Le monde débute un déconfinement progressif. Cette phase est entamée avec le sentiment d’une certaine libération! L’espoir de retrouver des amis ou de se réunir avec la famille, évidemment prudemment, selon certaines conditions bien précises, de partir en vacances, à la plage, au camping, voire même de prendre un avion pour une destination rêvée nous anime. Mais voilà que les médias nous reviennent avec leur lot d’avertissements quotidiens d’un Covid 2.0, voire même d’un retour en série et à long terme avec toutes les crises que cela augure. Dans cette incertitude que nous vivons à l’échelle planétaire et avec tous les bouleversements engendrés à la maison, au travail, dans nos relations avec autrui, il est nécessaire d’être solidaires, engagés et de s’entraider. Maintenant, encore plus que jamais. Nous devons nous ouvrir plus que jamais sur les autres pour repenser notre mode de vie. En bref, collectivement, déconfinons d’abord et avant tout nos modes de pensée. Tous, ensemble, imaginons ce monde de demain que nous rêvons, que nous voulons léguer à nos enfants. Est-ce naïf ou utopique d’oser vouloir l’impossible? C’est toujours mieux et plus positif que de rester confinés ad-vitam aeternam dans ces évidences qui sont aujourd’hui largement dépassées, certaines totalement obsolètes !
La pandémie due à cette forme de coronavirus était-elle prévisible? Toutes les futurologies du siècle passé qui prédisaient l’avenir en transportant sur le futur les courants traversant le présent se sont avérées fausses et vides. Pourtant, des spécialistes de futurologie continuent à prédire, prédisant ce que sera 2025 et 2050 alors qu’on est incapable de comprendre ce que nous vivons en 2020. L’expérience des irruptions de l’imprévu dans l’Histoire n’a guère pénétré les prises de conscience des uns et des autres, sans compter les personnes qui ne se posent même pas la question. Or, l’arrivée d’un phénomène imprévisible était «vraisemblablement» prévisible, mais on ne se doutait pas de ce qu’il serait et quelle forme il prendrait. On ne peut que se répéter, comme les anciens: attends-toi à l’inattendu et que «toute catastrophe prévue peut être prévenue» (A. Bennaï).
De plus, quelques personnes, taxées de pessimistes, prévoyaient des catastrophes naissant les unes des autres, provoquées par le débridement incontrôlé de la mondialisation technique et économique, par la dégradation quasiment irréversible et en chaîne de la biosphère ainsi que la dégradation lente et irréversible des sociétés. Mais personne n’avait pensé et prévu ce qui est arrivé, nullement pensé à l’énorme catastrophe causée par un virus. Il y eut pourtant un annonciateur de cette catastrophe, Bill Gates, dans une conférence d’avril 2012, annonçant que le péril immédiat pour l’humanité n’était pas nucléaire, mais sanitaire. Gates avait perçu dans l’épidémie d’Ebola, qui avait pu, heureusement, être maîtrisée assez rapidement, l’annonce et la possibilité d’un danger à l’échelle planétaire d’un possible virus à fort pouvoir de contamination, il exposait les mesures de prévention nécessaires, dont un équipement hospitalier moderne, suffisant, adéquat.
Ce qui était frappant avec Ebola, c’était son extrême virulence et contagiosité. Mais, en dépit de ce qui était quasiment un avertissement à tous les publics, rien ne fut fait ni aux Etats-Unis, pays de Bill Gates, ni ailleurs dans le monde, comme si ces prédictions étaient quelque chose d’impossible et de délirant, le train-train de l’esprit et les habitudes ont horreur des messages qui les dérangent et les empêchent de tourner tranquillement. Dans beaucoup de pays, la stratégie économique des flux tendus, remplaçant celle du stockage, a laissé les dispositifs sanitaires dépourvus en masques, instruments de tests, appareils respiratoires; cela, joint à la doctrine libérale commercialisant l’hôpital et réduisant ses moyens, a contribué au cours catastrophique de l’épidémie. Le Maroc a offert un modèle unique de prévention immédiate et de capacités d’affronter le problème avec force; la fabrication de masques en très grandes quantités, par exemple, a dépassé les compétences des pays les plus industrialisés et c’est une leçon pour eux et pour l’avenir: prévenir, c’est guérir et la force capitaliste industrielle peut être dépassée par des plans judicieux, adéquats, immédiats… !
Cette crise a mis le monde entier à nu par un manque total de prévisions. Cette épidémie a apporté une grande série d’incertitudes. Nous ne sommes même pas sûrs de l’origine du virus, marché insalubre de Wuhan ou laboratoire voisin? Nous ne savons toujours pas les risques de mutations que subit ou pourrait subir le virus au cours de sa lente mais foudroyante propagation. Nous ne savons pas quand l’épidémie régressera, vraiment, et si le virus demeurera endémique, c’est-à-dire vivant en des personnes saines ou dans les populations de foyers géographiques qui peuvent ré-infester les autres pays quand les frontières seront ouvertes... Personne ne sait ou n’imagine jusqu’à quand, jusqu’à quel point le confinement nous fera subir interdictions, empêchements, restrictions, rationnement et renoncement. Il est à parier que pas grand monde ne sait quelles seront les suites politiques, économiques, nationales et planétaires de restrictions apportées par les confinements. Les mutations psychologiques et de comportements individuels et collectifs vontils se modifier et se transformer définitivement? On ne sait pas si on doit en attendre le pire, le meilleur ou le mélange des deux, ou, pire encore, ni le meilleur ni le pire, mais quelque chose d’absolument imprévu si la pandémie se renflammait: le monde entier va lentement et sûrement vers de nouvelles incertitudes, tellement cette crise est énorme, imprévue et menaçante. Cette crise sanitaire planétaire est une expression de la multitude et de l’enchevêtrement de la complexité dans toutes ses formes… Les connaissances se multiplient de façon tellement phénoménale et exponentielle qu’elles ne peuvent, par la même occasion, que dépasser les capacités humaines, les englober et se les approprier toutes, et, ce, surtout qu’elles se montrent d’une infinie complexité: comment confronter, sélectionner, organiser ces connaissances de façon adéquate en les reliant et en intégrant l’incertitude?
Ces questionnements révèlent encore une fois, si c’était nécessaire de se poser toutes les questions, la carence du mode de connaissance qui nous a été appris, qui nous fait casser ce qui est inséparable et ramener à une seule forme ce qui, au contraire forme un tout, à la fois unifié et différent. En effet, la révélation incroyable et stupéfiante des bouleversements que vit la planète est que tout ce qui semblait éloigné est proche, puisqu’une catastrophe sanitaire entraîne une série de crises, en chaîne, intéressant la totalité de tout ce qui est humain et forme notre humanité. Dans le domaine de ce qui est inconnu, on avance par découvertes successives et tout progresse par essais et erreurs ainsi que par des nouveautés et des innovations inconnues d’un grand public qui restent d’abord incomprises et rejetées par la plupart. Et c’est pour cela que le traitement contre le Covid19 est si difficile et si aventureux, en sachant qu’il y a peu de traitements directs et immédiats contre toutes les formes de virus. Cette colossale carence a conduit à toutes les formes d’erreurs, de diagnostic, de prévention, ainsi qu’à des prises de décisions incongrues.
Les manques dans le mode de pensée, couplés à la domination incontestable d’une soif effrénée de profit, sont responsables d’innombrables désastres humains dont ceux survenus depuis février 2020. Il existait une conception quasi sacralisée de la science, mais les débats épidémiologiques et les controverses thérapeutiques se multiplient en son sein. Plus que cela, la médecine a découvert ses limites… Les sciences biomédicales sont devenues un nouveau territoire de grandes controverses, chacun y allant de ce qu’il croit et qui n’est pas en fait et souvent la vraie solution aux problèmes posés par cette pandémie. La science est absolument nécessaire pour pouvoir lutter contre l’épidémie. Or, les téléspectateurs, inquiets ou rassurés, découvrent sans arrêt des avis différents et même contraires. C’est maintenant qu’il faut admettre et comprendre que la science n’est pas une série de vérités attestées, contrairement à la religion, mais que ses théories s’effondrent en permanence à l’arrivée des découvertes nouvelles, qui se produisent sans arrêt, les unes naissant des autres. Les théories rigidifiées et couramment admises deviennent souvent des vérités parmi les scientifiques qui n’évoluent pas, mais ce sont les déviants marginaux qui font avancer les sciences, parce que, justement, ils vont investiguer plus loin et, de ce fait, entraînent les corpus à se transformer et à progresser. Or, les contestations et les querelles d’hypothèses sont courantes et nécessaires, elles ne sont pas anormales mais impérativement nécessaires à toute forme de progrès. C’est une sorte de tâtonnement, vers l’inconnu, qui avance par tentatives avortées et par erreurs, par créations aberrantes et pas innovations inconsidérées, tout d’abord ridiculisées, rejetées et majoritairement incomprises; elles s’imposent d’elles-mêmes quand elles sont justes et vraies, c’est-à-dire quand elles sont agissantes.
C’est le schéma actuel ce virus. Des médicaments peuvent être conçus et fabriqués, ou réutilisés alors qu’ils servaient à autre chose, et s’avérer efficaces. La science est aujourd’hui minée par l’extrême hyperspécialisation qui met les uns à l’écart des autres, en faisant des sortes de tiroirs de tous les savoirs des différents spécialistes interdisant leur mise en commun et leur unification. Ce sont surtout des chercheurs et médecins indépendants, des outsiders, qui ont établi dès le début de l’épidémie une coopération qui maintenant s’élargit, et est obligée de le faire, entre infectiologues, chercheurs, virologues, épidémiologues et biologistes et médecins de toute notre planète. La science n’existe que parce qu’elle se répand, elle vit des communications entre les scientifiques, toute censure la bloque. La science moderne est fabuleuse, mais elle reste limitée par ses échecs, quand ils surviennent: il nous faut reconnaître et admettre ses forces et ses faiblesses. Mais elle est l’avenir de l’être humain de par sa capacité à aider la vie sous toutes ses formes. Le Pr Slaoui, notre concitoyen, formé et exerçant aux États-Unis a offert, en quelque sorte, la contribution du Maroc à toute la planète; Nous en sommes fiers et heureux !.