Dans un rapport inédit de 115 pages, la fédération marocaine des droits du consommateur a réalisé une enquête pour établir un essai comparatif relatif aux produits bancaires. Les banques y sont notamment accusées de chercher à maximiser leurs bénéfices, aux dépens parfois du consommateur.
Entre la banque commerciale et le client, la relation n’est pas toujours au beau fixe. Elle est parfois empreinte de situations conflictuelles et litigieuses qui pourraient éventuellement freiner son élan ou même compromettre son existence. Il est vrai que les lois et les textes régissant cette relation et notamment la fameuse loi 13-08 relative à la protection du consommateur sont là pour jouer les garde-fous, mais la banque de par son statut économique important et sa puissance financière exerce une certaine domination sur le client. Ce dernier est souvent considéré comme le maillon faible de cette chaine bancaire à travers laquelle l’institution bancaire impose ses conditions pour améliorer ses commissions et par conséquent doper ses bénéfices.
Pour décortiquer cette relation complexe, la fédération marocaine des droits du consommateur en partenariat avec le ministère de l’industrie et du commerce vient de réaliser une enquête, pour le moins intéressante, dont les résultats viennent d’être révélés. C’est en effet, pour la première fois, qu’une telle enquête soit effectuée sur instigation du gouvernement. Son but est d’établir un essai comparatif relatif aux produits bancaires. Bien que le secteur bancaire compte plus de 80 établissements répartis entre les resbanques, les sociétés de financement et autres sociétés de paiement et de transfert d’argent, l’enquête a porté sur 5 grandes banques de la place : Le groupe Attijariwafa Bank, le groupe Banque populaire, Bank Of Africa (ancienne BMCE), la BMCI et la Société générale Maroc. Les cinq banques représentent environ 80% de l’activité bancaire nationale. D’emblée, le rapport plante le décor.
Rôle clé
Si le marché des produits bancaires est régulé par les autorités de tutelle en l’occurrence, Bank Al Maghreb, à laquelle on reconnait un rôle clé et efficace dans le contrôle et la supervision des banques, mais le marché bancaire obéit, lui, à la loi de l’offre et de la demande. Cette situation octroie forcément aux banques marocaines une certaine marge de manoeuvre pour fixer les tarifs des produits bancaires et vendre leurs services dans les meilleures conditions du marché, parfois aux dépens des consommateurs. D’après l’enquête, « la marge de manoeuvre dont bénéficient les banques est utilisée abusivement et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder le volume de commissions injustifiées facturées pour chaque client ». Lesquelles commissions sont destinées à gonfler les bénéfices mirobolants des banques.
Compréhension difficile
L’enquête estime que cette course effrénée vers les parts de marché et la maximisation des bénéfices a bouleversé les comportements humains au sein du système bancaire. Les services financiers ne sont pas des produits comme les autres en raison de l’asymétrie d’information entre prêteur et emprunteur. D’autant plus que la complexité croissante des produits financiers rend leur compréhension difficile. Les vertus de l’innovation financière sont certes les bienvenus, mais le grand public a du mal à comprendre parfois leur complexité. Par conséquent, le client risque de réaliser des investissements inappropriés. « Certes Bank Al-Maghrib mène régulièrement des contrôles pour s’assurer du respect par les banques des dispositions de la directive fixant la liste de 16 services bancaires devant être fournis à la clientèle à titre gratuit. Mais sort également de l’enquête que le client n’est pas toujours roi. « Les services sont personnalisés et proposés au cas par cas. De l’octroi de la carte bancaire au crédit, les disparités entre les services des banques sont importantes. En effet, les conditions d’octroi et de fonctionnement des comptes destinés aux particuliers montrent que les établissements financiers proposent de façon très personnalisée les services à leur clientèle.
Services complémentaires
Le service offert est souvent tributaire du revenu, puisqu’il constitue la seule garantie dont elles disposent » analyse le document. L’analyse des services bancaires liés à l’ouverture des comptes permet de constater un «état de rapprochement» entre les différents établissements financiers. Il en est de même pour les délais d’encaissement des chèques, les virements, les taux d’intérêt, les délais d’octroi de chéquiers. Par contre, ces établissements cherchent à segmenter leur clientèle pour les services complémentaires tels que l’octroi des cartes et des crédits. Encore, l’enquête relève un certain sentiment d’arbitraire, puisque les services sont souvent offerts à la «tête du client». Une attitude jugée peu commerciale de la part du personnel bancaire. Si cette enquête dresse un tableau peu reluisant de la relation entre les banques et leurs clients, l’ambition est néanmoins de pousser à améliorer cette relation et surtout à un respect strict des lois en rapport avec la protection du consommateur.