à la surveillance des droits humains.
De grands progrès
Le Maroc reconnaîtrait-il donc les ONG séparatistes simplement pour se plier aux desideratas de Washington? Ce serait occulter le chemin du Royaume en matière de liberté de pensée, d’opinion et d’expression depuis l’intronisation de Mohammed VI en 1999 et l’adoption la même année, dans un discours dans la ville de Casablanca, du «nouveau concept d’autorité».
A ce titre, la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay, en visite en mai 2014 dans le Royaume, avait souligné que le Maroc, au Sahara notamment, «avait fait de grands progrès vers une meilleure protection des droits de l’Homme».
La situation n’est pas idéale à n’en point douter si l’on en croit les rapports des ONG internationales. Ainsi dans son rapport mondial 2015, publié en janvier 2015, Human Rights Watch (HRW) relève qu’au Sahara, les autorités auraient interdit les rassemblements «hostiles» à la souveraineté du Maroc sur le territoire, «déployant» d’après l’ONG «des forces de police nombreuses qui ont bloqué l’accès aux lieux de manifestations et qui ont souvent dispersé violemment les Sahraouis cherchant à se rassembler».
Cela dit, comme le posait le Souverain dans son discours de la Marche Verte en novembre 2014, ces rassemblements conduisent souvent à des troubles à l’ordre public et à la destruction de biens publics et ne relèvent sans doute pas de l’exercice des droits et des liberté.