L’ÉDUCATION, UNE MARCHANDISE COMME UNE AUTRE

BRAS-DE-FER ENTRE PARENTS D’ÉLÈVES ET ÉCOLES PRIVÉES

Le torchon brûle encore entre les écoles privées et les parents d’élèves. A Fès, des centaines de parents d’élèves ont décidé de placer leurs enfants dans le public. Leur conflit avec un grand groupe scolaire privé relatif aux frais de scolarité est devenu inextricable.

La noble mission de l’éducation ne peut être écrasée par les intérêts purement mercantiles de certains propriétaires d’écoles privées. Il est vrai que l’argent est le nerf de la guerre, mais pas jusqu’à devenir un moyen de chantage pour l’éducation de toute une génération, c’est ce que rejettent des milliers de parents d’élèves dans plusieurs villes. A Fès, c’est la règle. Une guerre sans pareille se déclare entre les directions des établissements privés et les parents d’élèves. La résultante est que ces derniers subissent, résignés, depuis le début de la crise sanitaire, les caprices des dirigeants des écoles et la ténacité de certaines familles.

La crise due au Covid-19 a secoué plusieurs secteurs, l’enseignement national n’a pas été épargné. Mais la transition des cours en présentiel aux cours à distance devait L’ÉDUCATION, UNE MARCHANDISE COMME UNE AUTRE “normalement” permettre la continuité des activités pédagogiques à tous les niveaux. Sauf que les écoles ont maintenu fixes leurs frais d’études. Certaines ont même obligé les parents à payer les frais de transport ! Ces derniers jours, ils ont décidé de remettre les pendules à l’heure.

Refus de dialogue
La décision du ministère de l’Éducation de mettre en place des cours à distance ne pouvait être concrétisée sans l’implication effective des parents d’élèves, des établissements (professeurs et dirigeants) et des premiers concernés (élèves). Malheureusement, cette obligation morale n’a pas été respectée par certaines parties prenantes, notamment certaines écoles privées qui n’étaient assidues que dans leur démarche de recouvrement des frais. Après des manifestations dans plusieurs villes du Royaume, 180 parents d’élèves ont franchi un pas que beaucoup n’osent pas franchir: ils ont décidé de quitter collectivement un groupe scolaire privé à Fès. 433 demandes de retrait de dossier ont ainsi été déposées à travers un avocat, pour le transfert des élèves aux écoles publiques de la capitale spirituelle. Pour cause?

L’avocat en charge du dossier, Me Abderrahim Rezzouk, explique à Maroc Hebdo que le groupe concerné oblige les tuteurs d’élèves à payer la totalité des frais de scolarité des trois mois de confinement, sans avoir assuré une formation à distance correcte. “L’administration fait subir depuis un mois un chantage aux parents qui refusent de payer les frais. Pire, en pleine crise, l’établissement refuse de délivrer les certificats de scolarisation, ou d’inscrire aux examens les élèves n’ayant pas payé les frais des mois d’avril, mai et juin ou l’un des trois mois”, s’insurge l’avocat, ajoutant que des frais de transport et de cantine ont été maintenus, malgré que les enfants n’en profitent pas. Selon le représentant juridique de ces familles, les établissements privés ne respectent pas leurs devoirs inscrits dans la loi n°06-00 relative au statut de l’enseignement scolaire privé. “Ils veulent gagner de l’argent sans contrepartie.

La loi exige que les élèves doivent profiter des espaces de l’établissement, d’une bonne qualité d’enseignement et de suivi. Si la présence à l’école a été interdite à cause du Coronavirus, les cours à distance mis en place par cet établissement n’ont pas apporté satisfaction. Les enseignants communiquent avec les enfants à travers WhatsApp, peuton considérer ce réseau social efficace? Non, alors les paiements exigés restent inexpliqués”. L’établissement en question aurait refusé tout dialogue. Une lettre a ainsi été adressée au directeur de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF) Fès-Meknès, Mohcine Zouak, pour qu’il intervienne dans ce dossier épineux.

Ce bras-de-fer est insupportable pour les employés du secteur touchés par les répercussions de la pandémie (éducateurs, chauffeurs, cuisiniers…). “Nous ne percevons que 50% de nos salaires, avec tous les efforts physiques, moraux et financiers entrepris quotidiennement pour assurer une bonne continuité de l’apprentissage. Nous sommes les premières victimes de cette crise. Tout le monde oublie que nous sommes nous-mêmes parents, que nous avons des crédits et des charges à payer”, se désole une enseignante.

Une guerre sans concessions
Les efforts des éducateurs et éducatrices deviennent presque invisibles au milieu de ce brouhaha. Pour faire de leur mieux, certains enseignants des écoles privées ont loué du matériel auprès des cybers pour assurer leur tâche de télé-enseignement. Contrairement aux éducateurs du secteur public, qui disposent d’un salaire fixe, les enseignants du privé n’ont d’autre choix que de subir les humeurs des uns et des autres. Pour apaiser les tensions, certaines écoles ont décidé de réduire de moitié les frais de scolarité.

La situation est la suivante: les écoles privées ne veulent rien sacrifier de leur profit et les parents refusent de payer la totalité des frais. Aucune des deux parties ne veut faire de concessions. Au moment où l’on attendait une intervention décisive de M. Amzazi, ministre de l’Education nationale, ce qui ne s’est pas produit, le ton continue de monter, et les directeurs des académies régionales ne peuvent rien contre l’insistance des écoles et l’exaspération des familles.

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