Les escapades coquines de Mohamed Yatim

Mohamed Yatim

AMOUR HALAL


Le PJD, qui affirme puiser ses convictions dans le référentiel islamique, est de nouveau éclaboussé par un scandale sexuel.

Il ne fait certainement pas bon, par les temps qui courent, d’être ministre au Maroc. De surcroît islamiste. Mohamed Yatim, l’actuel ministre de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle, vient d’en faire les frais. Par une soirée dont seule Paris a le secret, notre ministre est discrètement pris en photos, en charmante compagnie. Main dans la main, les deux amoureux roucoulaient sur la prestigieuse avenue des Champs Élysées. M. Yatim, 65 ans, se retrouve ainsi au coeur d’un énorme scandale sur cette troublante relation sentimentale. Sa compagne, la trentaine, se trouve être tout bonnement son ancienne kinésithérapeute. Elle s’appelle Sara Bekkali, fille d’un ancien fonctionnaire aux affaires générales de l’hôpital Avicennes à Rabat. La dulcinée de Mohamed Yatim a travaillé pendant un certain temps, en free-lance, dans cet hôpital en tant que nurse et esthéticienne. Sa vie va brusquement basculer lorsqu’elle fera la connaissance du ministre.

On ne connaît pas les auteurs de ce cliché, mais tout porte à penser qu’il s’agit là d’un de ces paparazzi qui grouillent dans la capitale française à l’affût de la photo choc. Un ministre islamiste contant fleurette à une jeune dame qui pourrait être sa fille, c’est le pompon.

Projet de divorce
La première information sur cette relation à polémique avait commencé à circuler sur les réseaux sociaux depuis début juillet 2018. Mais, il a fallu attendre la publication de ces photos, fin septembre, pour que l’histoire soit révélée au grand jour et que Mohamed Yatim devienne le sujet de discussion préféré des Marocains. À vrai dire, ce n’est pas seulement sa relation avec cette jeune femme qui a suscité tant de polémique. Mais aussi et surtout son projet de divorce avec son épouse avec laquelle il a vécu pendant 40 ans et a eu des enfants. Sur les réseaux sociaux, les réactions de condamnation se multiplient. La réaction la plus remarquée a été celle de Soumaya Benkirane, la fille de l’ancien Chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. Dans un post publié sur Facebook, mardi 2 octobre, elle s’en prend en des termes particulièrement violents à Mohamed Yatim, l’accusant de trahison envers son épouse et ses enfants. «Je connais très bien votre femme. Grâce à sa persévérance, sa force morale et son éducation, elle vous a supporté pendant toutes ces années et a élevé vos enfants pendant votre absence alors que vous vaquiez à vos occupations politiques et syndicales. C’est la récompense qu’elle reçoit maintenant de vous en voulant la répudier», s’indigne-t-elle dans son message, très furieuse.

Comportement irresponsable
D’autres réactions, tout aussi percutantes, émanant de citoyens indignés, ont fait rapidement le tour de la toile. «Notre ministre de l’Emploi, au lieu de s’occuper de la lutte contre le chômage qui ne cesse de s’aggraver dans notre cher pays, se balade à Paris avec une jeune dame» écrit notamment un internaute.

Sur le plan politique, la réaction de condamnation la plus violente est venue du Mouvement Unité et Réforme (MUR), le bras religieux et spirituel du PJD, qui a rendu public un communiqué incendiaire, mardi 2 octobre 2018, après une réunion de son bureau exécutif, présidée par Abderrahim Chikhi, patron du MUR. Non seulement Mohamed Yatim est lâché par le mouvement islamiste mais il fait l’objet de critiques acerbes. Le mouvement le met sérieusement en garde contre son comportement irresponsable. «Mohamed Yatim est tombé dans des erreurs inacceptables qui ne concordent pas avec son rang de ministre et de personnalité publique. Il se met dans une situation portant gravement à équivoque en totale contradiction avec les principes fondateurs de la religion musulmane et les traditions ancestrales marocaines qui accordent à la famille une place centrale dans la société», lit-on, en effet, dans le communiqué du MUR. Néanmoins, Mohamed Yatim retrouve un peu de réconfort chez ses collègues du secrétariat général du PJD, qui, suite à une réunion présidée par le secrétaire général du parti, Saâd Eddine El Othmani, lundi 1er octobre, estiment que son affaire est strictement personnelle.

Mais ils regrettent toutefois qu’il n’ait pas attendu la fin de la procédure de divorce avec son épouse actuelle pour concrétiser les fiançailles avec sa nouvelle dulcinée. Seulement, malgré les critiques et les réactions violentes, le ministre de l’Emploi reste droit dans ses bottes et paraît assumer pleinement cette relation qui respecte, selon lui, les fondamentaux de la morale et de la Charia.



Un soutien controversé
Dans un entretien accordé à un site électronique, Mohamed Yatim affirme condamner cette manière «absurde», selon lui, d’espionner la vie privée des gens en faisant, bien entendu, référence aux clichés publiés sur les réseaux sociaux. Sur le fond, le ministre reconnait que la femme en question est véritablement sa fiancée, et qu’il ne s’agit aucunement d’une histoire de cachotterie ou d’infidélité. Mais bel et bien d’une relation consentie et connue de la part de sa propre famille par celle de sa fiancée, qu’il visite fréquemment à l’occasion des fêtes religieuses. «Nous n’avons pas voyagé ensemble en France et n’avons jamais résidé ensemble lors de cette visite parisienne. Ces photos ont été prises durant le mois du ramadan dernier. Il se faisait tard et j’accompagnais ma fiancée chez elle», déclare Mohamed Yatim.

«J’ai informé la famille de ma fiancée de notre relation et de notre intention de nous unir, même si d’un point de vue religieux, elle est majeure et aurait pu se marier seule sans avoir besoin de l’autorisation de sa famille», explique-t-il. A la cérémonie de fiançailles, il a tenu à inviter plusieurs membres du syndicat de son parti, l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), que Mohamed Yatim avait présidé pendant de nombreuses années. Il y compte, en effet, de nombreux amis et soutiens sur lesquels il s’appuie désormais pour légitimer son acte. De hauts cadres du PJD et du MUR étaient aussi présents aux fiançailles. Parmi eux, Mohamed El Hilali, un des membres influents du Mouvement Unité et Réforme, qui avait posté un message sur Facebook, quelques jours avant la publication du communiqué officiel du mouvement islamiste. Dans ce message, Mohamed El Hilali apporte son soutien franc à Mohamed Yatim, considérant que son geste relève totalement de sa vie privée. Un soutien pour le moins controversé qui s’est heurté, plus tard, avec la position officielle du bureau exécutif du MUR.

Quant à son épouse actuelle, Mohamed Yatim révèle que leur relation conjugale est devenue insupportable, voire impossible, depuis de nombreuses années. Une situation qui a fini par convaincre le ministre de divorcer pour refaire sa vie. En revanche, il conserve un mutisme total sur l’identité de sa nouvelle fiancée. Tout ce que l’on sait sur elle, à part ses photos, c’est qu’elle se rendait régulièrement au domicile du ministre durant le mois de ramadan dernier en tant qu’infirmière.

Aventure extra-conjugale
Mohamed Yatim souffrait, en effet, d’une fracture au pied et cette jeune kinésithérapeute, issue du quartier Chmaou, à Salé, était aux petits soins pour lui. Au fil des jours, Mohamed Yatim tombe éperdument amoureux de son infirmière. Une relation secrète qui a duré plusieurs semaines avant son éclatement après la publication des clichés.

Cette aventure extra-conjugale de Mohamed Yatim n’est certainement pas la première dans les annales des islamistes du PJD. Ce parti, qui affirme puiser ses convictions dans le référentiel islamique, a été maintes fois éclaboussé par des scandales sexuels qui ont défrayé la chronique. Le dernier en date a eu lieu en août 2016, touchant deux responsables du Mouvement Unité et Réforme (MUR), pris en flagrant délit d’adultère sur une plage à Mohammedia. Il s’git de Moulay Omar Benhammad, 63 ans et Fatima Nejjar, 62 ans, tous les deux vice-présidents du MUR. Ils ont été surpris, un soir d’été, par la police alors qu’ils se trouvaient dans une posture sexuelle à bord d’une grosse cylindrée. Moulay Omar Benhammad, marié et père de sept enfants, a affirmé être lié à Fatima Nejjar, veuve et mère de six enfants, par un mariage coutumier, conclu par la lecture de la Fatiha. Après la divulgation du scandale, ils ont été suspendus de toutes les structures du MUR. Pour ce dernier, la faute gravissime qu’ils ont commise constitue une violation des principes du mouvement, de ses orientations et de ses valeurs.

Mais la théorie du complot a vite pris le dessus chez les islamistes du PJD, qui se trouvait à l’époque en pleine campagne électorale pour les élections législatives qui ont eu lieu en septembre 2016. Après sa victoire, le PJD s’est résolu à abandonner la thèse de la conspiration pour enfin reconnaître une affaire d’adultère pénalement condamnable. Un procès a été ouvert à l’issue duquel les deux tourtereaux ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis par le tribunal de première instance de Benslimane pour adultère.

Réputation du parti
Cette affaire ne revêt pas moins d’importance que celle de Habib Choubani, actuel président de la région Derâa-Tafilalt et ancien ministre en charge des Relations avec le parlement dans le gouvernement de Abdelilah Benkirane. Son histoire d’amour avec Soumaya Benkhaldoun, une ancienne ministre en charge de l’Enseignement supérieur dans le même gouvernement de Benkirane, avait fait l’effet d’une bombe dans le landernau politique, en février 2015. L’opinion publique marocaine venait alors de découvrir ce phénomène nouveau qui s’est emparé de la vie politique nationale.

Le scandale des deux ministres, de surcroit mariés avec enfants, avait non seulement choqué les Marocains, mais jeté une espèce de discrédit sur les islamistes du PJD, qui n’ont jamais cessé de donner des leçons de morale aux Marocains.

Malgré leur débarquement du gouvernement, en mai 2015, les deux ministres islamistes, dont le projet de mariage n’a pas abouti pour des raisons familiales, traînent actuellement une mauvaise image qui rejaillit forcément sur la réputation du parti. Un parti connu désormais, au Maroc comme à l’étranger, non pour ses prouesses politiques et de gouvernance mais plus pour les frasques sexuelles de certains de ses membres. Et l’aventure de Mohamed de Yatim n’est qu’un nouvel épisode de ce feuilleton rocambolesque qui n’est pas près de s’arrêter.

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