DE LA PAROLE À L'ACTE

Mohamed Selhami

Au delà des personnes, les mesures prises par S.M. le Roi concernent la gestion de la chose publique. C’est-à-dire notre quotidien.

La nouvelle était dans l’air. Il fallait juste qu’elle se produise et s’officialise. Il n’y a donc pas de véritable surprise à part le fait qu’elle ait effectivement eu lieu mardi 24 octobre 2017. C’est à ce niveau de passage de la parole à l’acte qu’on a du mal à intégrer une décision politique aussi majeure, peut-être même décisive et revivifiante pour la vie politique nationale.

Quatre ministres en poste sont limogés et cinq autres qui ont été ministres sont définitivement interdits de responsabilités, un peu comme s’ils étaient radiés de la fonction publique. En plus, quatorze hauts fonctionnaires sont suspendus en attendant d’être entendus sur les manquements professionnels qui leur sont reprochés. Ces mesures ne sont pas tombées sans préavis. Elles sont dans la suite logique et implacable de l’annonce faite par S.M. le Roi, le vendredi 13 octobre 2017, lors du discours d’ouverture de l’actuelle session parlementaire. Le Souverain avait parlé de mesures draconiennes qui seront incessamment prises. Même si cela devait produire «un séisme politique et social». Pour le politique, on est largement fixé; pour le social, il faut juste s’armer de patience, mais on devine aisément qu’un réalisme consensuel finira par l’emporter.

Une donnée transversale traverse pratiquement l’ensemble des responsables concernés par les décisions de limogeage ou de mise à l’écart définitive. Ils sont directement accusés de ne pas avoir honoré leurs engagements dans la mise en oeuvre des projets adoptés. Voilà un reproche qui a valeur de chef d’accusation et qui prend acte d’une responsabilité devenue paradoxalement caduque au moment où il fallait qu’elle s’exerce à plein temps et à plein régime. Un exemple illustratif est à raison relevé par le communiqué royal: «la commission centrale de suivi, composée de responsables, ne s’est réunie qu’en février 2017, soit 16 mois après la signature de la convention ». Il s’agit à cet effet du méga-projet multidimensionnel nommé “Al Hoceima Manarat Al Moutawassit”. Lorsqu’on sait que Al Hoceima a été le théâtre d’affrontements très durs, à caractère social qui prenaient parfois une tournure politique, on est enclin à juger criminelle la gestion irresponsable de ce projet. Le constat est édifiant pour tout ce qui concerne le fonctionnement des institutions locales et régionales sur toute l’étendue de la hiérarchie représentative et administrative. Il n’est pas exclu qu’à l’avenir, la prise de fonction, à ces niveaux de gestion de la chose publique, soit accompagnée d’un cahier de charges et d’engagement concret, un peu plus précis que la déclaration de politique générale du chef de gouvernement.

Une fois dépassés l’émotion et le choc du moment, s’il y a une donnée à retenir, c’est que rien ne devrait plus jamais être comme auparavant. Il y aura, en principe, un avant et un après. Le mardi 24 octobre non seulement fera date mais il sera appelé à faire rupture avec l’avant. La responsabilité sera organiquement liée à la reddition des comptes, selon le plan établi par le nouveau preneur en charge de la fonction disponible. Ce n’est pas un réglage au chronomètre, mais un ordre de grandeur dans le temps. Le fait est qu’on ne sera plus impunément responsable, dispensé de tout contrôle.

L’impunité, nous y voilà, car impossible à contourner. Elle ne sera plus de mise parce qu’elle n’est plus admise par la collectivité nationale. Entre l’impunité et ses multiples variantes lexicales, corruption, malversation, prévarication et autres détournements, il n’y a qu’un pas qu’il faut franchir. L’amalgame est permis, puisque la finalité est la même. Par rapport aux nouveaux riches des milieux interlopes, il y a comme un double sentiment de rejet et d’admiration. Les plus sains d’esprit et de comportement sont très regardants.

Si un dirham tombe dans l’escarcelle publique, les jeunes et les moins jeunes veulent leur part en termes de centres de santé, d’écoles, d’habitat et surtout de travail pour devenir eux-mêmes producteurs de richesse. Sans vouloir jouer les ministères publics de circonstance, il est évident que le manque ou l’absence d’action engendre un divorce entre le public et la chose publique. C’est précisément l’objet des mesures prises par S.M. le Roi, lesquelles, au delà des personnes, concernent la gestion de la chose publique. C’est-à-dire notre quotidien.

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