Les scènes de violences et de barbaries sont étranges de la culture marocaine traditionnelle où l’animal partage avec l’homme le privilège d’une coexistence qui puise ses racines dans l’histoire, la religion et la culture.
Il y a quelques jours, la ville de Kelaat Sraghna a été le théâtre d’une de ces tragédies silencieuses mais indicatives de l’égarement de notre société. Un individu, qu’on peut à peine qualifier d’humain, a commis l’indicible. Ayant trouvé un âne broutant innocemment les herbes de sa parcelle agricole, il a pris un fauchon et, dans un accès de colère dénué de toute humanité, a tranché les jambes de l’animal. Un acte qui dévoile une facette sombre de notre humanité, révélant une carence flagrante d’empathie et de respect pour le vivant.
Cette cruelle agression survient à peine quelques jours après qu’un autre homme, âgé de soixante ans, dans les environs d’Azemmour, a cruellement crevé les yeux d’une ânesse à l’aide d’un outil tranchant. Un acte effroyable qui a causé de graves blessures à l’animal, la laissant dans une agonie prolongée et la privant irréversiblement de la vue. Pire encore, des photos ont été prises et partagées largement sur les réseaux sociaux de cette pauvre ânesse.
Ces épisodes terrifiants ont suscité une vague d’indignation parmi les défenseurs des droits des animaux qui exigent, à juste titre, l’arrestation et la sanction des coupables. Le propriétaire de l’âne mutilé à Kelaat Sraghna s’est plaint auprès des forces de l’ordre locales, qui ont rapidement saisi le parquet. De leur côté, l’Association marocaine pour la protection des animaux et le « foyer Jarjir », ont déposé une plainte urgente auprès du procureur du tribunal de première instance d’Azemmour, concernant le cas de l’ânesse aveuglée.
Ces deux accidents ne sont plus les seuls. On a tous déjà croisé dans la rue un chat aveuglé, des enfants qui torturent un chien…. Ces scènes de violences et de barbaries sont étranges de la culture marocaine traditionnelle où l’animal partage avec l’homme le privilège d’une coexistence qui puise ses racines dans l’histoire, la religion et la culture. Un lien ancestral, profond et indissoluble, qui jette un pont entre la symbolique et le pragmatique, le divin et l’humain. Jadis, chaque ville, avait son propre « Foundouk », où les animaux, ânes, mulets etc… qui participaient activement dans le cours de la vie économique, étaient accueillis, logés, nourris et soignés.
La ville de Fes, à titre d’exemple, garde toujours son « Foundouk américain », construit en 1929, où plus de 15.000 animaux sont soignés annuellement. D’ailleurs, en Islam, la bienveillance envers les animaux se présente comme un impératif moral, un devoir envers la créature divine, «Il n’y a point de bête sur la terre ni d’oiseau volant de ses deux ailes qui ne forme des communautés semblables à vous» lit-on sur le Coran. La notion de cruauté est ainsi totalement incompatible avec les préceptes religieux, qui prônent une approche douce et respectueuse envers chaque créature, sans exception.
D’ailleurs, l’art et l’artisanat marocain sont également un témoignage éloquent de cette liaison privilégiée. Les tapis berbères, les tatouages anciens des femmes, la poterie…. sont toujours parsemés de motifs animaliers, de l’araignée, symbole de patience et de vie laborieuse, à la salamandre, emblème de croissance et de régénération. Ces représentations ne sont pas le fruit du hasard, elles dévoilent une philosophie, une vision du monde où chaque créature a sa place, son rôle et son symbolisme.
En plus, dans la littérature orale marocaine, les animaux, à travers contes et proverbes, symbolisent souvent la sagesse et transmettent des valeurs fortes comme la vie, l’amour et le courage. Et c’est là que réside l’importance de l’éducation des futures générations, dans les écoles, les espaces publics, les médias… sur le respect des animaux. Leur inculquer ces valeurs, c’est leur transmettre notre héritage millénaire, un pacte sacré entre l’homme et l’animal, une leçon de compassion, d’empathie et de respect. C’est construire une société où chaque vie compte, où chaque être, qu’il marche sur deux ou quatre pattes, a le droit à la dignité et à la bienveillance.