Dialogue social et flexibilité responsable : La pilule qui ne passe pas

La CGEM médiatise la “flexibilité responsable” comme un acquis en voulant forcer la main aux syndicats. Elle conditionne la deuxième augmentation du SMIG par l’acceptation de la flexibilité responsable. Elle joue un jeu dangereux.

Le dialogue social, engageant le gouvernement, le patronat (représenté par la Confédération générale des entreprises du Maroc, CGEM) et les syndicats, a donné naissance, samedi 30 avril 2022, à un accord social tripartite jugé très positif.

Celui-ci prévoit, principalement, une première augmentation du SMIG de 5% au 1er septembre 2022 avec un report d’application pour l’écosystème du tourisme. Il y aura une seconde augmentation de 5%. Quand? La réponse est dans la condition posée par le patronat. Il s’agit, en l’occurrence, du respect de deux engagements: promulgation de la loi sur le droit de grève au 1er janvier 2023 et amendement du Code du Travail au 1er juillet 2023, à travers l’adoption d’un texte de loi prenant en considération les attentes du secteur privé. Pourquoi pas? Mais le diable, dit-on, est dans les détails.

Juste après la signature de l’accord, Chakib Alj, le patron des patrons, affirme, non sans fierté, que l’accord est “équilibré” et “ouvre une nouvelle page dans le dialogue social”. Enthousiaste, il glisse un mot -pas n’importe lequel!- au sujet des attentes du patronat: “la flexibilité responsable”. C’est le noeud de ce qui est présenté comme un succès. Depuis plusieurs années, la CGEM appelle à adopter la flexibilité responsable en exigeant que dans la procédure de licenciement, par exemple, une simple audition du salarié par l’inspecteur du travail soit suffisante et que l’entreprise ne s’engage ni dans un CDI (contrat à durée indéterminée) ou un CDD (contrat à durée déterminée).

Or, la flexibilité revient, tout bonnement, à licencier, quand on veut et comme on veut en octroyant aussi l’indemnité qu’on veut. La formule est empruntée aux ténors de la centrale syndicale la plus représentative, l’Union Marocaine du Travail (UMT).

En la ressuscitant, son secrétaire général, Miloudi Moukharik, assure que, pour l’UMT, l’accord du 30 avril n’inclut aucunement la question de la flexibilité du travail. Il confie que la CGEM défend, mordicus, ce concept mais rassure que son syndicat s’y opposera fermement. “Les négociations à venir sur les amendements à apporter au Code du travail détermineront tout cela, mais l’UMT défendra, le moment venu, la stabilité de l’emploi et sa garantie”, éclaire-t-il.

Que doit-on comprendre? La CGEM médiatise la “flexibilité responsable” comme un acquis en voulant forcer la main aux syndicats. Elle conditionne la deuxième augmentation du SMIG par l’acceptation de la flexibilité responsable. Elle joue un jeu dangereux. C’est très grave car si jamais elle passe, cette flexibilité signera l’arrêt de mort des syndicats et la fin d’un héritage légué à travers des générations de leaders syndicaux.

Elle entraînera des manifestations dans la rue, menaçant ainsi la stabilité sociale du pays. Dans toute démocratie, les syndicats constituent une véritable soupape. Encore plus chez nous, par les temps de crise économique et sociale que traverse le pays.

En défendant les intérêts des salariés, nos syndicats contribuent au maintien de cette nécessaire et incontournable paix sociale, tout en préservant la pérennité de l’entreprise. Leur engagement citoyen vise à trouver le juste équilibre. Le patronat doit, plus que jamais, en prendre conscience.

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