Pour les responsables de la Banque mondiale, l’économie marocaine fait preuve d’une bonne résilience face aux chocs qu’elle a subis pendant ces dernières années. Mais cette appréciation ne semble pas plaire à certains économistes marocains, qui pointent du doigt un taux de chômage qui tourne autour de 13,5%, le niveau le plus élevé dans l’histoire récente du Royaume.
« Le Maroc a fait preuve d’une résilience remarquable face aux divers chocs, dont notamment celui lié aux effets du séisme d’Al-Haouz ». C’est le principal message qui ressort du dernier rapport de la Banque mondiale (BM), diffusé jeudi 16 novembre 2023. Présenté par le directeur pays pour le Maghreb et Malte, Jesko Hentschel, lors d’une conférence de presse à Rabat, le rapport évoque également la croissance économique du Royaume, qui devrait remonter à 2,8% en 2023 après avoir été de seulement 1,2% en 2022. Et ce « grâce à une reprise partielle de la production agricole, des services et des exportations nettes », note ainsi le rapport.
Pour les responsables de la BM, cette croissance économique devrait se renforcer à terme, pour atteindre 3,1% en 2024, 3,3% en 2025 et 3,5% en 2026. Des chiffres progressifs qui semblent probablement s’accommoder à un contexte économique où le climat des affaires connaît un apaisement perceptible après une crise profonde aggravée par la Covid et les changements géopolitiques internationaux. Mais l’appréciation et les prévisions de la BM ne trouvent pas bon écho chez des économistes marocains, notamment Nabil Adel, consultant en économie et professeur universitaire.
Mauvais élève
Pour lui, l’appréciation selon laquelle l’économie marocaine fait preuve de résilience est dénuée de tout fondement. Il en veut pour preuve le taux de chômage récemment diffusé par le Haut-Commissariat au plan (HCP), qui tourne autour de 13,5%. « C’est un taux de chômage très élevé qui reflète le faible niveau de la croissance économique dans notre pays et surtout l’incapacité du gouvernement actuel à proposer des réformes efficaces », explique-t-il.
Le Maroc fait ainsi figure de mauvais élève par rapport à l’Égypte, où le plus récent taux de chômage ne dépasse pas 7%, sachant que le pays des Pharaons enregistre des crises politico-sociales sans commune mesure avec les nôtres. Pendant son histoire récente, jamais le Maroc n’avait connu un tel niveau de chômage. Même en période de Covid, marquée par un arrêt total de plusieurs activités économiques, le taux de chômage s’était arrêté autour de 10,5%. Or, sans croissance économique, il n’y aura pas de création d’emploi. « Avec à peine 3,5% de croissance espérée par la BM en 2026, le Maroc ne parviendra surement pas à créer de nouveaux emplois et résorber le fort niveau de chômage actuel », estime M. Adel. Pour lui, il faut atteindre des niveaux de croissance beaucoup plus importants, avec des taux entre 6 et 7%.
Faible engagement
Des niveaux qui ne pourraient pas voir le jour sans une politique agressive d’investissement. Hormis l’investissement direct étranger qui demeure orienté vers le secteur manufacturier, l’investissement privé marocain ressort à des niveaux en-deçà des attentes de l’économie nationale. Cela montrerait le faible engagement du secteur privé, qui n’investirait plus autant comme avant en raison probablement de la détérioration du climat interne des affaires et le manque de visibilité économique sur le plan international. Pour la BM, le Maroc dispose de meilleurs atouts politiques et économiques pour permettre au secteur privé de s’engager davantage dans la promotion de l’investissement.
Mais la BM recommande au Maroc quelques changements à opérer pour accélérer la dynamique économique dans le pays. Elle souligne notamment qu’un changement de paradigme est encore nécessaire pour permettre l’autonomisation économique des femmes marocaines, une étape cruciale pour atteindre les ambitions importantes du pays telles qu’exprimées dans le cadre du nouveau modèle de développement (NMD). La BM met l’accent, dans ce sens, sur l’importance de prendre en compte les contraintes spécifiques rencontrées par les femmes dans les zones rurales et urbaines, à l’instar des problèmes liés à la mobilité, l’inclusion financière et digitale, l’amélioration des conditions de travail et les normes sociales traditionnelles. Elle pense ainsi que l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail aurait un impact économique significatif et constituerait ainsi un moteur puissant de développement socioéconomique dans le pays.