Elalamy toujours droit dans ses bottes

LANCEMENT DE LA DEUXIÈME PHASE DU PLAN D’ACCÉLÉRATION INDUSTRIELLE

Pour le ministre de l’Industrie, il s’agit, à travers la nouvelle phase de son plan d’accélération industrielle, davantage de rectifier la trajectoire entamée il y a six ans sous ses auspices plutôt que d’une rupture.

Moulay Hafid Elalamy voit déjà plus loin. Plus précisément en 2023, année où doit prendre fin la deuxième phase du plan d’accélération industrielle qu’il avait mis en place en avril 2014 et dont la première phase doit, cette année 2020, prendre fin. Profitant de sa participation, le 24 septembre dernier, au conseil national de l’entreprise (CNE) qu’organise chaque année la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et qui, pandémie de Covid-19 oblige, s’est tenu cette fois par voie d’internet, le ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie verte et numérique a développé, devant le gratin du monde de l’entreprise marocain, les grands traits de cette nouvelle phase qui vise non seulement à tirer profit des réalisations de la phase précédente, ponctuée notamment de réussites dans des métiers comme l’aéronautique et l’automobile (16 et 80 milliards de dirhams (MMDH) d’exportations en 2019, contre 8 et 44 MMDH cinq ans plus tôt), mais aussi, et surtout, à tenir compte de la donne pandémique avec laquelle devra, pour longtemps encore sans doute, composer le Maroc.

Car cette donne, par la façon brutale avec laquelle elle s’est imposée à tous, a véritablement brouillé, au cours de cette année, les cartes, et, ici et là, bousculé un certain nombre de croyances qui, au fur et à mesure, étaient presque passées au rang de dogme. Il en va ainsi par exemple, dans le cas d’espèce économique, du discours sur la mondialisation, déjà rudement éprouvé au cours des dernières années par le protectionnisme de pays qui furent pourtant ses plus grands adversaires -notamment les États-Unis depuis l’élection de Donald Trump à leur présidence en novembre 2016- et que la Covid-19 a, en quelques mois seulement, achevé d’affaiblir.

S’inscrire dans la continuité
Pour autant, la deuxième phase du plan de M. Elalamy n’aspire pas à constituer une rupture; elle s’inscrit, au contraire, dans la continuité de la première phase voire dans celle du plan Émergence et du pacte national pour l’émergence industrielle qu’avaient lancés en leur temps les gouvernements de Driss Jettou -en décembre 2005- et Abbas El Fassi -en février 2009-, avec juste les ajustements de rigueur. Il n’est, ainsi, aucunement question de sortir du libre-échangisme, exception faite des cas abusifs comme celui de l’accord d’avril 2004 avec la Turquie et contre lequel le ministre s’est à plusieurs reprises élevé au cours de la dernière année en ce qu’il favoriserait les pratiques de dumping de la part des entreprises anatoliennes sans que le Maroc n’y gagne vraiment au change (alors qu’avec l’Union européenne (UE) et les États-Unis le Royaume est, depuis 2014, parvenu à drainer, malgré le déficit dont il pâtit dans ses échanges commerciaux avec eux, 1,4 et 1,2 milliard de dollars d’investissements, comme le révélait le ministre le 6 février dernier à la Chambre des représentants en réponse à une question orale du député PJD (Parti de la justice et du développement) Driss El Azami El Idrissi).

Industries vouées à l’export
Il y a lieu, à cet égard, de faire référence à l’ambition que portent désormais les autorités marocaines que le Maroc capte dans le futur une partie des investissements que comptent notamment relocaliser depuis la Chine les Européens et à laquelle la vice-présidente exécutive de la commission européenne et commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’était dite favorable au cours des entretiens qu’elle avait justement eus le 27 avril avec M. Elalamy et le président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), Omar Seghrouchni. Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, vient dans le même sens, le 17 septembre, d’appeler le commissaire européen à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage, Oliver Varhelyi, à soutenir la reprise post-Covid-19 dans le Royaume au plan notamment de l’industrie, lors d’un appel téléphonique qu’ils avaient eus.

Besoins du marché intérieur
Ainsi, il est question de développer davantage les industries vouées à l’export, en ne s’arrêtant pas seulement aux métiers traditionnels comme l’aéronautique et l’automobile, déjà mentionnés plus haut, ou encore l’industrie alimentaire (32 MMDH d’exportations en 2019), le textile et cuir (37 MMDH) et l’électronique et l’électricité (10 MMDH), mais d’en développer de nouveaux. À ce niveau, on a vu par exemple, au cours de la pandémie, le Maroc rapidement se transformer, en quelques semaines seulement, en pays producteur de masques, au point d’être en mesure d’en offrir, le 14 juin, près de 8 millions d’unités à quinze pays africains, dans le cadre de l’initiative lancée deux mois plus tôt par le roi Mohammed VI pour lutter contre la Covid-19 dans le continent. Mais il s’agit, aussi, de répondre aux besoins du marché intérieur, de sorte à réduire davantage un déficit commercial devenu endémique depuis un quart de siècle et l’accord d’association avec l’UE en février 1996 (209 MMDH en 2019).

M. Elalamy mettait ainsi en ligne, le lendemain de son intervention au CNE, une banque de données sur le site de son département pour aider les industriels marocains à identifier les projets les mieux appropriés pour le Maroc, alors qu’il s’interrogeait le 9 juin à la Chambre des représentants, lors d’une audition à la commission des secteurs productifs de la première chambre, sur le fait que le Royaume produise des respirateurs et des réacteurs d’avions mais continue en même temps d’importer les lits d’hôpitaux et les tables d’écoliers. “Ils disent, et ceci vous l’avez entendu: il n’y a rien à faire. Comment cela, il n’y a rien à faire?,” s’était-il insurgé.

Les entreprises marocaines sont, au surplus, depuis le 10 septembre avantagées dans les appels d’offre publics, suite à l’émission d’une circulaire par le Chef du gouvernement Saâd Eddine El Othmani, et ce même si les entreprises étrangères sont moins chères de 15% dans les marchés de moins de 100 millions de dirhams (MDH) et de 7,5% pour ceux de plus de 100 MDH. De quoi donc, à en croire M. Elalamy, envisager sous les meilleurs auspices les trois prochaines années. L’industrie marocaine saura-t-elle, ceci dit, se montrer à la hauteur du défi?.

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