Paru récemment aux éditions Gallimard, collection Folio classique, «Emma», le roman le plus abouti de Jane Austen (1775-1817), raconte les tribulations d’une jeune fille de bonne famille de 21 ans. Gâtée par la nature, elle est dotée d’un père qui l’adore et apprécie ses qualités au point de ne lui trouver aucun défaut. Damoiselle Woodhouse s’occupe de son père après la mort de sa mère. Dans le chaleureux foyer familial, elle coule des jours heureux aux côtés de sa gouvernante, Mlle Taylor, jusqu’au jour où celleci convole en justes noces avec M. Weston et part vivre à ses côtés. Emma souffre de cette séparation surtout que sa soeur aînée a fait de même, laissant un grand vide dans la maison. Ayant contribué, avec beaucoup de plaisir et de délectation, à marier sa gouvernante, la jeune femme compte bien récidiver et mettre à profit son talent à unir les coeurs.
La marieuse improvisée s’active donc dans sa besogne. «Juste encore une fois papa, pour le seul M. Elton, papa. Il faut bien que je lui trouve une épouse. Personne à Highbury n’est digne de lui.
Pourtant, voilà toute une année qu’il est ici, et il a apporté à sa maison des aménagements si confortables qu’il serait honteux de le laisser plus longtemps dans le célibat», argumente Emma pour persuader son père de continuer.
Dans l’entourage d’Emma se trouve Harriet Smith, 17 ans, fille naturelle que la jeune marieuse tente de caser pour lui offrir une promotion sociale digne de sa beauté ainsi que plein d’autres âmes solitaires… Toute une faune bariolée qui gravite autour de l’héroïne dans la bourgade de Highbury. A travers ce microcosme, Jane Austen nous décrit le quotidien des habitants en nous mettant dans l’ambiance de l’époque.
Et, bien entendu, comme pour tous ses romans, tout est prétexte pour l’auteur de traiter les sujets qui lui sont chers à savoir les sentiments et la raison. Emma, qui se fixe pour mission de marier les autres, décide, elle, de rester célibataire pour ne pas quitter son père. Sa façon d’appréhender l’union du mariage privilégie davantage la raison et les calculs plutôt que la passion ou les sentiments. Trop sure d’elle et de ses capacités, elle se plante souvent et se trompe de jugement. Malgré ces défauts, Emma reste attachante. Le génie de l’écrivaine et son sens de la dérision y sont pour beaucoup.