Monsieur le Président, Je voudrais d’abord te transmettre mes chaleureuses salutations et te dire ensuite et en toute honnêteté que j’ai hésité longtemps avant de t’adresser cet écrit. Le risque qu’on puisse m’accuser d’exercer une sorte de magistère pour apprécier certains comportements m’a effectivement effleuré mais ne m’a pas finalement découragé. Tu connais parfaitement les sentiments d’amitié et de considération que j’ai toujours portés à ta personne. Certes, je ne partage pas tes idées et tes analyses politiques mais je respecte l’homme que tu es et ta détermination et ton obstination à défendre tes convictions même quand elles sont controversées. En plus, j’ai toujours supposé et j’espère avoir raison, que nous partageons tous les deux quelques constantes immuables qui font de nous des patriotes viscéralement attachés aux fondamentaux de la nation et notamment de son système monarchique ainsi que la sauvegarde de notre unité nationale et l’intégrité de notre territoire autour de notre Souverain.
Je conçois que les luttes et les compétitions politiques sont nécessaires et utiles pour l’épanouissement de notre démocratie émergente mais elles ne doivent pas occulter notre engagement constant à préserver les ambitions légitimes du Maroc destinées à intensifier ses efforts de développement dynamique et à défier tous les envieux et les irréductibles qui cherchent à saper son image et son rayonnement. C’est pour cela que je reste perplexe et franchement troublé devant certaines de tes sorties médiatiques quand il s’agit de juger le rendement et les initiatives de ceux qui sont chargés aujourd’hui de la gestion des affaires publiques. Ton statut d’ancien chef du gouvernement, ayant toi-même connu d’énormes difficultés pour remplir ta mission dans des conditions convenables, devrait en principe et en toute logique te conduire à une certaine retenue.
Homme de bon sens, conscient sans doute des enjeux stratégiques qu’incarne désormais la place du Maroc dans le monde et mesurant l’impact et le poids des mots, tu es de surcroit une sorte de boussole et certainement une référence pour les militants de ta structure politique qui aspirent à un encadrement et à une école politique de formation conformes aux valeurs de leur communauté organique qui se nourrissent et s’abreuvent aux sources de la modération, de la tolérance, du juste milieu et de la solidarité. Qu’un marginal du coin de la rue, sans ressorts éducatifs, se permette d’employer des termes du genre voleur, corrompu et d’autres expressions du même ordre, peut, à la limite, se comprendre même si cela dégage des odeurs de caniveau. Mais M. Benkirane est un ancien chef du gouvernement, un responsable public reconnu et un dirigeant de parti dont les interventions sont passées à la loupe non seulement au Maroc mais également et surtout dans les chancelleries internationales.
Le débat politique, même quand il est frontal, peut être tolérable mais il doit répondre à des règles déontologiques précises pour éviter des dérapages inutiles et gratuits. Quand le chef du gouvernement actuel a été chargé par S.M le Roi pour le représenter aux jeux olympiques à Paris où il a été reçu par le chef de l’Etat français ou à Pékin au forum Chine Afrique ou en Arabie Saoudite ou ailleurs dans le monde, j’ai ressenti comme une sorte de fausse note, une dérive même, ce boulet d’invectives et de mises à l’index qui l’ont accompagné parce qu’elles sont avilissantes et gravement attentatoires et dommageables non pas seulement pour la personne en elle-même mais surtout pour le pays qui n’a pas besoin d’être écorné abusivement en ces moments décisifs où la cohésion nationale et les sacrifices de tous les fils de la nation sont plus que jamais requis pour contrer toutes les offensives obscures et néfastes de nos adversaires et ennemis.
Dans ce registre, je voudrais te rappeler un épisode que j’avais vécu avec toi au Parlement quand tu étais chef du gouvernement. Lors d’une séance plénière, M. Hamid Chabat, alors parlementaire et secrétaire général du parti de l’Istiqlal était monté à la tribune et t’avait honteusement accusé d’être un agent du Mossad israélien. Une colère sourde avait alors envahi toutes les travées de l’hémicycle et la condamnation des propos de Chabat était unanime parce qu’il avait franchi toutes les lignes rouges et s’était couvert de ridicule à cause de cette envolée pitoyable et misérable.
Ce sont des écarts de ce genre, inadmissibles et inacceptables, qu’il faut toujours fustiger et s’efforcer de proscrire à jamais de notre paysage politique pour garder à l’exception marocaine, à la brillante histoire du Maroc et à sa vieille et prestigieuse civilisation leur véritable expression et leur réelle dimension. Avec mes sentiments distingués et ma considération.