Les élucubrations de Abdelkader Messahel

Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères Algérien - ph:DR

Le tartuffe d’Alger


En accusant les banques marocaines de blanchir l’argent du haschisch et la RAM de transporter autre chose que des passagers, le ministère des Affaires étrangères algérien exprime sans doute l’impuissance de son pays face à la réussite du Maroc en Afrique.

Bien avant de prendre en charge le ministère des Affaires étrangères algérien, Abdelkader Messahel était déjà un personnage connu de ce côté-ci de l’oued Kiss. Ancien préposé aux Affaires maghrébines pendant 15 ans au sein du même département, c’est pour le moins un habitué des prises de positions saugrenues au sujet du Maroc. «C’est un populiste de bas étage, comme Bouteflika les aime bien,» nous déclarait déjà à son propos, il y a plus de quatre ans, un responsable marocain.

C’est dire donc si ses déclarations sur la politique africaine du Royaume ne surprennent guère. Prenant part, ce 20 octobre à Alger, à l’université d’été du Forum des chefs d’entreprise (FCE) algérien, il n’a en effet rien trouvé de mieux pour convaincre ses vis-à-vis que son pays avait le meilleur modèle économique d’Afrique du Nord (sic) que d’accuser les banques marocaines de blanchir l’argent du haschisch, et la compagnie aérienne nationale, la Royal Air Maroc (RAM), de transporter «autre chose que des passagers ». «C’est des chefs d’État africains qui me le disent,» va-t-il même jusqu’à affirmer (on se demande bien lesquels).

Des propos qualifiés d’«irresponsables», voire d’«enfantins» (à juste titre), par la diplomatie nationale, qui ne manque pas de souligner dans un communiqué qu’elle a publié à leur suite que «ces allégations mensongères ne peuvent justifier les échecs ou cacher les véritables problèmes économiques, politiques et sociaux de , et qui touchent de larges franges de la population algérienne, notamment la jeunesse.»

Indigence intellectuelle
«Ces déclarations sans fondement ne sauraient porter atteinte à la crédibilité ni au succès de la coopération du Royaume du Maroc avec les pays africains frères, et qui est largement saluée par les Chefs d’Etat africains et appréciée par les populations et les forces vives du continent,» ajoute-t-elle. Une réaction que, pour une fois, on partage largement dans la voisine de l’Est. «Je ne sais ce qui est le plus impardonnable chez Abdelkader Messahel, son indigence intellectuelle ou le frappant cynisme avec lequel il prépare l’opinion à la guerre contre le Maroc,» réagit notamment le journaliste algérien Mohamed Benchicou, ancien patron du quotidien Le Matin. Même El Watan, qui n’est pourtant pas connu pour porter le Maroc dans son coeur (bien au contraire), fustige «une inutile sur-crise diplomatique». «Pays bloqué sur un modèle ancien,» regrette-t-il, en déclinant les différentes «tares» de l’économie algérienne.

Les tares d’une économie
Le quotidien démonte également l’argument de M. Messahel sur la prétendue première position de l’Algérie au classement annuel Doing Business, relatif au climat des affaires. «L’Algérie est le pire pays d’Afrique du Nord pour le Doing Business, » rappelle-t-il (156ème sur 190, le Maroc étant 68ème, premier pays maghrébin). C’est dire si, in fine, il faut prendre lesdits propos positivement. Si, bien sûr, le Maroc se devait de réagir -il a rappelé son ambassadeur à Alger et convoqué le chargé d’affaires algérien pour protester auprès de lui-, les divagations de M. Messahel sont assez significatives du degré d’irritation et d’incompréhension des responsables algériens vis-à-vis du Royaume.

Car comment, parbleu, pouvons-nous bien connaître l’essor qui est le nôtre? Nous n’avons ni leur gaz ni leur pétrole. Notre pays est bien plus petit. Et pourtant, nous sommes de loin les meilleurs. Au choix, soit donc il n’y a en fait rien («ma kan walo», dixit le sieur Messahel), soit que nous trafiquons du haschisch. Impossible de triompher par les idées seulement! C’est pourtant bien le cas. «L’engagement pour l’Afrique ne peut être réduit à une question de ressources financières, sinon l’Algérie avec ses pétrodollars aurait pu réussir,» soulève d’ailleurs le ministère des Affaires étrangères. Pendant plusieurs décennies, l’Algérie avait certes une économie bien plus évoluée que la nôtre.

Dopée par la rente pétro-gazière héritée de la colonisation française, elle s’était donnée les moyens pour être à l’avantgarde du continent africain, et s’agissant plus particulièrement du Maroc, concurrent logique, elle avait fait en sorte de le mettre à terre (souvent contre rémunérations), en cherchant notamment à l’amputer de son Sahara. Mais, comme disent les Arabes, le sort s’est au final retourné contre le sorcier: l’affaire du Sahara a, au contraire, resserré les liens entre le peuple et le pouvoir, et l’absence de véritables ressources énergétiques a poussé le Royaume à déployer des trésors d’imagination pour s’en sortir, ce qui lui a permis, au moment opportun, d’intégrer de plain-pied l’économie du XXIe siècle.

L’Algérie, pour sa part, est restée engluée dans son modèle économique socialisant, qui ne produit aucune richesse et bloque encore les investissements directs étrangers (un entrepreneur étranger ne peut détenir plus de 49% des parts d’une entreprise).
Qui plus est, elle n’est jamais parvenue à se sortir de sa dépendance aux énergies fossiles, qui représentent encore plus de 97% des exportations (dixit le Fonds monétaire international (FMI)). Si, pendant les quinze premières années de «règne» de M. Bouteflika après son arrivée au pouvoir en 1999, le modèle a donné l’illusion de marcher, c’est uniquement parce que le prix du baril de pétrole était au plus haut (plus de cent dollars pendant plusieurs années successives). Mais maintenant que ce n’est plus le cas, l’Algérie voit ses ressources financières fondre comme peau de chagrin.

Elle a même été obligée de piocher dans son Fonds de régulation des recettes (FRR), qui recueillait les excès de ses recettes pétrolières, et qui cette année s’est complètement tari. A l’avenir, Alger devrait sans doute de nouveau avoir recours à l’emprunt (ses premiers ministres successifs ont toujours démenti, mais cela ne saurait plus tarder d’après des sources algériennes)...

Immobilisme maghrébin
Enfin, comme si cela ne pouvait pas suffire, l’Algérie ne cesse de cumuler les échecs diplomatiques face au Maroc: sur la question particulière du Sahara, le réalisme du plan d’autonomie marocain l’emporte désormais largement et le voisin a même été mis en avril face à ses responsabilités par le Conseil de sécurité; mais il y a surtout la percée en Afrique, couronnée par l’adhésion à l’Union africaine (UA) en janvier 2017, malgré tous les efforts déployés par la diplomatie algérienne.

En décembre, le Royaume devrait d’ailleurs lui porter l’estocade, en ralliant la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO)... Ce qui par ailleurs devrait affranchir le Maroc de l’immobilisme maghrébin, et lui permettre par là même de jouer un plus grand rôle dans le continent. La junte algérienne, qui se voulait seule force «stabilisatrice» au Maghreb et dans le corridor saharo-sahélien (alors même qu’elle soutient des organisations jihadistes telles Ansar Eddine, soit un comble), s’en mord déjà les doigts. On peut croire, en conséquence, que face aux hommes d’affaires de son pays, M. Messahel, et par sa voix sans doute beaucoup de responsables algériens, cherchait en quelque sorte à conjurer le sort. Pour ce faire, prononcer des inanités ne devrait cependant pas suffire...

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