La loi n°43.22 relative aux peines alternatives est récemment entrée en vigueur après sa publication fin août 2024 au Bulletin officiel du Royaume. Quelle lecture faites-vous de ce texte de loi ?
Concernant ma position sur cette nouvelle loi, je pourrai la qualifier de législation de luxe. Dans sa philosophie, cette loi est attrayante. Elle est aussi noble dans ses objectifs. L’objectif étant de rationaliser la détention provisoire et de réduire la charge sur les établissements pénitentiaires. Jusque-là tout est positif. Mais il s’agit également d’une loi qui n’a pas fait l’objet d’un débat approfondi et constructif, qui tienne compte des données socioculturelles du Maroc. L’analyse des éléments chiffrés devait normalement être réalisée pour assurer une cohérence entre l’esprit de la loi et la traduction juridique de ses dispositions. Par ailleurs, une épineuse question s’impose. Les nouvelles dispositions de cette loi prennent-elles en compte les capacités financières du ministère de la Justice ?
On comprend de votre propos qu’un déséquilibre pourrait émerger en aval. Le problème est-il purement d’ordre financier ?
Pas du tout. L’absence de cohérence entre les politiques publiques et le fonctionnement des différentes administrations impliquées dans ce dossier, pose également problème. Ce volet n’a pas été considéré lors de la préparation et l’approbation de ce texte juridique. Ce qu’il aurait fallu faire avant la promulgation de cette loi, c’était d’ouvrir un débat sociétal profond qui ferait intervenir les données et les caractéristiques de la société marocaine et les informations liées à la criminalité au niveau national.
Selon vous, ce texte de loi permettrait-il d’atteindre l’objectif escompté ?
Même si la loi de procédure pénale considère la détention provisoire comme une mesure exceptionnelle à laquelle on ne peut recourir qu’en cas de nécessité absolue, il est nécessaire de réfléchir à la dépénalisation d’un certain nombre d’actes liés, par exemple, aux chèques, à la pension alimentaire, aux drogues et à la vie privée. Cela permettrait de réduire considérablement le nombre de personnes placées en détention provisoire. Je pense que le problème de la surpopulation carcérale n’est pas simplement lié à l’application de loi, il est inhérent au concept de la loi.
Une loi visant à donner plus de libertés aux individus poursuivis en vertu du code pénal ne favoriserait-elle pas la criminalité ?
Une société qui consacre la liberté ne peut qu’accueillir favorablement une telle loi qui offre des alternatives à la privation de liberté, même temporairement. Je ne crois pas que le simple fait d’adopter une loi prévoyant des peines alternatives encouragera plutôt la criminalité. J’estime que cette mesure, pour judicieuse qu’elle soit, exemptera de nombreux contrevenants à loi de l’expérience de l’emprisonnement, qui peut avoir une influence plus grave sur cette population.