Il va sans dire: ce n’est pas dans le costume de favori que le parti du livre aborde le scrutin de cette année. Ces cinq dernières années l’ont, à vrai dire, vu beaucoup s’affaiblir.
En 2011, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) obtenait 18 sièges aux législatives. En 2016, six de moins, soit douze sièges. Et en 2021? Difficile de prédire étant donné que les sondages électoraux sont interdits au Maroc, mais on peut d’ores et déjà imaginer que le prochain gouvernement ne sera certainement pas conduit par lui. Et qu’il n’en fera peut-être même pas partie, car rien ne dit que le parti qui finira premier à l’élection voudra de lui dans sa majorité.
Ainsi, pour figurer dans deux gouvernements successifs au cours de la décennie écoulée, le PPS a su comptabiliser sur des circonstances à chaque fois particulières. Et d’abord sur la volonté de l’ancien secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane, de s’appuyer, pour le gouvernement que le roi Mohammed VI l’avait chargé de former le 25 novembre 2011, sur les partis dits de la “Koutla”, qui rassemblent en gros les partis issus du Mouvement national et à laquelle appartient historiquement le PPS.
La Koutla revisitée
M. Benkirane voulait ainsi parer à ce qu’il en viendra plus tard à taxer de “tahakkom”, c’est-à-dire la soi-disant mainmise de l’administration sur le jeu politique, et finalement seule l’Union socialiste des forces populaires (USFP) l’empêchera, sur décision de son conseil national, d’atteindre son objectif; le Parti de l’Istiqlal (PI) ayant, lui, par contre, accepté de faire partie de l’aventure -jusqu’à, en tout cas, l’élection, en octobre 2012, de Hamid Chabat au poste de secrétaire général.
Le PPS aura de fait la charge, de janvier 2012 à avril 2017, du ministère de l’Habitat -remis, soit dit en passant, à son secrétaire général depuis mai 2010, Mohamed Nabil Benabdallah-, celui de la Santé (El Houssaine Louardi), de l’Emploi (Abdelouahed Souhail puis Abdeslam Seddiki) et de la Culture (Mohamed Amine Sbihi) et même à partir d’octobre 2013, à l’issue du remaniement ayant fait suite au remplacement par le Rassemblement national des indépendants (RNI) du PI, du département de l’Eau (Charafat Afailal).
Rappel à l’ordre
Cinq ans où ses ministres donneront, globalement, satisfaction, M. Louardi se retrouvant même régulièrement en tête des sondages du cabinet Sunergia sur la popularité des membres du gouvernement Benkirane, sans toutefois empêcher que le parti dégringole donc aux législatives du 7 octobre 2016. Mais il faut dire aussi qu’en même temps, le PPS s’enfoncera trop dans son alliance avec le PJD, allant jusqu’à surfer sur le discours contre le “tahakkom” adopté au cours de la campagne pour ces législatives par la formation islamiste et en particulier M. Benkirane et lui valant carrément un rappel à l’ordre du Palais: ce dernier reprendra en fait M. Benabdallah après qu’il eut pris à partie dans une interview publiée par l’hebdomadaire Al-Ayyam le conseiller du roi Mohammed VI, Fouad Ali El Himma, en ce qu’il avait été le fondateur en août 2008 du Parti authenticité et modernité (PAM), incarnation selon le PJD de ce “tahakkom”. “Il semble clair que cette déclaration, qui intervient après d’autres déclarations tout aussi irresponsables de M. Nabil Benabdallah, n’est qu’un outil de diversion politique en période électorale, qui requiert de s’abstenir de lancer des déclarations non fondées,” accusera notamment, dans un communiqué, le Cabinet royal.
Véritable allié
Par fidélité mais aussi et surtout parce qu’il ne voulait pas se retrouver isolé dans une majorité où le RNI notamment était plus un concurrent qu’un véritable allié, M. Benkirane assurera toutefois le PPS, et ce dès l’entame des consultations relatives à la constitution de son nouveau gouvernement, de sa reconduction, et même s’il sera par la suite relevé, après avoir échoué à mener ces consultations, de ses fonctions, son remplaçant, Saâd Eddine El Othmani, ne reviendra pas sur cette parole. Mais le mal était sans doute déjà fait. En mai 2018 et alors que le PPS continuait toujours de siéger au sein de l’Exécutif, nous avions, pour une interview, directement posé la question à M. Benabdallah, et celui-ci, s’il n’avait pas ouvertement confirmé que le communiqué du Cabinet royal le montrant nommément du doigt avait constitué la séparation nette et claire entre un avant et un après, n’en avait pas moins reconnu que son parti en était sorti généralement perdant.
“Nous étions (...) sur la bonne voie et aurions pu obtenir de meilleurs résultats aux dernières législatives du 7 octobre 2016 (...). Je vous rappelle qu’un an avant les législatives, nous avions obtenu plus de 413.000 voix aux communales. Nous avions obtenu près de 1.800 sièges communaux,” avait-il souligné (lire Maroc Hebdo nº1259, du 1er au 7 juin 2018).
“Rôle historique’’
N’ayant déjà plus que les portefeuilles de la Santé et de l’Aménagement du territoire et ce en les personnes respectives de MM. Louardi et Benabdallah lui-même, le PPS se verra ainsi obligé, moins de sept mois après l’installation du gouvernement El Othmani, de proposer deux nouveaux noms après que les deux concernés eurent été limogés suite à un rapport de la Cour des comptes les rendant en partie responsables des dysfonctionnements observés dans la mise en oeuvre du programme de développement spatial de la province d’Al Hoceima “Manarat Al-Moutawassit”.
Prendront leur suite Abdelahad Fassi Fihri et Anas Doukkali, mais ces derniers se verront obligés, en octobre 2019, de rendre leur tablier, après qu’il soit devenu clair que le parti était en fait désormais “non grata”. À cet égard, le PPS se verra progressivement lâcher même par le PJD, M El Othmani ainsi que le ministre d’État chargé des Droits de l’Homme, Mustapha Ramid, s’attaquant notamment, dans une série de déclarations privées, à ses dirigeants.
Renverser la vapeur
Ce qui fait qu’en somme, ils ne sont pas beaucoup encore à donner cher de la peau du parti, quand bien même ce dernier reste, et ce comme le Cabinet royal lui-même le relevait dans son communiqué susmentionné, “reconnu pour son rôle historique de militantisme et sa contribution constructive au processus politique et institutionnel national”. Du moins, tant que M. Benabdallah reste secrétaire général.
Ce dernier a, certes, beaucoup donné au parti mais aussi plus généralement au Maroc, étant notamment à créditer d’un bilan positif dans l’ensemble des départements par lesquels il est passé: dans la presse, en particulier, on se souvient de l’organisation, en mars 2005, des premières assises nationales du secteur et la signature dans la foulée du contrat-programme entre le ministère de la Communication et la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), lequel contrat-programme sert de base à tous ceux qui ont été adoptés par la suite.
Et même s’il a, sans doute, encore un rôle à jouer, ce n’est peut-être pas nécessairement en tant que secrétaire général. Il avait, en tout cas, annoncé en décembre 2020 à l’émission “Confidences de presse” sur la chaîne 2M que son actuel mandat, qui est son troisième, serait son dernier et qu’il ne resterait donc pas en poste au-delà de l’année 2022. D’ici là, personne ne s’offusquera si le PPS réussit à renverser la vapeur et, en bénéficiant éventuellement du tout nouveau quotient électoral, grappiller davantage de sièges à la chambre des représentants...