Une étude internationale décortique la fiscalité au Maroc

Abdellatif Mansour

LES BONS ET LES MAUVAIS PAYEURS


Dans les milieux aisés, s’acquitter de ses impôts est perçu comme une faiblesse.

Les enquêtes sur le rapport des Marocains à la fiscalité ne nous apportent que ce qu’on savait déjà. Mais elles ont le mérite d’exister, surtout lorsqu’elles s’appuient sur une actualisation chiffrée, dans son volume, ses techniques opératoires et les réactions qu’elles peuvent susciter. C’est précisément le cas d’une récente étude réalisée par un institut international, “Afro-baromètre”, portant sur 36 pays.

Partout dans le monde, le fisc est le mal-aimé parmi toutes les administrations. Quand on n’y est pas attiré par les milieux interlopes; on le fuit comme la peste. Lorsque le vent tourne dans un sens non souhaité, la répression est à la mesure des délits commis, sans distinction d’avoirs financiers, de parapluies politiques ou de rang social. Ce sont précisément ces considérations basiques qui nous manquent le plus. Tout fonctionne comme si on les prenait à notre compte pour mieux les mettre à l’envers. Deux chiffres donnent la mesure du problème. Près de 71% des Marocains n’ont pas confiance dans l’administration chargée du calcul imposable et du recouvrement fiscal. Les négociations, en parallèle, sur le montant dû à l’État font l’objet de tous les grenouillages.

Pour 32% des personnes sondées, la cause première de ce manque de confiance entre contribuables et administration financière est à chercher du côté d’une corruption systématique. Du coup, c’est tout le personnel en charge de la collecte et du suivi juridique qui en prend pour une couche. Le «tous pourris» n’est pas loin. C’est d’autant plus grave dans un domaine qui fonctionne sur la base d’une honnêteté sans faille.

Deux protagonistes, tout indiqués, se retrouvent face à une réalité qui prend le pas sur les beaux principes de moralité publique. D’une part, des opérateurs économiques étrangers et nationaux; d’autre part, le commun des citoyens contribuables. Il faut beaucoup de courage aux opérateurs économiques, particulièrement étrangers, pour se risquer à investir au Maroc, malgré tous les avantages au niveau du fisc et du foncier qui leur sont offerts. La même enquête fait le distinguo entre le bon et le mauvais citoyen, à partir du rapport à la fiscalité. 46% des interviewés estiment que le fisc doit refléter l’état des services sociaux en nombre et en qualité. Entre autre financement des secteurs régaliens de l’État.

Sinon, rien n’empêche de ne pas s’acquitter de ses impôts, tout en étant bon citoyen. Dans le cas peu probable où cette réaction deviendrait la règle, cela coûterait cher au Trésor public; car, les petits contribuables sont les contributeurs les plus réguliers. Avec la retenue à la source, les salariés constituent des clients obligés des finances publiques. Ils croulent sous une pression fiscale où le salaire nominal est sans rapport avec le salaire réel. Il s’est avéré, plus d’une fois, au gré des enquêtes journalistiques et des études académiques, que les grosses fortunes ne sont pas forcément les meilleurs contribuables.

Dans ces milieux, être en règle avec ses obligations fiscales est perçu comme une faiblesse, une tare congénitale. Le contraire est rien moins qu’une posture héroïque. La citoyenneté à l’envers

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