Entretien avec Reem Yasmina Laghrari, pharmacienne et écrivaine.

“Mes études scientifiques sont à la base de ma conviction religieuse”

‘‘Les Prophètes à la lumière du Coran et de la Bible’’ est le dernier ouvrage de Reem Yasmina Laghrari. L’occasion pour l’écrivaine de se livrer à un exercice passionnant, en l’occurrence celui de traiter des questions d’ordre religieux en confrontant des récits célestes, des mythes et des expériences scientifiques. Interview.


 

Pourquoi avez-vous choisi de traiter dans votre ouvrage une thématique religieuse ? 

Je dois avouer que lorsque j’écris, je pense avant tout à mes enfants. Avant ce livre, j’ai écrit deux romans : Lalla Tam, le temps d’un crépuscule, inspiré de la vie de ma grand-mère et qui relate le quotidien dans un riad, durant le siècle dernier, les traditions et les coutumes qui se perdent de plus en plus de nos jours, ainsi qu’une partie de l’histoire du Maroc, en filigrane. Mon deuxième roman, qui s’intitule ‘‘Ordonnances et confidences, au comptoir de la pharmacienne’’, est inspiré de mon expérience de pharmacienne dans un quartier pauvre. Après avoir abordé ces deux thèmes destinés à mieux faire connaître l’histoire de mon pays ainsi que la dure réalité d’une partie de la société, j’ai pensé qu’il était important de parler de religion, mais d’une manière contemporaine, avec un maximum de données scientifiques, archéologiques, mythologiques, symboliques et bien sûr linguistiques et théologiques. 

Comment expliquez-vous la présence de prophètes et de messagers dans votre livre alors que le titre n’évoque que les premiers ?

  Il faut savoir que les prophètes sont ceux qui ont reçu une inspiration divine et les messagers sont ceux qui sont chargés de transmettre un message révélé par Dieu à leurs contemporains, et à l’humanité en général. Les messagers sont donc tous des prophètes mais tous les prophètes ne sont pas messagers. Un hadith du prophète Muhammad dit que Dieu a envoyé à l’humanité 124000 prophètes parmi lesquels 330 ou 314 messagers. Seuls 25 prophètes sont cités dans le Coran, certains sont évoqués sans être nommés. Ce sont les histoires de ces prophètes dont je parle dans ce livre, sachant que le Coran s’articule essentiellement sur ces récits. 

Le premier chapitre de votre livre traite d’Adam, père de l’humanité. Comment définissez-vous votre démarche ? 


Comme vous le savez, en Islam, Adam est considéré comme un prophète, contrairement aux traditions bibliques où il est considéré uniquement comme le père de l’humanité. En tant que scientifique, j’avais un peu de mal à comprendre l’histoire d’Adam telle qu’elle est contée dans la tradition judéo-chrétienne. Ma démarche concernant l’écriture du chapitre sur Adam est justement scientifique, rationnelle, un peu comme une enquête à la recherche de ce père parti sans laisser de traces. Durant mon travail, j’ai donc abordé plusieurs thématiques, confrontant les données archéologiques, mythologiques, cosmologiques et biologiques avec le texte sacré. Ma fascination pour le Coran s’est alors décuplée, lorsque j’ai constaté et surtout compris que le Coran, révélé il y a quinze siècles, ne contredit jamais les découvertes scientifiques les plus récentes.   


Vous avez fait état des résultats d’expériences scientifiques qui affaiblissent les thèses de ceux qui nient l’existence de Dieu. Est-ce une manière de défendre votre religion ? 

Comme je vous l’ai dit, mes études scientifiques m’ont amené à considérer de manière différente le texte sacré qui est à la base de ma conviction religieuse. Je ne défends pas ma religion, elle n’a pas besoin de moi, surtout si l’on comprend que la religion est une et une seule et que son but est de connecter tous les hommes entre eux et surtout de les connecter avec le divin en nous et autour de nous, afin de bâtir un monde meilleur. L’existence de Dieu est de plus en plus évidente. Les plus grands scientifiques sont arrivés à cette conclusion, aussi bien les mathématiciens, les physiciens ou encore les généticiens, pour ne citer qu’eux. La création de l’Univers, l’éclosion de la vie sur Terre et l’apparition de l’Homme sont des miracles extraordinaires. Les nier relève aujourd’hui de la croyance pure, d’un matérialisme et d’un attachement aux thèses du hasard qui semblent désormais obsolètes.      

Près de 150 pages relatent la vie du Prophète Muhammad (saws), comment expliquez-vous cela ? 

La vie du prophète Muhammad, paix et salut à son âme, me passionne. Il est le modèle de l’homme parfait, celui que nous devons suivre en tant que musulmans. Il était un Coran marchant dans les souks, son caractère était le Coran, comme le disait son épouse Aïcha. Je n’ai pas réfléchi à la proportion que le chapitre le concernant allait occuper dans mon livre. Cela s’est fait tout naturellement. Par amour...

Comment qualifiez-vous votre ouvrage, Les prophètes à la lumière du Coran et de la Bible ? 

Pour moi, ce livre est une invitation à un voyage vers les textes sacrés, vers les traditions spirituelles, vers autrui et vers soi. Une invitation à la curiosité, à la découverte, à l’introspection et surtout à l’amour. Il est important de retourner vers les textes sacrés et pour nous, en tant que musulmans, de retrouver les enseignements du Coran qui sont au cœur de notre religion dont le nom islam est indissociable du mot salam, la paix. Les enseignements des prophètes sont surtout importants dans la mesure où ils sont toujours d’actualité puisqu’ils nous apprennent comment mieux vivre, avec nous-mêmes, avec les autres, tout en respectant la nature et toutes les créatures vivantes. La foi nous permet de bâtir des ponts, nous empêche d’ériger des murs, et nous conduit à élever des échelles vers la lumière céleste.

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