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L'entité séparatiste se cherche une exposition médiatique

Bien fantomatique "RASD"


Brahim Ghali à la cérémonie
d’investiture du président du Nigeria.


A la moindre occasion, le secrétaire général du Polisario et autoproclamé “président” sahraoui se glisse dans les foras internationaux. Mais sans vraiment convaincre grand-monde de sa légitimité, au grand dam de la junte militaire algérienne et de certains rares États encore bloqués à l’époque de la guerre froide.

Ce 28 mai 2023 à Abuja, des centaines d’officiels venus du monde entier assistent à Eagle Square, principale place de la capitale nigériane, à l’investiture du nouveau président de la première puissance économique du continent, Bola Tinubu, et de son vice-président, Kashim Shettima, dont le ticket avait remporté l’élection du 25 février 2023. Parmi eux, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, dépêché expressément par le roi Mohammed VI, mais aussi des intrus: présidée par son secrétaire général, Brahim Ghali, une délégation du mouvement séparatiste du Front Polisario assiste également à l’événement.

Elle a atterri la veille à pratiquement 16h tapantes à l’aéroport international Nnamdi-Azikiwe à bord du business jet “Gulfstream IV” mis à sa disposition par la présidence algérienne et elle est, sur place, la seule qui se revendique d’un État non-reconnu par l’Organisation des Nations unies (ONU), à savoir la soi-disant “République arabe sahraouie démocratique” (RASD); c’est au titre de “président” de l’entité fantomatique que M. Ghali se présente d’ailleurs lui-même. Il faut dire qu’en dépit de l’amélioration observée sous le président sortant, Muhammadu Buhari, des relations bilatérales, illustrée notamment par l’annonce en décembre 2016 du projet de gazoduc Afrique Atlantique, le Nigéria n’est jamais revenu sur sa reconnaissance de la “RASD”, actée en novembre 1984 juste après l’admission de cette dernière à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), alors que le même M. Buhari accomplissait son tout premier mandat.

Zone tampon
À ce titre, le pays ouest-africain reste un des 19 derniers d’Afrique, sur les 54 que compte le continent en incluant le Maroc, dans ce cas de figure. Mais on est pour autant loin de la posture militante; bien au contraire, M. Buhari avait très ouvertement laissé entendre sa neutralité dans le différend autour du Sahara marocain lors des entretiens qu’il avait eus en novembre 2020 avec le ministre des Affaires étrangères algérien, Sabri Boukadoum, qui avait alors fait le déplacement à Abuja dans l’objectif précis d’arracher une condamnation de la part de la partie nigériane à l’égard de l’intervention des Forces armées royales (FAR) dans la zone tampon de Guergarate pour en chasser les milices du Polisario. Et avec M. Tinubu qui, à l’annonce de sa candidature en juin 2022, avait clairement dit vouloir s’inspirer du Maroc pour le développement du Nigéria -“Nous pouvons construire une nation comme le Maroc,” fut sa phrase exacte-, il va sans dire que les séparatistes peuvent toujours courir pour bénéficier d’autre chose que d’une exposition médiatique formelle.

Et qu’aussitôt son séjour terminé, M. Ghali devra encore compter sur l’activisme diplomatique de l’Algérie pour continuer à exister aux yeux de l’écrasante majorité des pays entretenant des relations avec la “RASD”; c’est d’ailleurs, pour en rester au Nigéria, en passant par l’ambassadeur de la voisine de l’Est, Hocine Latli, que le Polisario avait préparé, selon différentes sources concordantes, la réception accordée le 29 avril 2023 par M. Buhari à son “ministre chargé des affaires diplomatiques”, Mohamed Salem Ould Salek. “Ce n’est que du cinéma,” nous déclare une source diplomatique africaine ayant requis l’anonymat. “La “RASD”, même sur le papier, cela ne vaut rien.” Si l’on excepte l’Afrique du Sud et ses États satellites d’Afrique australe ainsi que quelques gouvernements d’extrême gauche d’Amérique latine du reste très isolés sur la scène internationale comme celui du Vénézuéla -avec qui, de toute façon, les relations sont rompues depuis janvier 2009, la junte militaire algérienne ne peut ainsi plus compter que sur elle-même pour espérer encore entériner la séparation du Sahara marocain.

Même l’Iran, dont les services de renseignement marocains avaient mis au jour en avril 2018 le soutien militaire apporté au Polisario par le biais de l’organisation chiite libanaise du Hezbollah -raison de la rupture qui s’en est suivie le mois d’après-, n’a jamais voulu pousser jusqu’à reconnaître la “RASD”. Du point de vue international, c’est l’autonomie mise en oeuvre dans le cadre de l’initiative marocaine du 11 avril 2007 qui bénéficie du plus de crédit et ce jusqu’au conseil de sécurité, dont les résolutions ne font par ailleurs plus référence à un soi-disant référendum d’autodétermination depuis juin 2001; elle est, dans les faits, la seule actuellement posée sur la table qui corresponde aux qualificatifs de “solution politique réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable” mis notamment en exergue dans la dernière résolution en date du 27 octobre 2022.

Solution politique réaliste
Sans compter qu’en outre, trente-trois États ont franchi le pas en se dotant de consulats au Sahara marocain, en plus des États-Unis qui y avaient reconnu, en décembre 2022, la souveraineté du Maroc -et prévoient toujours de se doter de leur propre représentation diplomatique, le temps d’obtenir un financement de la part du congrès. A titre de comparaison, seuls 37 pays continuent encore de reconnaître la “RASD”; sachant que pour près de 85% de ces pays, leur position à l’égard de l’intégrité territoriale nationale constitue un simple legs de la guerre froide, à une époque où se ranger du côté du Polisario revenait, croyait-on -en se gourant lourdement, somme toute-, à défendre le progressisme. Et que d’autres pays, à l’exemple de la Namibie et du Timor-Leste, font une assimilation, à tort, à leur propre lutte pour leur libération nationale -tout en ayant reconnu la “RASD”, le président sud-soudanais, Salva Kiir, avait, soit dit en passant, souligné pour sa part, lors de la visite qu’avait effectuée en février 2017 Mohammed VI à Juba, que “la question du Sahara est différente dans sa genèse et sa nature juridique et politique de celle du Soudan du Sud».

Mais rien de cela n’a, ceci dit, refroidi l’Algérie. Pour elle, c’est, comme le soulignait, en juillet 2020, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, dans une interview au quotidien français “L’Opinion”, une affaire “presque dogmatique”. Dans le même sillage, le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, a mis à profit un discours qu’il a donné ce 29 mai 2023 à Alger à l’occasion de la Journée mondiale de l’Afrique pour ressasser les sempiternels poncifs sur le Sahara marocain “dernière colonie d’Afrique”. Il a même fait de la séparation de la région la condition qui fera que “l’Afrique pourra une fois pour toutes tourner la dernière page de l’histoire du colonialisme odieux, de l’occupation honteuse et du pillage honteux de ses richesses” -avant d’avertir quelques instants plus tard, sans craindre de se contredire, “d’une catastrophe humanitaire imminente et du danger qui se profile à l’horizon sombre d’une autre division du Soudan”, comme si ce n’est pas ce que son pays était en train de mijoter dans les provinces méridionales du Royaume.

Offensives quotidiennes
Mais le régime algérien croit-il vraiment à ses histoires? Pense-t-il réellement que le Maroc voudra renoncer à son Sahara? Comme vient encore de le rappeler, le 26 mai 2023, le représentant permanent du Royaume auprès de l’ONU, Omar Hilale, lors du séminaire annuel du Comité spécial des vingt-quatre à Bali, “la décolonisation du Sahara marocain est close”. Il a, ainsi, indiqué qu’“elle a été achevée en 1975 avec l’accord de Madrid, qui a été déposé auprès du secrétaire général de l’ONU et endossé par l’assemblée générale, la même année”. Et il a également mis en avant l’initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie, qui “permettra le retour de nos frères et soeurs des camps de Tindouf à leur mère patrie, le Maroc”. De son côté, Mohammed VI avait résumé comme suit, dans son discours de la Marche verte du 6 novembre 2014, l’attachement du Maroc à son intégrité territoriale toute et entière: “Le Maroc restera dans son Sahara, et le Sahara demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps.”

A partir de là, il faut imaginer que le Polisario use de moyens militaires pour espérer mettre la main sur le Sahara marocain; sauf que comme l’illustrent les offensives quotidiennes qu’il essaie de mener à l’encontre des positions des FAR notamment dans le sous-secteur de Mahbès, il ne les a tout simplement pas. Et si d’aventure, le Polisario se voyait remettre des drones iraniens, comme en avait proféré la menace le 30 septembre 2022 son “ministre de l’intérieur”, Omar Mansour, M. Hilale avait promis, lors d’un point-presse qu’il avait donné le 27 octobre 2022, que “le Maroc réagira d’une manière appropriée”, et d’aucuns croient savoir que les FAR reprendraient l’ensemble de la zone tampon laissée aux mains de la mission onusienne de la Minurso au titre de l’accord militaire n°1 du 24 décembre 1997.

En tout cas, l’opération menée à Guergarate avait démontré que le Maroc ne se limitait pas, quand il le fallait, aux paroles. “Si le Polisario pouvait gagner la guerre, il n’aurait, à la base, jamais accepté le cessez-le-feu de septembre 1991,” nous indique un expert militaire consulté par nos soins. “Il était contraint, car les FAR avaient acquis un avantage décisif en achevant le mur quatre ans plus tôt (en avril 1987, ndlr).” D’autres experts, avec qui nous avons également échangé, estiment aussi qu’un État sahraoui indépendant serait condamné à être failli, notamment du fait des menaces qui pèsent sur la région saharo- sahélienne, et qu’elle est là la principale raison qui fait que comme l’avait confié le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, au journaliste palestinien Abdel Bari Atwan en avril 2019, ““l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe ne veulent pas de l’établissement d’un Etat séparant la Mauritanie et le Maroc géographiquement”. Bien avant que le président américain Donald Trump procède, en décembre 2020, à reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara, le quotidien The Wall Street Journal, citant des sources à Washington, avait également invoqué, en août 2019, l’impératif sécuritaire pour motiver l’opposition de la Maison-Blanche à la mise en place d’un nouvel État en Afrique.

L’impératif sécuritaire
La partie algéro-séparatiste n’ignore bien évidemment rien de tout cela; en décembre 2021, le “ministre des territoires occupés et de la diaspora sahraouie” du Polisario, Mustapha Sidi El Bachir, avait jeté un pavé dans la mare lors d’une conférence à Mantes-la-Jolie, en France, en reconnaissant que “cela fait 46 ans que nous sollicitons de l’aide de l’Algérie pour avoir de l’eau, le gaz, le gasoil et les armes” et que “nous n’avons pas les conditions d’un État pour vivre seuls”. Pourquoi l’Algérie continue-t-elle alors de prendre en charge une entité qui, jusqu’au transport aérien de son “président”, comme on l’a vu à Abuja, nécessite chaque année de plus en plus de subsides -jusqu’à un milliard de dollars par an, selon différents chiffres disponibles-? Vraiment par tradition, comme le réitère, à hue et à dia, M. Tebboune? Si tel est le cas, pourquoi n’avait-elle alors jamais rappelé son ambassadeur en Australie après que cette dernière a reconnu, en décembre 1978, la souveraineté de l’Indonésie sur le Timor-Leste -auquel M. Tebboune se plaît à comparer régulièrement le Sahara marocain-, comme elle l’a fait lorsque l’Espagne a eu l’“outrecuidance”, à ses yeux, de commencer à considérer à partir de mars 2022 que l’initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie est “la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend” autour du Sahara marocain?

On en revient à l’analyse de base qui veut que l’objectif final de l’Algérie est que le Maroc garde un caillou dans sa chaussure pour gêner son émergence, et qu’elle n’est nullement en train d’agir pour les beaux yeux de la population du Sahara marocain. Et son hystérie anti-marocaine, qui s’est décuplée avec le mouvement de protestation du Hirak à l’endroit de “l’État militaire” à partir de février 2019, est sans doute également pour l’aider à détourner l’attention du peuple algérien vis-à-vis de la mise en coupes réglées qu’il subit de la part de ce qu’il surnomme de façon sarcastique, en renvoyant à sa nature intrinsèquement mafieuse, de “Casa d’El-Mouradia”. Lors de sa sortie mentionnée plus haut, M. Sidi El Bachir avait souligné le fait que “Brahim Ghali est également un réfugié enregistré sous le nom de Ghali Sid El Mustapha et il n’y a pas de Brahim” et qu’“il n’est pas considéré auprès de l’agence des réfugiés comme président d’un État ou un haut cadre”. Ceux que M. Ghali considère comme étant ses pairs n’ont, à l’évidence, pas dû s’y tromper à Abuja...

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