LES DÉFIS DE M. EL OTHMANI

Installation du gouvernement remanié

Le reformatage de ce cabinet a été plutôt laborieux, il est vrai, étiré sur plus de 70 jours. Ce processus, M. El Othmani a pu le mener à bon terme.

On prête à S.M. le Roi, après la nomination du gouvernement El Othmani, le 5 avril 2017, cette ultime recommandation: «Au travail!» Difficile de plaider que ce cabinet a pu –ou su– être à la hauteur de la tâche. L’on serait tenté de croire que cette fois-ci le Souverain sera sans doute plus directif –il y a tant à faire … L’idée qui avait prévalu durant les deux ans et demi était celle-ci: la poursuite des réformes, à marche forcée.

Force est de faire ce constat: de «nouvelles compétences» s’imposent tant au sein du gouvernement que dans la haute administration ainsi que dans le secteur public. Pour l’heure, tout s’est pratiquement polarisé autour des portefeuilles ministériels; l’autre volet, lui, ne paraît susciter aucun intérêt.

Le gouvernement désormais remanié a une obligation de résultats. Il doit réussir. Coûte que coûte! Le crédo qui a présidé à ce changement a trait au fait que des ministres devaient être remplacés –on n’ose pas dire remerciés, ce serait du persiflage. Mais les nouveaux profils nommés vont-ils dès le départ peser sur l’action du cabinet? Ils bénéficient de plusieurs atouts: une compétence validée; pas de motivation carriériste, partisane ou électoraliste; un esprit managérial tourné vers la performance et l’efficience. Pareil état d’esprit va-t-il aider à promouvoir une gouvernance pouvant imprégner et déborder sur leurs collègues reconduits aujourd’hui? On peut le croire et souhaiter une nouvelle culture d’entreprise au sein du cabinet.

Toujours est-il que le Chef du gouvernement a la lattitude de se hisser au niveau de la fonction d’impulsion, de coordination, d’incarnation et, le cas échéant, d’arbitrage que lui confie la Constitution de 2011. Il aura, en même temps, à gérer et à faire face à de multiples contraintes. Resserrer les rangs au sein de son parti, le PJD, qui va devoir traiter la nouvelle situation créée par le changement. Conforter aussi la majorité, qui en a bien besoin. Enfin, accélérer le rythme des réformes en instance tout en engageant d’autres, incontournables.

Le reformatage de ce cabinet a été plutôt laborieux, il est vrai, étiré sur plus de 70 jours, depuis le discours du Trône. Ce processus, M. El Othmani a pu le mener à bon terme. Ses propositions ont fini par être agréées par S.M. le Roi. Il peut en tirer quelque crédit et se prévaloir d’atouts supplémentaires lui donnant une seconde chance pour un nouvel élan.

Sa marge de manoeuvre -et de décision?- peut en profiter et même s’élargir. Enfin, il a de nouveau le soutien royal pour donner forme et contenu aux réformes devant être conduites pour le second mi-mandat. Voilà en effet un cabinet mixte avec des ministres en fonction et d’autres qui viennent d’être nommés pour un mandat s’étirant jusqu’à la fin de la présente législature en 2021. Dans les jours qui suivent, le projet de loi de finances pour 2020 sera présenté au Parlement le 18 octobre.

Dans leurs secteurs respectifs, les nouveaux ministres vont devoir défendre au sein des commissions parlementaires des budgets sectoriels déjà arrêtés. Ils ne pourront imprimer leurs marques que lors de la préparation de la loi de finances 2021. Une année électorale qui ne pousse ni à l’audace, ni à l’engagement de réformes pouvant présenter un coût politique par trop élevé, mâtiné même d’impopularité. Mais il y a plus. Référence est faite au travail que doit réaliser la commission spécialisée sur le modèle de développement, dont l’installation est imminente. Elle va prioriser les politiques publiques, les décliner sur des étapes et des séquences, prévoir une réallocation des ressources budgétaires, enfin recadrer la politique du gouvernement.

Le gouvernement Othmani acte 2 va certes bénéficier au départ d’un crédit. Sa composition étant validée par le Roi, il dispose ainsi d’un pré-requis. Mais ce n’est qu’un capital fongible; il doit être consolidé par ce que ce cabinet fera en donnant des signes forts d’une mobilisation en faveur d’une feuille de route visible, lisible et crédible avec un large soutien politique. Plusieurs fronts, donc; un grand challenge.

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