Le déconfinement et les politiques publiques

FAUX DÉBATS ET PISTES

Le volontarisme réformateur est du côté du Méchouar; il commande seulement que les décideurs publics en responsabilité s’imprègnent bien de l’efficience de leurs politiques sectorielles.

On prête au général de Gaulle cette formule: «La politique de la France ne se fait pas dans les salles de rédaction...». Une manière souveraine et abrupte de recadrer les choses. Au Maroc, l’on serait tenté de la reprendre pour mettre en cause les réseaux sociaux. Chacun d’entre eux se distingue par des pronostics et, plus encore pour certains, par des formules politiques de nature à faire face à la situation actuelle.

Certains prônent, pratiquement de manière directive, une sorte de moratoire institutionnel de deux ans en lieu et place du cabinet dirigé par Saâd Eddine El Othmani. D’autres avancent l’idée d’un cabinet de technocrates; sans oublier les tenants d’une équation dite «démocratique» mettant à bas les institutions en place pour leur substituer l’on ne sait trop quoi. Pareil débat n’est pas irrecevable par principe. Mais il pèche par ses propositions irréalistes, tournant le dos à des contraintes politiques et institutionnelles qui, elles, pèsent de tout leur poids sur dans le champ national.

Sur le papier, bien entendu, tout est envisageable et même possible. Mais quelle peut être la faisabilité des formules précitées? Changer de Chef de gouvernement? Cette hypothèse ne fait que cumuler les inconvénients. A quoi cela rimerait-il finalement puisque l’on s’installerait dans une conjoncture qui ne s’y prête aucunement; cela demanderait deux mois au mois pour désigner son successeur compte tenu des délais de formation d’une majorité, de la préparation d’un «nouveau» programme gouvernemental et de l’investiture requise par la Chambre des représentants. Durant cet intervalle, il n’y aurait plus que de l’expédition d’affaires courantes.

Peut-on se permettre une telle situation? De plus, que ferait de bien différent un tel cabinet? C’est qu’en effet le travail gouvernemental actuel, tel qu’il se décline et s’accentue même depuis deux mois, traduit une forte inflexion des politiques publiques. Un glissement significatif et probablement durable s’est en effet opéré avec le Comité de veille économique (CVE), piloté notamment par le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Benchaâboun. Cet organe ad hoc a pris en mains les mesures anti- crise ainsi que celles devant accompagner et soutenir une politique de relance. Le cafouillage observé entre le Chef du gouvernement et ce ministre, à propos du processus de déconfinement, atteste bien que c’est l’argentier du Royaume qui a la main...

La lutte contre la propagation de la pandémie du Covid-19 est en train de porter ses fruits. L’état d’urgence sanitaire déclaré le 20 mars 2020 est prolongé jusqu’au 10 juin avec le maintien de diverses mesures de prévention.

Les technocrates? Ne sont-ils pas déjà à la barre en les personnes de Mohamed Benchaâboun, Abdelouafi Laftit, Moulay Hafid Elalamy, Saïd Amzazi? Faut-il changer d’équipage dans la tempête? De même que cette proposition, véhiculée notamment par Driss Lachgar, Premier secrétaire de I’USFP, demandant la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale. Elle avait été également avancée, voici quelques mois encore, par Nizar Baraka, dirigeant du Parti de l’istiqlal, lequel s’est depuis ravisé. A juste titre, il n’a pas manqué de relever, dernièrement, que cette formule n’était plus plaidable dans la mesure où c’est le Roi qui porte et incarne les réformes et les changements à l’ordre du jour. Durant cette crise, n’est-ce pas en effet le Souverain qui a été réactif dès les premiers jours; qui a impulsé tant de mesures du CVE; et qui depuis l’installation de ce gouvernement en avril 2017, a décidé toutes les inflexions apportées aux politiques publiques (régionalisation, préscolaire, éducation, formation, déconcentration) alors que l’attentisme était la marque de ce cabinet?

Le volontarisme réformateur est du côté du Méchouar; il commande seulement que les décideurs publics en responsabilité s’imprègnent bien de l’efficience de leurs politiques sectorielles et de la contrainte qui pèse sur eux: celle d’une obligation de résultats. Les temps à venir? Difficiles! La récession économique est là avec pas moins de 40 milliards de dirhams de recettes en moins pour l’Etat en 2020. La période post-confinement va aggraver les déficits. L’endettement va s’envoler. Il n’y a pas d’autre option sur la table. Le plus préoccupant regarde aussi les réserves de change qu’il faudra conforter; il y a eu déjà les 3 milliards de dollars de la Ligne de précaution et de liquidité du FMI; il est prévu une seconde facilité de même montant auprès de cette institution internationale; la sortie sur le marché international des capitaux est également sur la table avec la levée d’un milliard d’euros.

Est-ce suffisant pour boucler l’exercice 2020 et se préparer à celui à venir de 2021? Une contrainte majeure qui n’est d’ailleurs pas propre au Maroc. Une forte épreuve, un choc, où les faux débats n’ont pas leur place...

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