Des stocks de carburants bas, très bas !
Plus de raffinerie, plus de stocks stratégiques. La faillite de la Samir semble avoir des incidences beaucoup plus inquiétantes sur l’économie marocaine que l’on ne pensait. Depuis l’arrêt de son activité au début de l’été 2016, les stocks stratégiques, synonymes de réserves devant être constituées obligatoirement au vu de la loi, sont à un niveau très bas, et fort inquiétant. Ainsi, au niveau des produits pétroliers, les magistrats de la Cour des comptes, dans leur dernier rapport, constatent une insuffisance structurelle par rapport au niveau minimum prévu par la loi, qui est situé entre 75 et 60 jours de consommations. Les écarts sont plus significatifs concernant le gasoil et le butane. Pour le gasoil, les stocks disponibles, relevés à fin 2015, ne permettaient de couvrir, en moyenne, que 24,1 jours de consommation. Le supercarburant n’a qu’une autonomie ne dépassant pas les 34,8 jours. Les réserves de butane ne couvraient, de leur côté, que 27,5 jours de consommation...
Critique est la situation se rapportant au stock de fuel des distributeurs. Pourquoi? Tout bonnement, parce que ces derniers, souligne-t-on, disposent de réserves ne dépassant pas 5 jours de couverture. «Les stocks de fioul présentent la situation la plus critique avec des niveaux ne dépassant pas 5 jours de couverture», alors que «ce produit est utilisé essentiellement dans la production de l’énergie électrique et dans certaines industries», s’alarme la Cour des comptes.
Les stocks de carburant pour avions (Kérosène) ont atteint une couverture de 19 et 10 jours pour certains mois en 2015, «des niveaux critiques», à s’en référer au jugement de la Cour des comptes. Dans la loi, le raffineur doit maintenir un stock équivalent à 30 jours de ventes. Mais de quel raffineur parle-t-on? La seule et unique raffinerie du pays a fermé boutique.
Et comme un malheur n’arrive jamais seul, en plus du déficit de stock, la Cour des comptes constate un autre déficit, celui inhérent à l’espace de stockage, notamment pour le gasoil, estimé à 26 jours de capacité chez les distributeurs, 42 jours pour le butane et 56 jours pour le gasoil. De façon générale, «les stocks de sécurité des produits pétroliers sont marqués par une insuffisance structurelle par rapport au niveau prévu (...) de 60 jours», observe la Cour des comptes, avec des capacités de stockage actuellement trop limitées.
Une réglementation peu claire
Plus inquiétant encore, le suivi des stocks de médicaments est, quant à lui, difficile à quantifier du fait d’une réglementation peu adaptée, souligne la Cour des comptes. Les stocks de sécurité ont, depuis 2002, une réglementation propre qui fixe les réserves au quart du total des ventes au cours de l’année précédente pour les pharmacies et de 1/12 des ventes de l’année précédente pour les grossistes. Une réglementation qui complique le suivi des stocks des produits. L’aberration, c’est que les produits sanguins ne font pas partie des produits soumis aux obligations de stockage de sécurité. Ce qui justifie la pénurie chronique de sang au Maroc, avec tout ce que cela entraîne comme conséquences sanitaires.
Les magistrats de la Cour des comptes se sont également intéressés aux stocks de sécurité de produits alimentaires, notamment le blé tendre et le sucre, deux denrées de première nécessité parmi les plus demandées au Maroc. Pour le blé tendre, le stock moyen est de 14,9 MQx pour une consommation mensuelle moyenne de 4 MQx, ce qui offre une couverture de plus de 3,5 mois d’écrasement. Des réserves difficiles à contrôler. Pourquoi? Plusieurs raisons l’expliquent.
D’abord, il existe sur le marché 280 organismes stockeurs, 30 importateurs et 164 minoteries industrielles, dont une large frange utilise encore des process industriels traditionnels au moment où une frange moins étendue obéit dans ses process aux normes internationales.
Problèmes d’approvisionnement
Le constat de la Cour des comptes est sans appel: le stockage en magasins domine. Il représente 65% des capacités globales par rapport au stockage en silos. Or, ce qui inquiète les magistrats de cette Cour, c’est que les normes d’hygiène dans ces magasins ou hangars de stockage des céréales ne permettent pas un stockage dans les normes acceptées et empêchent leur traçabilité. Autre constat: Un peu plus de la moitié des importations du blé tendre passent par le port de Casablanca.
Concernant le sucre, et selon les magistrats, le mois d’avril enregistre systématiquement la plus faible réserve de l’année. Les enquêteurs de la Cour de comptes ont également pointé du doigt la forte dépendance du marché aux importations de sucre brut dans la production de sucre blanc, qui représentent près de 66% de la production. Le pire à craindre, c’est une forte exposition à de potentiels problèmes d’approvisionnement de ce produit sur le marché international, au cas où les fluctuations des cours internationaux atteignent des niveaux insoutenables.
La baisse générale de stockage de ces produits stratégiques pour le pays (carburants, médicaments, céréales et sucre) constitue donc une menace qui plane sur l’économie tel un spectre. La Cour des comptes incite les autorités compétentes à revoir le cadre légal des réserves de sécurité, jugé peu précis et peu sécurisant. «Il est urgent de rechercher d’autres alternatives (...) pour pallier cette problématique de stockage», conclut le rapport.