Les États-Unis s'apprêtent à appliquer des droits compensateurs préliminaires sur les engrais phosphatés marocains

L’OCP compte se défendre jusqu’au bout

Bien loin de causer un préjudice aux importateurs et fermiers américains, les engrais phosphatés marocains leur permettent au contraire un accès à des produits diversifiés et à une stabilité de l’approvisionnement.

La décision est tombée mardi 24 novembre 2020, le groupe OCP a été appelé à payer des droits compensateurs préliminaires pour ses exportations vers les Etats-Unis. Rendue par le Département du commerce américain (DoC), cette décision prendra effet à partir du 1er décembre, avec un taux fixé à 23,46%. Cette mesure concerne également les produits en provenance de Russie. Elle fait suite à une demande initiée le 26 juin 2020 par The Mosaic Company, un des principaux concurrents d’OCP au pays de l’oncle Sam. En effet, le 26 juin, Mosaic, le principal producteur d’engrais phosphatés aux Etats-Unis, allègue que le groupe marocain bénéficie de subventions étatiques dans le cadre de la vente de ses engrais phosphatés aux Etats-Unis. La décision du département du Commerce américain n’est pas définitive. Une seconde décision est attendue pour la mi-février 2021 pour savoir s’il y aura ou non des droits compensateurs et un taux définitif, ainsi qu’une dernière décision à prendre par la Commission américain du commerce international pour mars 2021.

Et dans le cas où les instances américaines concluent que les accusations de Mosaic sont «complètement infondées» comme ce qu’affirme OCP, les droits compensateurs qui sont supportés par les importateurs seront remboursés. Certes, la décision, avonsnous dit, n’est pas définitive, mais le groupe compte se défendre face aux accusations d’un concurrent américain. Les équipes juridiques de l’OCP sont, ainsi, plus que jamais décidées à défendre les positions du groupe sur tous les fronts. D’ailleurs, le groupe OCP est en train d’examiner cette décision préliminaire. Selon la juriste Kenza Margaoui, Directrice exécutive juridique du groupe, «L’OCP considère et continue de soutenir qu’il n’existe aucun fondement à l’application de droits compensateurs ».

Des “allégations infondées”
«Nous sommes convaincus de la solidité de nos arguments» lors de la phase 2 qui s’initie et continuons de soutenir que les institutions américaines, le DoC et l’ITC «seront en mesure d’établir l’absence de fondement à ces droits compensateur», a-t-elle souligné. Et d’ajouter «que ce soit sur le marché américain ou les autres marchés sur lesquels nous opérons, OCP croit profondément en un marché concurrentiel équitable et ouvert. Nous avons toujours opéré dans le respect complet et total des règles, des lois applicables et du commerce international». Pour OCP, les enjeux sont importants. «Le marché américain représente 15% de ses exportations», rapporte Jamal Eddine Bensari, Directeur exécutif commercial à OCP. Les produits marocains correspondent, eux, à 50% des importations d’engrais phosphatés aux Etats unis, selon la même source.

La décision du DoC, répétons-le, n’est pas définitive. Tout en réfutant les «allégations infondées» de son concurrent, l’OCP insiste sur le «caractère provisoire» des droits compensateurs, résultat de la première étape des investigations. D’ailleurs, les sommes qui seront prélevées «sont mises en séquestre et seront remboursées lorsqu’une décision finale aura été atteinte», indique Kenza Mergaoui, directrice exécutive juridique à OCP. «Nous avons pleinement coopéré à la première phase d’investigation, que ce soit OCP ou le gouvernement du Maroc avec les autorités américaines, de sorte à leur fournir toutes les informations de fait et de droit tendant à démontrer qu’il n’existe aucune subvention étatique qui permette de justifier l’application de droits compensateurs», explique la directrice exécutive juridique à OCP.

Des éléments factuels
La procédure est par nature administrative, tout en étant contradictoire. «Nous aurons la possibilité d’exposer nos arguments au même titre que le DoC et les autres parties», explique Madame Mergaoui. OCP est accompagné par le cabinet américain Covington & Burling «sur les aspects de droit américains ». Des internes se chargent de leur fournir les «éléments factuels». Vient ensuite «la phase 2», qui n’est pas une procédure d’appel, ni l’écho d’un recours interjeté par OCP. C’est une étape «usuelle» de la procédure où il s’agira d’approfondir les investigations, précise la juriste. La décision finale du DoC est prévue «début ou mi février 2021». Il s’agira de se prononcer définitivement sur l’application ou non d’un droit compensateur.

Les équipes d’OCP entament cette deuxième manche en étant «confiants». L’Office «paye les taxes auxquelles il est redevable en application du droit marocain, que ce soit le droit minier ou environnemental. Nous ne bénéficions aucunement d’une subvention tel que c’est allégué par Mosaic», tranche Kenza Mergaoui. Ainsi, les juristes de l’OCP ne restent pas les bras croisés, ils comptent agir au moins sur deux fronts. Car tout en saisissant le DoC, Mosaic a également initié une requête devant la Commission américaine du commerce international (USITC). Son objectif est différent: Il s’agira de «déterminer si les importations d’engrais phosphatés vers les Etats-Unis pourraient porter préjudice à l’Industrie locale», ajoute-t-elle.

Droits compensateurs
La décision de l’USITC sera donc axée sur la présence ou non d’un dommage pour le marché américain. Attendue pour fin mars, sa position aura, par ricochet, vocation à conforter ou à «complètement annuler la décision du DoC». A supposer que le DoC estime que des droits compensateurs «pourraient trouver à s’appliquer, l’USITC a la possibilité de considérer qu’il n’existe aucun préjudice au marché local causé par les importations des engrais phosphatés, et donc de considérer qu’il n’y pas lieu d’appliquer les droits compensateurs », estime la juriste d’OCP.

Devant l’ITIC, OCP s’attèlera à démontrer que «bien loin de causer un préjudice au marché américain, les importations d’engrais phosphatés permettent au contraire un accès des fermiers à des produits diversifiés et à une stabilité de l’approvisionnement», selon Kenza Mergaoui. Jamal Eddine Bensari, le Directeur exécutif commercial à OCP, invoque le même argument, mais d’un point de vue différent. Mosaic est actuellement l’acteur dominant dans le marché américain de fourniture des engrais. L’instauration de droits antidumping sur la concurrence risque d’exacerber cette position déjà dominante, la transformant en «quasi-monopole».

Après la décision de février du DoC, le département du Commerce américain, l’ITC, la Commission américaine du commerce international, se prononcera fin mars. Elle a «vocation à déterminer si l’importation d’engrais phosphatés aux Etats-Unis depuis le Maroc cause un préjudice à Mosaic et à l’industrie locale. Lors de cette décision, il y aura la possibilité d’annuler complètement l’imposition de ces droits compensateurs», explique la Directrice exécutive juridique d’OCP.

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