Décès du militant Algérien des droits de l'homme, Ali Yahia Abdennour, 100 ans

L'homme qui pouvait dire non aux généraux

Combattant, député et ministre, Yahia Abdennour a été, après l’indépendance, pendant cinquante ans, de tous les combats pour la démocratie en Algérie.

C’est un parcours original. Hors du commun que celui de Ali Yahia Abdennour. Ce militant des droits humains en Algérie et dans le monde arabe, décédé dimanche 25 avril 2021, chez lui à Alger, trois mois après avoir fêté, le 18 janvier, ses cent ans, aura marqué de son empreinte le paysage politique et associatif maghrébin.

Né en Kabylie en 1921, il a d’abord été instituteur à Tizi Ouzzou. Mobilisé en pleine Deuxième Guerre mondiale, il est envoyé au Maroc pour une instruction dans les blindés. Il rentre en Algérie peu de temps après le massacre de Sétif, le 8 mai 1945, où l’armée coloniale française avait tué des milliers d’Algériens. Cela été le point de départ du long parcours militant de M. Abdennour.

Il s’engage aussitôt dans le Parti du peuple algérien (PPA), qui deviendra le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), fondé par Messali Haj. L’un des premiers à avoir appelé à l’indépendance de l’Algérie mais dans un cadre pacifique. Quelques années plus tard, M. Abdennour quitte le parti. Mais pas l’action politique. Il rejoint en 1955, moins d’un an après le déclenchement de la guerre de libération, le FLN (Front de libération nationale).

Arrêté en janvier 1957, il est d’abord interné dans des camps, avant d’être expulsé d’Algérie en novembre 1960 vers la France. Il parvient à quitter l’Hexagone pour rejoindre la Tunisie, où il deviendra le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA).

Opposant N°1
A l’indépendance de l’Algérie, en 1962, il est député de Tizi Ouzou à l’Assemblée constituante de 1962. Il claque la porte et rejoint pour quelque temps le Front des forces socialistes (FFS) et son fondateur contestataire Hocine Aït Ahmed. Après le coup d’Etat du colonel Houari Boumédiène, le 19 juin 1965, M. Abdennour est nommé ministre des travaux publics et des transports, puis ministre de l’agriculture et de la réforme agraire en 1966.

Il quitte en 1967 le champ politique. Cette année, M. Abdennour commence une formation de juriste et devient avocat au terme de ses études. Il crée la Ligue algérienne des droits de l’Homme. Au fil des temps, il est devenu, pratiquement, l’opposant numéro 1 du régime.

Il était opposé à l’arrêt du processus électoral qui a vu les Islamistes rafler la mise en 1991, il défend les Islamistes du FIS dans les années 90 et 2000, et était l’artisan du “contrat national” signé par une partie de l’opposition algérienne à Rome, chez la communauté catholique de Sant’Egidio, en 1995. Un contrat qui n’a servi à rien sauf à lever le voile sur l’impopularité et l’illégitimité du pouvoir algérien. Il sera de tous les combats pour la démocratie en Algérie et il est la première personnalité algérienne à avoir soutenu le Hirak, en février 2019.

Reconnu sur la scène arabe et internationale, il avait de solides amitiés avec les dirigeants la gauche marocaine, notamment de l’USFP, Abderrahmane Youssoufi ou Abdelaziz Bennani, ancien président de l’OMDH, entre autres. Yahia Abdennour est mort la tête haute, gardant toute sa verve, son engagement et son attachement aux justes causes.

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