La dure reconquête de la souveraineté fiscale

Peut-on mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales?

Comment les États peuvent–ils reconquérir leur souveraineté fiscale sans mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales? C’est plus facile à dire qu’à faire. Certes, les ministres des Finances du G7 début juin, puis les chefs d’État et de gouvernement à Carbis Bay en Cornouailles, le 13 juin 2021, ont lancé une réforme mondiale de la fiscalité des sociétés. Fini la course entre grands pays pour toujours baisser l’impôt.

Terminé la mansuétude envers les paradis fiscaux et les montages sophistiqués qui permettent aux multinationales d’échapper aux taxes et à leur devoir citoyen. On leur appliquera désormais un impôt mondial d’au minimum 15 % sur la totalité de leurs bénéfices réalisés partout dans le monde. De 500 milliards à 600 milliards de dollars US de bénéfices, qui échappent aujourd’hui à tout impôt, seront demain taxés dans le pays où ils ont été réalisés ou dans le pays où se trouve le siège de l’entreprise.

Ainsi les bénéfices des géants du numérique ne pourront plus être localisés en Irlande, puis dans les îles Caïmans sans jamais être taxés, ni aux États-Unis ni dans les pays où les achats sont réalisés. Néanmoins, le partage de ce nouvel impôt mondial doit encore faire l’objet de négociations.

Mais en quoi consiste cette réforme? Concrètement, elle a deux volets. Dans le jargon de l’OCDE, l’organisation qui la prépare sur le plan technique, on dit deux «piliers». «Pilier 1»: taxer les multinationales là où elles génèrent leur bénéfice, et pas seulement dans leur pays d’origine. C’est une réponse à la demande de la France, du Royaume-Uni, de l’Italie et de bien d’autres pays pour faire payer les GAFA.

Mais les États-Unis, refusant que leurs géants du numérique soient stigmatisés, ont obtenu l’extension de ce principe à toutes les multinationales qui font plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires et dégagent plus de 10% de rentabilité. Résultat, une centaine d’entreprises sont concernées: 20% de leurs bénéfices pourront être taxés par les pays où elles sont le plus actives. Le «Pilier 2» est plus prometteur. Il s’agit de l’impôt minimum mondial.

Il sera d’«au moins 15 %» des bénéfices, comme l’a voulu Joe Biden, le président américain. Mais, le taux de 15% est-il suffisant? Le débat est ouvert. Pour certains économistes, il faut aller beaucoup plus loin que 15%. D’ailleurs, les discussions commencent à peine et seront tendues: après le G7, il faut attendre l’accord du G20, puis celui des 139 pays prenant part aux discussions à l’OCDE.

Pour d’autres économistes, il y a fort à parier que les mesures proposées par le G7 ne seront favorables qu’aux pays riches, ceux qui accueillent les sièges sociaux des multinationales. Et que les pays du Sud, où est pourtant réalisée une grande partie de l’activité des multinationales, se retrouvent une nouvelle fois dépourvus de rentrées fiscales.

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