Décès de l’éditeur Abdelkader Retnani, 78 ans

Décès de Abdelkader Retnani : À la croisée du livre et du ballon rond


Le monde de l’édition est en deuil suite au décès d’Abdelkader Retnani, un fervent défenseur du livre au Maroc. Convaincu que les Marocains ont soif de culture, optimiste pour le futur grâce à la professionnalisation des éditeurs marocains, grand lecteur, le défunt s’évertuait à faire bouger les lignes.

Une grande figure du monde du livre et de l’édition au Maroc s’en est allé. Patron de la maison d’édition “La Croisée des chemins”, Abdelkader Retnani a tiré sa révérence, mardi 14 novembre 2023 à l’aube, dans une clinique privée à Rabat des suites d’une longue maladie. “Malgré sa maladie, il n’a pas souffert. Il est parti sereinement, comme il a vécu”, témoigne ce membre de sa famille qui l’a accompagné pendant ses dernières heures, ajoutant que jusqu’à son dernier souffle, M. Retnani est resté engagé en faveur du livre. Durant son hospitalisation, il a préparé trois ouvrages. Inhumé au cimetière Errahma à Casablanca, ce fervent défenseur de l’édition laisse derrière lui trois enfants, tous actifs dans le domaine de la culture et de la création artistique.

Témoignages d’affection et de respect
Né le 31 juillet 1945 à Casablanca, Adelkader Retnani a oeuvré toute sa vie à la professionnalisation du monde de l’édition et au rayonnement de la culture au Maroc. À son actif, l’édition de quelque 1.800 romans et essais, et 200 beaux livres qui mettent la lumière sur l’Histoire du Maroc, ses paysages et son patrimoine si riche. Depuis l’annonce de sa mort, les témoignages d’affection et de respect pour cette grande figure de l’édition affluent. À son sujet, Hicham Abkari, actuellement directeur des arts au ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et qui l’a côtoyé depuis la création en avril 2017 de la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC), dont le défunt était vice-président, indique: “Nous avons travaillé sur plein de projets. Il avait toujours à coeur la culture et la promotion du livre et n’hésitait pas à chaque fois à monter au créneau pour défendre les écrivains et une meilleure politique culturelle ou critiquer l’action gouvernementale dans ce champ”. M. Abkari ajoute que ce n’est pas un hasard que M. Retnani soit le ténor de l’édition des beaux livres au Maroc, “ayant toujours eu un souci de la qualité du contenu et du contenant”.


Homme de terrain et inlassable entrepreneur, M. Retnani était aussi connu pour avoir un large réseau aussi bien au niveau national qu’international, dit de lui pour sa part, Youssouf Amine Elalamy, écrivain dont le premier livre, “Un Marocain à New York”, a été édité par le défunt dans sa première maison d’édition, Eddif. Créée en 1981, avec des amis, la maison marocaine de diffusion et de distribution de livres Eddif, dont il était le président, avait un bureau sur les Champs-Élysées à Paris ainsi que dans de nombreux pays en Afrique. En 1986, il édite un premier livre dans une imprimerie en Suisse: un essai écrit par un anthropologue marocain qui avait mené des recherches sur la confrérie des Regraga de Retnana, dont il est originaire. Par la suite, il édite au sein d’Eddif, “Au-delà de toute pudeur”, de son amie Soumaya Naamane Guessous, qui a actuellement dépassé sa 11e réédition. Dans les années 1990-2000, il se consacre exclusivement à l’édition, en rachetant en 1993 une jeune maison d’édition, La Croisée des chemins, dont il aimait le nom, lui dont la ligne éditoriale était de choisir des sujets qui ont la capacité à faire bouger la société marocaine.

Premiers faits d’armes
Convaincu que les Marocains ont soif de culture, optimiste pour le futur, grâce à la professionnalisation des éditeurs marocains, grand lecteur (il lui arrivait régulièrement d’avoir un coup de coeur pour un livre à éditer), M. Retnani s’évertuait à joindre l’action à la parole. Et pour ce faire, il avait plusieurs cordes à son arc: une politique commerciale dynamique, une proximité avec les acteurs du monde de l’édition, décideurs, librairies, écrivains et même journalistes auxquels il n’hésitait pas à répondre au téléphone pour leur envoyer ses dernières parutions. Il avait également coutume d’organiser et de participer à différents salons internationaux. Président-fondateur de l’Association marocaine des professionnels du livre (AMPL) et vice-président de la FICC, M. Retnani a été en parallèle de cela, consultant de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie de 1990 à 2005, pour la zone Afrique notamment, et également auprès de l’UNESCO.

Enrichir la scène culturelle
Son amour pour le livre n’avait d’égal que la passion qu’il vouait au Raja de Casablanca. Ancien dirigeant des Verts (1985-1989), il a été, notamment, le président de la section Raja natation et celui de la section de football, et reste surtout comme celui qui a remporté avec le club son premier titre du Maroc, en 1988, et sa première Ligue des champions africaine, en 1989. En 1993, il avait été décoré par feu le roi Hassan II du Wissam alaouite, et il a également été nommé, le 18 juin 2013, Officier de la légion d’honneur par la République française.

Dans un message de condoléances, le roi Mohammed VI a souligné les qualités de M. Retnani, son patriotisme et son attachement fort à enrichir la scène culturelle nationale, en supervisant l’édition et la parution de plusieurs ouvrages et encyclopédies de haute facture, particulièrement ceux en relation avec le patrimoine national et la civilisation marocaine, outre sa contribution à la promotion de la pratique du football, en tant que l’un des dirigeants et directeurs de clubs pionniers. “Kader”, comme se plaisent à l’appeler ses proches, a ainsi eu une vie pleine à la hauteur de son ambition pour son pays. Vivement la relève!.

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