Que les compétences priment, M. Akhannouch

Futur gouvernement

Il est temps d’en finir avec certaines pratiques de rente politique, qui font de l’obtention d’un poste ministériel une récompense plutôt qu’une mise en responsabilité.

Avec 102 députés, soit plus qu’aucun autre parti ayant participé aux législatives du 8 septembre 2021, le Rassemblement national des indépendants (RNI) entame donc la nouvelle législature avec la confiance d’une bonne partie du peuple marocain. De même qu’en se voyant désigné Chef du gouvernement, son président, Aziz Akhannouch, bénéficie, au surplus, de l’onction royale, étant donné que le choix du Souverain aurait très bien pu s’arrêter sur une autre personnalité du RNI: rappelons que l’article de la Constitution afférent, à savoir l’article 47, stipule seulement que le titulaire de la primature soit issu de la formation arrivée première aux élections des membres de la Chambre des représentants, sans préciser qu’il doive nécessairement s’agir de son chef.

De fait, le prochain Exécutif fait, avant même d’avoir été installé, l’objet de grandes attentes, et il devra à coup sûr frapper vite et fort s’il ne veut pas les décevoir et, ainsi, décevoir le Roi et le peuple. Bien entendu, personne n’attend du RNI et de ses futurs alliés qu’il fassent des miracles: on le sait, ils arrivent à un moment où le Maroc et le reste du monde ne sont pas encore vraiment sortis de la pandémie de Covid-19 qui, depuis bientôt deux ans, les frappe, sans compter qu’ils auront pratiquement à nettoyer les écuries d’Augias, après plus de neuf ans de gestion catastrophique du Parti de la justice et du développement (PJD). Ça, c’est, pour utiliser le jargon des analyses SWOT dont M. Akhannouch est coutumier, pour les menaces. Pour les forces, on en compte aussi une pelletée. Mais deux, en particulier, viennent instantanément en tête.

Des points forts
La première, c’est que le RNI n’arrive pas vraiment en terrain inconnu. Depuis octobre 2013, il a, comme chacun le sait, pris part à chacune des majorités conduites par le PJD, au point que de nombreux observateurs ont voulu l’associer à l’échec de ce dernier. Ce qui, toutefois, fait l’impasse sur le fait qu’à leur niveau respectif, les ministres RNI s’en sont globalement tirés à bon compte, à commencer par M. Akhannouch, qui, depuis octobre 2007, avait la charge du département de l’Agriculture -inutile à cet égard de renvoyer encore à la réussite du Plan Maroc vert (PMV), derrière lequel il a été à l’oeuvre.

Et deuxième point fort, qui n’est d’ailleurs pas sans expliquer cela: les compétences du parti, à qui seules celles des formations issues du mouvement national, à savoir le Parti de l’Istiqlal (PI), l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS), arrivent à tenir la dragée haute. Certains penseront peutêtre, en premier lieu, aux technocrates spécialement “habillés” pour les faire figurer dans tel ou tel gouvernement, à l’instar de Mohamed Benchaâboun, Moulay Hafid Elalamy et Nadia Fettah Alaoui, qui sont respectivement les ministres sortants de l’Économie, de l’Industrie et du Tourisme, mais c’est oublier que le RNI peut également s’appuyer sur ses avocats, ses cadres et son personnel du secteur de la santé, ses experts comptables et financiers ou encore ses autres fonctionnaires et cadres administratifs, qui tous disposent d’organisations parallèles à part entière.

Une nouvelle mentalité
Et cet important vivier de talents devra, nécessairement, avoir voix au chapitre, de sorte à ne plus se retrouver dans la même situation d’il y a deux ans, où le roi Mohammed VI s’était trouvé dans l’obligation d’intervenir pour remanier le gouvernement Saâd Eddine El Othmani et “mettre à contribution des profils dotés d’une nouvelle mentalité, à même de hisser l’action à des niveaux supérieurs, pour réunir les conditions de réussite de cette nouvelle étape, pour accomplir in fine la mutation profonde que nous appelons de nos voeux”, comme l’avait souligné le discours du Trône du 29 juillet 2019.

Une description de poste qui, naturellement, reste encore d’actualité. En un mot: il est temps d’en finir avec certaines pratiques de rente politique, qui font de l’obtention d’un poste ministériel une récompense plutôt qu’une mise en responsabilité; un “tachrif” plutôt qu’un “taklif”, comme on le dirait dans la tradition islamique. Pour ainsi dire, ceux dont le Roi procédera à la nomination devront garder en tête que leur mission sera de mener à bien les grands chantiers lancés ici et là, et d’abord celui de la mise en oeuvre du nouveau modèle de développement (NMD). Et, par voie de conséquence, de faire primer l’intérêt du pays.

De toutes ses années en tant que ministre, M. Akhannouch n’a, à son crédit, jamais cédé au clientélisme en vogue dans la plupart des partis, ni d’ailleurs (rarement) ses autres collègues du RNI, beaucoup soulignant par exemple le contraste entre de nombreux responsables ministériels PJD régulièrement accusés de mettre à profit les différents concours de l’administration publique pour placer les leurs et M. Elalamy qui, en dehors de tout calcul partisan, a mis à contribution l’ensemble des équipes de son ministère pour mettre au point les plans d’accélération industrielle 2014- 2020 et 2021-2021 ainsi que les banques de projets. Des bases, le RNI et plus particulièrement M. Akhannouch en ont donc déjà; maintenant il faudra faire en sorte de continuer de se plier au même code de conduite et aux mêmes valeurs...

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