Fête du travail: la question sociale au coeur

Des avancées ont été enregistrées ces deux dernières années. Elles restent fragmentaires et elles doivent en effet s’inscrire dans une plus vaste problématique: celle d’un État social.

Pour cette année donc, la fête du Travail a été autre. Elle a été célébrée de manière virtuelle. Ni rassemblement, ni marche, ni slogans ni mots d’ordre suivant la tradition du mouvement ouvrier et des multiples corporations professionnelles. Ce qui a été rendu public ce sont les discours des dirigeants des organisations syndicales dans les médias et les réseaux sociaux. Et les revendications sur les salaires, les conditions de travail et de vie, la promotion ou les libertés syndicales ont été insérées dans la crise actuelle liée à la pandémie du Covid-19. Dans cette ligne-là, la classe ouvrière a des titres légitimes pour la parole et la mobilisation.

Sur les lieux de travail, elle est confrontée à des problèmes d’hygiène, de santé; plus globalement, elle pâtit de cette situation n’ayant pour l’heure que de modestes indemnités de la CNSS et de l’État. Sur le terrain, les travailleurs sont en première ligne; leurs efforts et leurs sacrifices sont à ranger à côté de tous ceux qui sont mobilisés dans les secteurs de la santé, de l’enseignement, de l’agriculture, de l’industrie pharmaceutique et de la sécurité. Comment ne pas mettre en relief dans toutes les composantes de cette communauté une conscience profonde où le dévouement se conjugue avec l’esprit patriotique?

Le 1er mai 2020, c’est aussi la polarisation qui s’est faite depuis près de deux mois sur les multiples paramètres de la question sociale au Maroc. Des inflexions ont été enregistrées dans ce sens ces deux dernières années. Elles restent fragmentaires et elles doivent en effet s’inscrire dans une plus vaste problématique: celle d’un État social. Il faut une mise à plat de ce qui a été entrepris pour mieux appréhender tout ce qui reste à faire. Le discours officiel met l’accent sans doute sur la priorité à donner à l’Homme qui doit être au coeur du développement. Mais cela implique de revoir l’approche actuelle de la question sociale.

Des secteurs doivent voir leurs conditions matérielles et leurs statuts respectifs reconsidérés. De même, la protection sociale doit être élargie et renforcée dans de nombreux domaines: couverture sociale, assurance des maladies professionnelles, allocation chômage, déclaration de centaines de milliers de travailleurs informels à la CNSS… Plus encore; toute une politique doit se préoccuper d’améliorer la formation des travailleurs, leurs aptitudes techniques et professionnelles, afin de capitaliser ces ressources humaines.

Il faut y ajouter des mesures efficientes pour l’égalité genre, assurant des droits égalitaires (salaires, responsabilités) aux femmes et aux hommes dans l’appareil productif et la vie sociale. De quoi fournir bien des dossiers à un dialogue social jusque-là épisodique et peu probant alors qu’il devrait être institutionnalisé, durable et continu. Avec cette crise sanitaire, les travailleurs sont partie prenante et même au premier plan. Ils sont attachés et mobilisés pour la reprise normale des activités des entreprises; ils mesurent en même temps qu’il leur faut sauvegarder celles-ci et, partant, l’emploi; ils ont conscience des enjeux en cause parce qu’ils sont les premiers à être fragilisés par la persistance de la crise et son impact social et économique.

Si les organisations syndicales sont le vecteur organique du monde du travail, la question sociale, propulsée désormais à un rang prioritaire, est l’affaire de tous. Au fond, c’est la citoyenneté sociale qui se pose en des termes nouveaux et contraignants avec cette crise. Elle était inscrite dans l’esprit de la Constitution dans certaines de ses dispositions; elle s’impose aujourd’hui au centre des priorités des politiques publiques au moment où une délibération nationale porte sur le nouveau modèle de développement.

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