Elmortada Iamrachen, ancien compagnon de Nasser Zefzafi - ©ph:DR
Retiré des comités de la mouvance populaire rifaine, après en avoir été une des figures de proue, Elmortada Iamrachen revient pour nous sur la personnalité de Nasser Zafzafi.
Comment avez-vous vécu la marche du 18 mai 2017 de la ville d’Al Hoceïma?
Comme vous le savez, je ne suis plus membre des comités de la mouvance populaire; ceci ne m’a pas empêché, toutefois, de prendre part à la marche en ma qualité de citoyen. C’était un devoir, et je pense que beaucoup de gens dans le Rif l’ont ressenti ainsi. Des milliers de personnes ont marché dans la rue pour appeler au désenclavement de la région. De mémoire de Rifain, on n’avait jamais vécu une telle mobilisation. Je vous avoue toutefois qu’avant la marche, j’avais personnellement quelques appréhensions.
De quel genre?
Je craignais qu’il y ait de la casse. En janvier et février 2017, il y a eu des affrontements avec les forces de l’ordre. Quand j’ai vu cellesci s’ameuter en si grand nombre à Al Hoceïma, j’ai commencé à ébaucher les pires scénarii. Heureusement, tout le monde a été responsable. Il n’y a pas eu le moindre incident. Il faut saluer, pour cela, la qualité de l’organisation des comités de la mouvance populaire.
Justement, vous avez tout à l’heure fait allusion au fait que vous n’étiez plus membre des comités de la mouvance populaire. Pour quelle raison vous êtes-vous retiré?
J’ai eu plusieurs désaccords avec certains membres des comités, notamment avec Nasser Zafzafi, qui les dirige. Après les affrontements de février 2017, ce dernier m’avait proprement attaqué dans une vidéo sur le site web Facebook car j’avais suggéré l’idée d’organiser un sit-in devant le siège local de la police. Pour lui, cela aurait fait le lit de l’État au cas où la police ne nous aurait pas chassés, car l’État aurait pu par la suite, pour reprendre ses mots, dire qu’il respectait les manifestants et leur droit de manifester, de sorte à redorer son image. Puis je suis en désaccord total avec le fait de s’en prendre aussi frontalement aux institutions. Personnellement, je suis légaliste, je ne suis pas pour une confrontation avec l’État.
En gros, soutenez-vous toujours Nasser Zafzafi ou pas?
Je continuerais à le soutenir du moment qu’il défend des revendications socio-économiques qui, à mon sens, sont légitimes. Malgré nos désaccords, je vous avoue que je voue beaucoup de respect à sa personne et à tout ce qu’il a fait depuis le début de la mouvance populaire en octobre 2016 pour mobiliser la population du Rif. Il a beaucoup fait pour nous permettre d’arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
Quelles sont ses idées politiques, s’agissant notamment du statut du Rif?
Aussi bien Nasser que les comités ont toujours rappelé que leur combat, s’il s’inscrivait dans une perspective régionaliste, ne remet pas pour autant en cause la marocanité de notre région. Nous sommes Marocains et nous l’avons clairement scandé lors de la marche du 18 mai 2017. A cet égard, je refuse les accusations du gouvernement qui, le 14 mai 2017, nous avait taxés de séparatistes. J’ai d’ailleurs demandé aux ministres qui étaient présents le lundi 22 mai 2017 à Al Hoceïma de présenter leurs excuses officielles au Rif et aux Rifains.
Vous ne pouvez pas nier que des membres des comités de la mouvance populaire portent des idées indépendantistes. Quelle est votre position par rapport à eux?
Je défends la liberté d’expression et donc comme vous pouvez l’imaginer je suis pour qu’un indépendantiste puisse librement s’exprimer quand bien même je suis en désaccord avec lui.
Toutefois, je regrette qu’en même temps les comités n’aient pas permis aux personnes qui seraient par exemple ralliés à des partis politiques qui, certes, sont en mauvaise odeur de sainteté dans le Rif ne disposent pas de la même liberté de parole.
Les comités ne doivent, à mon sens, pas être orientés idéologiquement mais plutôt représenter toutes les tendances politiques dans la région. C’est un mouvement rifain fait pour tous les Rifains.
En continu
Compagnon de Nasser Zefzafi : "Je ne suis pas pour une confrontation avec l'État"
- par Wissam El Bouzdaini
- 31-05-2017
- Société