LES ENSEIGNANTS, CES ÉTERNELS OUBLIÉS

LA FINALITÉ MARCHANDE PREND LE PAS SUR LA RECHERCHE ET LA TRANSMISSION DES CONNAISSANCES.

L’enseignant, notamment universitaire, pierre angulaire du système éducatif national, est souvent le grand oublié des différentes réformes qui se sont succédé. Aujourd’hui, nous sommes à la veille d’une nouvelle réforme, et aucun indice ne semble traduire un quelconque changement quant au statut et à la situation morale et matérielle de nos enseignants–chercheurs. Ni consultés, à travers leurs représentants syndicaux et encore moins impliqués dans les préparatifs de cette nouvelle réforme universitaire qu’est le Bachelor, ils ne se sentent pas concernés. Ni de près, ni de loin. Comme si la nouvelle réforme peut réussir sans eux. Est-ce possible? Jusqu’à quand les responsables de ce secteur stratégique pour la nation continueront-ils à les reléguer au second plan? Les réponses à cette lancinante question ne méritent-elles pas mûre réflexion à un moment où l’université se vide de sa substance. À un moment, aussi, où le nombre d’étudiants universitaires ne cesse d’augmenter en flèche tandis que le nombre des enseignants ne progresse que très lentement.

Ajoutons à cela les départs à la retraite qui s’accentuent de plus en plus, ces dernières années, rendant tout fonctionnement et gestion de l’université encore plus contraignant. Si certaines universités recourent de temps en temps à des retraités encore en mesure d’assurer des cours de licence ou d’animer des séminaires de master, ce n’est que pour parer momentanément au déficit flagrant de postes budgétaires. Ceux parmi les retraités qui acceptent de continuer à enseigner le font plus par amour pour ce noble métier que pour les quelques émoluments qui mettent des mois et des mois à leur parvenir. C’est que les lenteurs de la bureaucratie administrative ont la peau dure. Ils en découragent plus d’un. Quant à la situation de ceux qui continuent à assurer leurs horaires de cours normalement, elle n’est pas non plus des plus enviables. Qu’il s’agisse de leurs salaires non revus depuis les années 90, de la quasi absence de formation les ciblant, de leur relève non assurée, de leurs conditions de suivi et de contrôle… les préoccupations et doléances de nos universitaires ne sont pas prises en compte et doivent attendre le plus souvent… les calendes grecques.

Tenant compte de cette situation de précarisation des personnels de l’enseignement supérieur, demander à nos enseignants d’assumer en plus leur qualité de chercheurs pour espérer voir leurs publications figurer dans ces revues scientifiques de type «Shanghai », elles–mêmes classées sur une échelle de prestige -et plus rarement à la qualité de leur investissement pédagogique- est un luxe que seuls quelques rares enseignants chanceux peuvent se permettre. Au lieu d’opter pour une politique de développement d’une offre universitaire de qualité, assurée par des enseignants de qualité, nos responsables ne jurent que par une formation qui débouche sur un diplôme assurant une rentabilité sur le marché de l’emploi. Ainsi, la finalité marchande prend, de plus en plus, le pas sur la recherche et la transmission des connaissances. Encore une occasion ratée pour inscrire pleinement l’université dans la cité.

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