Au moment où la mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour l’emploi se fait de plus en plus attendre, le Gouvernement n’a, jusqu’ici, trouvé mieux que d’adopter, au cours de son Conseil réuni le mercredi 23 septembre 2015, un projet de décret portant création d’une Commission interministérielle de l’emploi. Présenté par Abdeslam Seddiki, ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, ce projet de décret intervient en application de la décision du Conseil de gouvernement réuni le 2 juillet 2015, concernant la création «d’une Commission interministérielle de l’emploi».
Cette instance, qui sera présidée par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, aura pour mission de déterminer les orientations générales des politiques d’emploi et de suivre leur mise en oeuvre, ainsi que d’affiner les mesures pratiques pour la promotion de l’emploi, de promouvoir les opportunités d’emploi et d’améliorer les programmes actifs de l’emploi (PAE). Cette Commission sera chargée, notamment, de veiller au respect des orientations et des objectifs principaux de la Stratégie nationale de l’emploi (SNE).
La qualité de la croissance
Rappelons que cette SNE, nous dit-on, vise non seulement à «promouvoir le travail décent à travers la réalisation d’une croissance riche en termes de postes d’emploi productif et de qualité», mais aussi, «d’augmenter la participation des jeunes et des femmes au marché de l’emploi et d’améliorer l’égalité d’accès aux postes d’emploi, ainsi que de réduire les disparités territoriales dans le domaine de l’emploi».
Tout un programme dont on ne voit pas encore la mise en pratique. Ceci à un moment où la qualité de la croissance économique dans notre pays laisse à désirer et au moment où certains observateurs des plus avertis s’accordent à dire que les politiques de l’emploi suivies jusqu’à aujourd’hui n’ont pas réussi à apporter les réponses adéquates pour faire face au défi du chômage et du sous-emploi, aussi bien urbain que rural.
En effet, malgré la performance de 12% du PIB agricole au premier trimestre 2015 par rapport à la même période en 2014 (moins 1,6%), Abdellatif Jouahri, Wali de la Banque centrale, s’inquiète de la qualité de cette croissance. Malgré une campagne céréalière record, les experts de Bank Al Maghrib nous disent que «le secteur primaire a créé quatre fois moins d’emplois sur les trois premiers mois de 2015, comparé à l’année dernière. D’avril à juin, l’agriculture a même enregistré 58.000 pertes d’emplois, contre seulement 7.000 une année plus tôt». De plus, et contrairement à l’accoutumée, la capacité du secteur agricole à tirer les autres activités vers le haut s’est beaucoup amoindrie, constatent les mêmes analystes. «Ce sont des phénomènes nouveaux qui méritent une analyse plus approfondie pour en connaître les causes», nota Abdellatif Jouahri.
Côté politiques de l’emploi poursuivies par les différents gouvernements qui se sont succédé, le bilan est plus que mitigé. Ainsi, dans le cadre de ce qu’on a qualifié de “politiques actives de l’emploi” mises en oeuvre, notamment, dès l’année 2006 et poursuivies jusqu’à 2012, ni le programme Idmaj (Insertion) , ni le programme Taehil (Qualification) et encore moins le programme Moukawalati (Mon entreprise) n’ont eu d’impact significatif sur les populations ciblées.
Échec des “politiques actives”
Rappelons que le programme Idmaj était destiné à permettre aux stagiaires bénéficiaires d’acquérir une formation complémentaire dans les lieux de travail de nature à faciliter leur insertion dans la vie active. Le programme Taehil, lancé en janvier 2007, consistait, quant à lui, en l’amélioration de l’employabilité des demandeurs d’emploi par l’acquisition des compétences professionnelles pour occuper des postes d’emploi dûment identifiés ou potentiels.
Enfin, malgré le grand espoir qui a été mis sur le programme Moukawalati, ce dernier a plus que déçu. Ne se donnait-il pas l’ambitieux objectif d’assurer la pérennité progressive du tissu économique régional par la création et l’accompagnement de 10.000 entreprises à l’horizon 2012? Mais, lorsqu’on a fait le bilan, le programme est arrivé à peine à faire démarrer 1.005 entreprises sur 13.195 jeunes demandeurs d’emplois diplômés présélectionnés, âgés entre 20 et 45 ans, tous porteurs de projets dont le montant d’investissement ne dépassait pas 250.000 dirhams. Soit un taux d’échec de 90%. On ne peut donc compter sur ces programmes pour réduire le taux de chômage urbain, notamment celui qui touche les jeunes diplômés. L’échec de ces programmes a poussé le gouvernement actuel à les revoir.
Atténuer la souffrance
En attendant de trouver des réponses adéquates au problème du chômage urbain et du sous-emploi rural, les pouvoirs publics se sont contentés de mettre en place une Indemnité pour perte d’emploi (IPE). Histoire d’atténuer quelque peu, comme le disait Mohamed Boussaïd, ministre de l’Économie et des Finances, la souffrance de ceux qui sont en activité mais qui ont perdu de manière involontaire leur emploi. Il ne s’agit donc pas d’une assurance chômage, mais simplement de prestations accordées aux salariés qui ont perdu de manière involontaire leur emploi et qui sont en recherche active d’un nouvel emploi. Les intéressés reçoivent un minimum de revenu appelé Indemnité pour perte d’emploi (IPE), et ce pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois. Cette indemnité constitue l’un des mécanismes mis en oeuvre pour accompagner les bénéficiaires à réintégrer de nouveau le marché du travail.
En effet, depuis son entrée en vigueur jusqu’au terme du mois d’août 2015, ce dispositif, piloté par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), relatif à l’indemnité pour perte d’emploi, a permis de traiter 12.000 demandes, dont 5.000 dossiers ont été liquidés et payés pour un montant de près de 50 millions de dirhams. Au-delà de l’indemnité pécuniaire, l’IPE permet au salarié de bénéficier d’une formation qualifiante pour réintégrer le marché de l’emploi.